Complètement illuminé

Et allez, on remet ça ! Kermesse joyeuse pour petits et grands, cette année encore, Noël arrive le 25 décembre, au Vietnam comme ailleurs, avec ici un petit air de folie qui ensoleille cette fin d’année…

Blanche la neige sur les sapins verts. Rouges les manteaux des bonhommes Noël. D’or et d’argent les guirlandes suspendues au plafond des rues. Quoi de plus normal quand se profile à l’horizon la fête de Noël, quand s’allument les âtres qui réchauffent les soirées les plus longues de l’année, quand les dindes commencent à rédiger leur testament, en attendant de se prendre des marons, et que les bûches se multiplient dans les rayons des pâtisseries et sur les trottoirs verglacés. Sauf qu’ici, on est loin de l’Occident enneigé et de ses frimas d’hiver…

 

Illuminations de Noël à Hanoi.

Et pourtant, miracle de la chimie, du marketing et de l’acculturation internationale, de la neige il y en a des tonnes, autant du côté du fleuve Rouge que du côté du Mékong.

Mon beau sapin

Ce «miracle» de Noël, le Vietnam le doit à l’esprit festif œcuménique du Vietnamien, qui repose sur un postulat simple : si on fait la fête, on dépense plus, donc c’est bon pour le commerce.

Après Halloween, dont les citrouilles envahissent les rues fin octobre, c’est la tradition de Noël qui s’invite en cette fin d’année. Et, ne seraient-ce les klaxons et les sonorités de la langue locale, on pourrait se croire dans un des nombreux pays d’Europe ou d’Amérique du Nord, tant les magasins, les avenues, les hôtels et les restaurants, regorgent de décorations qui n’ont rien à envier à celles de leurs homologues occidentaux. Et parfois, les paradoxes valent «leur pesant de gratons», comme on dit à Lyon ! Ainsi, cocasses ces sapins de Noël qui, à la devanture des magasins, voisinent avec des «áo dài» (tunique traditionnelle des Vietnamiennes) bien d’ici. Surprenantes ces guirlandes chatoyantes qui s’enroulent à côté des lanternes rouges et or. C’est Noël, et ça se voit !

Et cette année même, ça se voit à un point qui frise la démesure, tant les sapins, qui trônent dans les hôtels ou sur les places, ont pris des dimensions vertigineuses. Véritables «Annapurna» pour écureuil en mal de sensation, le roi des forêts se donne en spectacle de toutes ses fibres synthétiques. Peu soucieux de s’être fait copieusement enguirlandé, il expose ses boules rutilantes aux rayons du soleil le jour et aux feux des illuminations la nuit. Hôtels, galeries commerciales, places publiques, tous sont entrés en compétition pour montrer le plus beau, le plus grand, le plus décoré de ce conifère qui, à défaut d’enrichir les forestiers du Morvan, ouvre de somptueux débouchés à l’industrie pétrochimique.

Succombant à la fièvre décoratrice et à la pression de ma progéniture, j’en ai acheté un, rue Hàng Ma dans le Vieux quartier de Hanoi, un soir d’égarement. En effet, qui n’a jamais été obligé de promener un sapin de 1m50 de haut sur une moto, en plein milieu des embouteillages, ne peut comprendre l’envie irrépressible qui nous vient de vouer aux gémonies «boules de neige et sapins blancs». Heureusement, les transports de joie juvénile, qui ont accueilli son habit de lumières scintillantes, ont largement compensé le ridicule de son transport urbain…

Têtes près du bonnet

Quant au compère inséparable de notre sapin, impossible de l’oublier : sous le dais scintillant des illuminations qui couvrent les grandes rues, des pères Noël, il y en a des centaines, des milliers. Non que le Vietnam pratique le clonage, mais tout simplement parce qu’il n’y a pas un coin de rue où l’on ne propose aux jeunes et aux moins jeunes des bonnets rouges de lutins, bordés de coton blanc. Dès lors, c’est une ribambelle de têtes «embonnetées» qui déambulent dans les rues, donnant à Hô Chi Minh-Ville et Hanoi un air de kermesse d’école. Et bien sûr, ma progéniture n’échappe pas à la frénésie ambiante...

Ce soir, je ne risque pas de me faire remarquer, en me promenant avec un des nombreux pères Noël miniatures à mon bras. Père Noël sans doute emmitouflé, car le temps s’est aussi mis à l’heure d’hiver ! Depuis plusieurs jours, la bise vient glacer les bouts de nez et d’oreilles qui dépassent des bonnets de laine. Pour bien rappeler, sans doute, que Noël est en décembre ! Seuls quelques rares touristes, qui déambulent en tongs et en short dans les rues de la capitale, semblent l’avoir oublié. Je me suis d’ailleurs souvent interrogé sur la capacité de l’organisme à réagir aux clichés publicitaires. Chez eux, à des températures pareilles, nos chers visiteurs seraient engoncés dans d’épais anorak, mais puisque les photos des sites de voyage leur montrent un Vietnam ensoleillé au goût tropical prononcé, le Celsius devient Fahrenheit… Et qu’importe que l’autochtone, qui sait de quoi il retourne, «s’enduvette» des pieds à la tête !

Mais, puisque c’est Noël, pensons d’abord à la fête, bien que la ressemblance entre le Noël vietnamien et le Noël occidental s’arrête à cette orgie de boules et de paillettes. Les dindes peuvent dormir tranquilles : pas de réveillons familiaux, pas d’arbres décorés dans l’intimité domestique. Cela, c’est réservé pour le Têt traditionnel, en janvier prochain.

Dans toute cette liesse, il y a cependant quelque chose qui agace un peu mon chauvinisme français. En effet, ce n’est pas le «Joyeux Noël» qui s’affiche en lettres éclatantes sur les devantures ou les écrans publicitaires, mais le «Merry Christmas». Bon, c’est vrai, c’est par le Nouveau Monde que nous est arrivé le bonhomme rouge qui symbolise le côté commercial de la fête de la Nativité. Mais, ce bonhomme, je le rappelle à cette occasion, était d’abord vert, et se nommait «Santa Klaus», en référence au Saint Nicolas de la légende, qui avait sorti les enfants du saloir. Et cet ancêtre, tout de même, il venait bien de la Lotharingie, entre Meuse et Rhin !

Heureusement, si les Vietnamiens ont concédé à la langue de Shakespeare la dénomination officielle de la fête, le père Noël lui-même fait de la résistance, puisqu’il se fait appeler «baba Noen» (papa Noël). Mais loin de chamailleries linguistiques…

… Joyeux Noël à tous ceux qui lisent ces lignes !

 

Gérard BONNAFONT/CVN

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