Bagdad : corvette et Porsche ressortent leurs jantes sur les bords du Tigre

Essam Khamtan a préparé pendant 2 ans son Lion de Bagdad : sièges importés de Jordanie, cylindres bricolés dans son garage pendant que les attentats frappaient la capitale irakienne. Désormais, il exhibe le moteur gonflé de sa BMW sur les bords du Tigre.

"On m'appelle Special Hunter", dit-il fièrement en montrant son pseudonyme, en filigrane, inscrit à l'arrière de son bolide. Autour de lui, des dizaines de voitures sont alignées dans un parking de Jadriyah, dans le centre de Bagdad.

Une centaine d'hommes, des jeunes portant invariablement des casquettes, sont venus. Le style est résolument "street wear", les cheveux gominés, et pour certains des t-shirts noirs à l'effigie de Marilyn Manson, icône du rock gothique.

Au milieu des BMW noires, des Corvette au capot décoré de flammes argentées ou des Honda Civic rouges portant un autocollant avec un cheval noir cabré pour faire "Ferrari", cette réunion d'adeptes de "tuning" pourrait se dérouler dans le MidWest américain ou dans une province française. Mais le ballet des hélicoptères militaires au-dessus du fleuve et un barrage de contrôle à l'entrée du parking rappellent la réalité irakienne. Car ce rassemblement d'amoureux des voitures et de la vitesse aurait été impensable il y a encore quelques mois.

"Je me suis réfugié en Jordanie de 2005 à 2007", dit Essam. À l'époque, son quartier de Dora, dans le Sud-Ouest de Bagdad, était en proie à la violence. Sunnites et chiites étaient pris entre plusieurs feux : armée américaine, milices chiites, Al-Qaïda et insurgés. "Je suis sunnite et ma femme est chiite. Menacés, nous avons fini par partir", explique cet Irakien de 33 ans.

Revenu à Bagdad, Essam travaille sur sa BMW. "J'ai dépensé 1.000 dollars la semaine dernière pour des dernières réglages et voilà le résultat", dit-il fièrement. La lunette arrière du véhicule a été décorée par ses soins : un drapeau irakien en forme de lion.

Cette rencontre est organisée par l'Association des sports automobiles d'Irak en pleine renaissance. Depuis 2 mois seulement, les Irakiens se rencontrent le premier vendredi du mois pour des courses chronométrées et des "duels" sur 400 mètres.

"Nous avions arrêté en 2004 car c'était trop dangereux. Les milices étaient contre", explique Messar, un organisateur. Il est venu avec sa Porsche Carrera pourpre, mais ne participe pas aux courses.

Dans les rues de Bagdad, les voitures de ces amateurs sont rares, mais la guerre et les services de sécurité ont favorisé l'apparition d'énormes 4 x 4, des GMC ultra- puissants qui s'ouvrent la route à coup d'accélérateurs et de klaxons.

Ali Mohammed, un Kurde de 41 ans, vient de faire le meilleur chrono avec sa Nissan ZX de 1991 sur le parcours balisé par des plots. Le nuage de poussière créé par ses dérapages contrôlés n'est pas encore retombé qu'Ali retire son casque.

"Nous sommes allés voir le ministère des Sports, le ministère du Tourisme, et ils nous ont autorisés à venir ici", dit Ali, également co-organisateur du rassemblement. "Maintenant, on cherche de l'argent, des sponsors, on veut se développer", ajoute ce carrossier.

AFP/VNA/CVN

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