Mais les entreprises vietnamiennes ne sont pas encore habituées à y recourir. Plusieurs experts estiment que si le Vietnam élabore une loi sur l'arbitrage commercial compatible à la pratique internationale, ce texte constituera l'un des facteurs pour les entreprises étrangères de développer leurs relations d'affaires avec leurs homologues vietnamiens. Avis de l'avocat Trân Huu Huynh, chef du bureau de législation de la Chambre de Commerce et d'Industrie du Vietnam (VCCI) et vice-président du Centre d'arbitrage international du Vietnam.
En qualité de consultant pour le projet de loi sur l'arbitrage commercial compte tenu de votre activité en ce domaine, un tel texte est-il si nécessaire ?
C'est la première fois au Vietnam qu'un projet de loi sur l'arbitrage commercial est élaboré. Auparavant, il y a eu un arrêté, puis l'ordonnance de 2003 actuellement en vigueur. C'est-à-dire que cette loi est nécessaire... et pour moi, une fois bien "conçue", elle sera un outil efficace pour les entreprises. Et en s'assurant d'une conformité aux usages internationaux, elle intéressera également les entreprises étrangères. J'ajouterai de manière plus générale que l'élaboration d'un tel texte est le signe révélateur de l'amélioration de l'ordre juridique de notre pays, ce qui est également un bon signe pour les investisseurs et hommes d'affaires étrangers sur les possibilités de s'implanter au Vietnam.
Nos entreprises n'ayant pas encore le réflexe de recourir à l'arbitrage, ou le connaissant très peu, quel intérêt d'un tel texte pour celles-ci ?
Ces derniers temps, les différends réglés par voie d'arbitrage sont encore peu nombreux au Vietnam. Mais ceci n'est qu'une apparence car il ressort de plusieurs enquêtes effectuées à ce sujet que le nombre d'entreprises en quête d'informations croît rapidement. Et de fait, la pratique confirme ce fait avec la présence de plus en plus fréquente de clauses compromissoires dans les conventions. Par ailleurs, une des supériorités de ce moyen de règlement des litiges tient à sa grande souplesse, je dirais plutôt une grande "géométrie variable" : les parties sont libres de choisir les arbitres, leurs pouvoirs sur le fond et la procédure. Il n'y a pas que cela, on peut ainsi ajouter que leur affaire peut être réglée une fois pour toute, dans un délai qui peut être très bref et, du point de l'extranéité, on choisir le droit applicable, la ou les langues pour le traitement du dossier, y compris même jusqu'à recourir à des arbitres d'un tiers pays... Si l'on informe correctement les entreprises de toutes les possibilités en la matière, avec des juridictions et un corps d'arbitres bien formé, l'État offrira alors de multiples possibilités à ses entreprises pour faire face à un litige qui peut survenir en tout état de cause et à tout moment. Autre avantage non négligeable, une atténuation significative de la surcharge de nos juridictions...
Une loi doit être effective sinon elle est inutile. Quels sont les traits marquants de la Loi de l'arbitrage commercial ?
Dans l'arrêté sur l'arbitrage commercial, le premier texte en ce domaine dans notre droit, si l'une partie concernée refuse d'exécuter la décision arbitrale, l'autre doit recourir à la judiciaire... Dans l'ordonnance de 2003, l'arbitrage est considéré comme un moyen direct de régler un litige mais ce texte réserve encore de trop nombreuses conditions d'annulation d'une décision arbitrale qui a entraîné une perte de confiance de la part des entreprises. En revanche, le projet en cours pose des conditions précises et strictes qui écartent tout acte dilatoire ou abusif d'une partie et assure une plus grande autorité des décisions arbitrales, y compris du point de vue de leur exécution forcée.
C'est le point le plus important à assurer, car au-delà de cela, la réalité montre que l'arbitrage a un rôle important pour les hommes d'affaires, non seulement pour des raisons de délais ou de latitudes dans les modalités de traitement du litige, mais aussi et surtout car il laisse toujours la possibilité à tout moment de négocier. Par ailleurs, si l'arbitre ou le conseil d'arbitres ne traite pas clairement l'affaire, il y perd crédibilité, donc ses clients.
Entrepreneurs et entreprises choisissent l'arbitrage commercial car il est propre aux formes du commerce, il possèdes ses spécificités que n'ont pas les juridictions, mêmes commerciales, et auquel elles ne peuvent se substituer. En d'autres termes, il a toujours une place pour celui-ci, et les hommes d'affaires l'acceptent naturellement, tout comme ils en assument les risques éventuels.
De nombreuses entreprises craignent les problèmes d'exécution des décisions n'émanant pas d'une juridiction. Qu'en pensez-vous ?
Pour que la Loi sur l'arbitrage commercial entre dans la vie quotidienne des affaires, il faut améliorer les connaissances des entreprises et les sensibiliser au rôle des arbitres. Dans d'autres pays, il n'y a que peu d'annulation de décisions d'arbitrage car celles-ci sont meilleures. À mon avis, le Vietnam doit s'engager dans cette voie.
Hiên Trâm/CVN