Allemagne : les hommes courtisés par les jardins d'enfants

L'un était pâtissier, l'autre linguiste : Sebastian et Torsten seront bientôt éducateurs, une reconversion encouragée en Allemagne pour attirer du personnel masculin dans les garderies.

"Nous voulons servir de repères identitaires sans transmettre de stéréotypes", explique Torsten Mansfeld, 35 ans, qui termine une animation matinale en anglais dans un jardin d'enfants bilingue à Neuruppin, à 80 kilomètres au nord-ouest de Berlin.

"La société parle d'égalité hommes-femmes, alors il faut montrer aux enfants qu'aussi bien les femmes que les hommes peuvent s'occuper d'eux", estime ce linguiste, père d'un garçon de 8 ans.

Torsten fait partie de la quarantaine d'anciens charpentiers, électriciens, ramoneurs, carreleurs ou chômeurs, qui ont déjà bénéficié d'une formation d'éducateurs de jeunes enfants de 2 ans, en alternance, prise en charge par les pouvoirs publics dans l'État régional du Brandebourg.

Une façon de pallier la rareté des hommes dans ces structures mais aussi d'anticiper la demande croissante de main-d'oeuvre du fait du vieillissement démographique et de l'augmentation prévue du nombre des places en crèches.

La démarche du Brandebourg, le Land entourant Berlin où le chômage dépasse les 10%, a été saluée par le ministère fédéral de la Famille, qui a présenté en juillet une étude selon laquelle les hommes forment 2,4% du personnel pédagogique des jardins d'enfants.

Pourtant, dans la première économie européenne, les hommes ne sont pas en reste dans l'éducation de leurs enfants : un père sur 5 prend un congé parental rémunéré.

Après 10 ans de pâtisserie, Sebastian Weger, 27 ans, cherchait de "nouvelles perspectives" et il se dit "comblé". "C'est en aidant ma petite amie dans une garderie que j'ai remarqué que c'était fait pour moi", dit-il, accueilli à bras ouverts par les têtes blondes de la crèche protestante de Neuruppin.

"Beaucoup d'hommes ont encore peur de se lancer, à cause des préjugés, et c'est dommage car c'est un enrichissement pour les enfants comme pour l'équipe", observe sa mentor et collègue, Judith Friedrich, estimant urgent de "revaloriser le métier".

"Les enfants ont besoin d'une personne de référence masculine surtout quand ils sont élevés uniquement par leur mère", poursuit l'éducatrice qui considère que la branche ne peut se contenter des volontaires du service civil.

La plupart des diplômés du programme de reconversion professionnelle, qui combine 2.100 heures de pratique et 1.200 heures de théorie, ont trouvé un emploi dans le Brandebourg.

Même Torsten est assuré de pouvoir rester dans son établissement d'accueil à l'issue de sa formation en mars, avec un salaire mensuel brut de 2.045 euros.

Pour Anette Stein, experte de la fondation Bertelsmann, ce modèle de reconversion "ne va pas suffire à changer les mentalités". Pour convaincre les hommes de choisir mais aussi de rester dans cette voie, il faudrait "plus de reconnaissance, notamment financière".

Un pas dans cette direction serait de redresser la qualification au niveau universitaire, en débat actuellement.

"Nous avons constaté un immense intérêt de la part des parents, des structures et des éducatrices, mais il n'y a pas de stratégie pour attirer les hommes dans ce domaine dominé par les femmes", affirme Jens Krabel, co-auteur de l'étude parue en juillet sur le personnel masculin dans les crèches.

Ce sera la mission d'un programme national baptisé "Plus d'hommes dans les jardins d'enfants" qui doit démarrer début 2011 avec l'objectif de contribuer à parvenir à long terme à 20% d'éducateurs dans les garderies.

AFP/VNA/CVN

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