Burkina : l'armée s'impose face à la contestation de la rue, mais poursuit les concertations

La communauté internationale a largement condamné la prise de pouvoir par les militaires.

La situation restait tendue lundi matin 3 novembre au Burkina Faso quelques heures après le coup de force de l'armée.

En fin de journée elle a renouvelé son engagement à une transition concertée avec toutes les composantes de la société burkinabè, après une rencontre avec les chefs de l'opposition.

Le nouvel homme fort du pays, le lieutenant-colonel Isaac Zida, poursuivait également des consultations avec les ambassadeurs de France et des États-Unis, représentant deux alliés de poids du Burkina, selon la télévision nationale.

Le lieutenant-colonel Isaac Zida lors d'une rencontre avec l'opposition à Ouagadougou, le 2 novembre.

La journée a été marquée aussi par la mort d'un jeune homme qui manifestait devant la télévision nationale, tué par une balle perdue, selon l'armée, lorsque les soldats ont dispersé l'attroupement.

En début d'après-midi, des soldats du régiment de sécurité présidentielle, unité militaire d'élite dont M. Zida était le commandant en second, ont tiré plusieurs rafales en l'air et pris le contrôle du bâtiment de la radio-télévision nationale, la RTB, d'où ils ont chassé une foule de manifestants et évacué le personnel, selon des journalistes de l'AFP. La RTB avait repris ses émissions en début de soirée.

Simultanément, l'armée a investi la place de la Nation, tirant en l'air, lançant des grenades lacrymogènes et faisant fuir les milliers de personnes qui y étaient réunies. La foule n'avait cessé dimanche 2 novembre de grossir sur la place, lieu emblématique de l'insurrection populaire qui a poussé le président Blaise Compaoré à la démission vendredi 31 octobre après 27 ans au pouvoir.

Jeudi 30 octobre, des milliers de personnes avaient incendié le parlement et d'autres bâtiments officiels pour protester contre un projet de révision de la Constitution qui lui aurait permis de prolonger encore son pouvoir. Une trentaine de personnes ont été tuées dans les émeutes, selon l'opposition.

La haute hiérarchie de l'armée avait adoubé samedi 1er novembre le lieutenant-colonel Isaac Zida, 49 ans, qui a pris la tête du régime provisoire. Le nouveau chef militaire a d'emblée promis un processus "démocratique" associant toutes les forces vives de ce pays pauvre du Sahel comptant quelque 17 millions d'habitants, mais en restant flou sur les modalités de la transition.

Condamnation internationale

Le coup de force militaire du 2 novembre sonne comme un défi aux États-Unis qui avaient appelé, quelques heures plus tôt, "l'armée à transmettre immédiatement le pouvoir aux autorités civiles". Washington, allié privilégié du Burkina dans la lutte contre les jihadistes au Sahel, a également condamné "la tentative de l'armée burkinabè d'imposer sa volonté au peuple".

La Constitution burkinabè, que les militaires ont suspendue, prévoit que le président de l'Assemblée nationale assure l’intérim en cas de vacance du pouvoir.

L'Union européenne a quant à elle appelé l'armée burkinabè à respecter les droits fondamentaux de la population, y compris celui de manifester pacifiquement.

Le président ghanéen John Dramani Mahama, qui dirige actuellement la Cédéao, a appelé "au dialogue" et à la retenue, pour éviter que "la situation déjà précaire" ne dégénère.

La médiation internationale tripartite au Burkina, conduite par l'ONU, l'Union africaine (UA) et la Cédéao, l'organisation régionale de l'Afrique de l'Ouest, avait évoqué le matin la menace de "sanctions".

Lundi 3 novembre à Addis Abeba, doit se tenir à la mi-journée une réunion du conseil de paix et de sécurité de l'UA consacrée au Burkina.

"Nous espérons qu'il y aura une transition conduite par un civil, conforme à l'ordre constitutionnel", afin d'"éviter pour le Burkina Faso la mise en place de sanctions", a déclaré l'émissaire de l'ONU pour l'Afrique de l'Ouest, Mohamed Ibn Chambas.

Après une discussion d'une petite heure avec l'opposition dans l'après-midi, M. Zida a tenté de rassurer, déclarant dans un communiqué qu'"un organe de transition sera mis en place avec toutes les composantes qui seront arrêtées par un large consensus, et dont la durée sera précisé".

Dans un communiqué distinct, l'armée a annoncé l'allègement du couvre-feu de nuit, s'étendant désormais de minuit à 5 heures du matin, au lieu de 22 heures à 6 heures.

AFP/VNA/CVN

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