Le Vietnam - un pays agricole - présente des conditions favorables à la production de biocarburant. Si le bioéthanol peut être produit à partir du riz, du maïs, du manioc, de la patate douce, de la canne à sucre..., le biodiesel s'extrait à partir des plantes oléagineuses comme arachide, soja, sésame, tournesol, coco, coton... On n'a que l'embarras pour le choix des matières premières appropriées.
Se pose néanmoins une question embarrassante : les produits servant de matières premières pour le biocarburant se doublent d'aliments indispensables tant pour l'homme que pour le bétail. Or, aujourd'hui encore, le monde entier n'arrive pas encore à se suffire en vivres. Sans parler de cette triste réalité : face à la tendance de l'urbanisation, la superficie de terres arables se restreint de jour en jour. Considérée comme l'un des grands défis planétaires, la sécurité alimentaire constitue actuellement une question de première importance au Vietnam.
D'un autre côté, l'utilisation du biocarburant, une source énergétique "verte", permettra au pays de ne plus dépendre entièrement des sources de combustibles fossiles, déjà menacées de se tarir. C'est dans cette optique que le gouvernement vietnamien considère l'industrie bioénergétique comme un secteur de pointe participant directement à la garantie de la sécurité énergétique du pays comme à la protection de l'environnement.
Comment concilier aliments et énergie ?
Quelle est donc la "solution conciliante" pour satisfaire en même temps à ces deux demandes, la première en terme d'aliments et la seconde en terme de biocarburant ? La tâche est confiée au Groupe du pétrole et du gaz du Vietnam (PVN), qui doit avancer un plan de développement de l'industrie bioénergétique et trouver pour celle-ci une source de matières premières équitable. Après des études minutieuses, les experts ont choisi l'éthanol E5 comme produit initial, qui utilise le manioc comme matière première principale.
L'éthanol E5 est composé de 5% de bioéthanol et de 95% d'essence sans plomb A92 pour une utilisation dans les moteurs de voitures et de motos. Son indice d'octane est plus élevé que celui de l'essence, ce qui améliore sa combustion tout en réduisant le rejet de composés polluants. La production d'éthanol E5 fait partie du Programme de mise en oeuvre des projets de production de biocarburants vers 2015, perspectives 2025, ratifié en 2007 par le gouvernement. Un programme de longue haleine, avec un objectif multiple : développer, produire, transformer, commercialiser et distribuer des produits bioénergétiques, ce par le biais de la Compagnie générale du pétrole du Vietnam (PV Oil).
La mise en oeuvre du programme constitue en effet un tournant de l'histoire de l'industrie de l'énergie au Vietnam. Selon PVN, outre le fait qu'il n'ait aucune incidence sur l'environnement, le biocarburant contribuera aussi au développement économique des zones rurales qui sont appelées à produire et à fournir les matières premières nécessaires à sa production.
Six projets de production d'éthanol E5
Déjà six projets de production de biocarburant dans l'ensemble du pays ont obtenu la licence d'opération. Les six premières usines de fabrication d'éthanol E5 du Vietnam, dont une a fraîchement été mise en service, trois autres sont en cours de construction et les deux restantes en étape de préparation, utilise et utiliseront toutes du manioc.
En août 2010, l'usine Dai Tân, installée dans la province de Quang Nam (Centre), a sorti les premiers fûts d'éthanol E5 "made in Vietnam" après deux ans de construction. Doté d'un capital de 500 milliards de dôngs investis par la compagnie par actions Dông Xanh et couvrant une superficie de 17 hectares dans le district de Dai Lôc, l'usine de Dai Tân est capable de produire 100.000 tonnes d'éthanol par an (soit l'équivalent de 125 millions de tonnes d'essence). Sans oublier des produits secondaires dont le gaz CO2 liquéfié (20.000 tonnes/an), l'engrais micro-organisme (40.000 tonnes/an).
"Le biocarburant satisfait à la demande nationale de chercher une énergie verte pour remplacer les produits polluants", souligne Luu Quang Thai, président du conseil d'administration de la compagnie Dông Xanh. Pour lui, la vie de l'usine Dai Tân se lie étroitement à la vie des paysans locaux, en consommant plus d'un million de tonnes de manioc séché par an.
Lê Van Anh, un paysan de Dai Lôc, s'exprime avec enthousiasme : "C'est miracle que le manioc se transforme en carburant. L'entrée en service de l'usine Dai Tân nous permet d'écouler notre manioc. Nous sommes ravis d'avoir désormais un grand consommateur sur place, qui nous permet aussi de trouver un emploi stable". En effet, plus de 300 travailleurs locaux ont été embauchés par l'usine Dai Tân.
Les trois usines d'éthanol E5 du Groupe du pétrole et du gaz du Vietnam, d'une puissance totale de 240 millions de litres par an, sont actuellement en cours de construction et devraient être mises en fonctionnement en 2011. Concernant les matières premières, ce dernier a misé sur la création d'une source stable. Le plan est avancé : mettre en culture une variété de manioc de haut rendement tout en introduisant de nouvelles techniques culturales. Secondé par l'Institut des sciences et technologies du Vietnam, l'investisseur espère atteindre une production de 18.000 - 25.000 tonnes/an vers 2015, se suffisant alors en matières premières.
L'avenir de l'industrie de bioénergie est prometteur, selon des experts. Le pays recense de grandes étendues de terre prêtes à être exploitées pour la culture du manioc et de la canne à sucre, notamment dans régions montagneuses au Nord et au Centre.
Avec une double efficacité (énergie et contribution à la protection environnementale), l'éthanol E5 se fait petit à petit une place sur le marché domestique. Mis en vente depuis un mois seulement, ce biocarburant a déjà ses "fans", dont la Compagnie de tourisme de Viêt Hai. La Compagnie générale du pétrole du Vietnam (PV Oil), unité chargée de la production et de la distribution du biocarburant, ne cache pas son ambition de créer un club baptisé "Pour une planète verte". "Alors, les voitures alimentées par de l'éthanol E5 auront le droit de porter le logo du club - Pour une planète verte", lance-t-il avec optimisme.
L'éthanol E5 commence à s'affirmer au Vietnam
À compter du 1er août 2010, l'éthanol E5 est disponible dans une vingtaine de stations-service à Hô Chi Minh-Ville, Bà Ria-Vung Tàu (Sud), Hanoi, Hai Phong et Hai Duong (Nord). Avec un prix proposé de 15.450 dôngs/litre, ce biocarburant est donc moins cher (de 500 dôngs) que l'essence sans plomb A92.
Selon la Compagnie générale du pétrole du Vietnam (PV Oil), après ces cinq provinces et villes, la vente de l'éthanol E5 en station-service sera prochainement étendue à Dà Nang (Centre), Huê (Centre) et Cân Tho (delta du Mékong, Sud), avant qu'il soit distribué dans l'ensemble du pays en 2012. Les prévisions de PV Oil laissent entrevoir que la demande en biocarburant du Vietnam sera de l'ordre 16.000 tonnes l'année prochaine, soit 0,1%
du volume national de carburants. Et le chiffre sera porté à 250.000 tonnes en 2015.
Nghia Dàn/CVN