Pendant la guerre du Vietnam, l’US Air Force a déversé, de 1961 à 1971, plus de 80 millions de litres de défoliants. |
Photo : VNA/CVN |
En 1961, la guerre au Vietnam évolue dans un sens défavorable pour le gouvernement fantoche de Saigon et l’US Air Force, de plus en plus impuissant face au lancement de la tactique de guérilla de l’Armée de libération du Sud.
Les soldats Viêt Công (terme provenant de la contraction de "Công San" - signifiant communiste - et "Viêt Nam" - Vietnam) cachés sous le couvert dense des forêts tropicales causent de lourdes pertes à l’armée américaine et au gouvernement de Saigon, perturbant le désir américain de "victoire rapide" au Sud du Vietnam.
En outre, l’armée du Nord du Vietnam profite des terrains accidentés et des forêts denses de la cordillère de Truong Son pour acheminer via la piste Hô Chi Minh, de 17.000 km de long, armes et nourriture vers le Sud. L’armée américaine mène de nombreuses attaques pour la détruire, qui ont toutes échoué.
Tueur invisible
Afin de couper l’approvisionnement du Nord, l’armée américaine décide d’abord de lever les "obstacles" qui empêchent les pilotes de voir leurs cibles. Le 12 avril 1961, une note est soumise au président américain John F. Kennedy. Elle propose neuf types d’actions militaires, dont la défoliation des forêts avec des herbicides. L’objectif : empêcher les soldats de l’armée du Nord et du Viêt Công de se cacher sous le couvert forestier et leur couper les vivres.
Le département américain de la Défense soutient cette proposition au motif que les herbicides sont le moyen le plus économique mais le plus efficace pour détruire les forêts. Ces défoliants sont donc transportés et stockés à l’aéroport de Biên Hoà (province de Dông Nai), puis ceux de Dà Nang et Phù Cat (province de Binh Dinh).
Le 10 août 1961, la première "pluie chimique" est tombée sur le village de Ngoc Hôi de la province de Kon Tum (hauts plateaux du Centre), marquant le début de l’opération militaire américaine Ranch Hand ("ouvrier agricole") en vue de détruire les refuges naturels des combattants pour la libération et la réunification.
Le 30 novembre 1961, John F. Kennedy donne son feu vert au programme d’utilisation à large échelle des herbicides. Pendant cette période, la propagande du gouvernement de Saigon et des États-Unis ne mentionne pas les impacts délétères des herbicides, faisant croire aux gens que la substance est inoffensive.
Selon l’argumentation des envahisseurs, les herbicides sont utilisés pour "nettoyer" les bosquets denses. Ils provoquent le flétrissement, la défoliation mais sont absolument non toxiques pour les hommes et les animaux ainsi que l’eau. Cependant, peu de gens savent que ce défoliant contient de la dioxine, un poison classé parmi les plus dangereux au monde non seulement en raison de sa capacité de causer la mort, mais également de laisser des séquelles sur de nombreuses générations.
En outre, lorsqu’il est pulvérisé sur une forêt, l’agent orange détruit toute la végétation, quel que soit son type, jusqu’aux racines des arbres, provoquant la mort du bois.
Ce produit toxique s’infiltre également dans le sol, empêchant la croissance des arbres plus tard, détruisant l’industrie agricole et causant de nombreux impacts sur la santé humaine. On a identifié quelque 419 types de composés apparentés à la dioxine, dont 30 sont considérés comme ayant une toxicité importante, la TCDD (tétrachlorodibenzodioxine) étant la plus toxique. Au Vietnam, l’armée américaine a utilisé 15 herbicides, nommés orange, bleu, blanc, rose et violet, qui étaient tous des mélanges de différentes dioxines.
Douleur de la guerre
Victimes vietnamiennes de l’agent orange/dioxine dans le district de Tiên Phuoc, province de Quang Nam (Centre). |
Photo : VNA/CVN |
Le général de corps d’armée Nguyên Van Rinh, président de l’Association vietnamienne des victimes de l’agent orange/dioxine, a informé : "De 1961 à 1971, l’armée américaine a mené plus de 19.000 missions, pulvérisant plus de 80 millions de litres d’herbicides sur 26.000 villages du Sud du Vietnam, avec des impacts très graves sur l’environnement écologique et la vie humaine".
Selon lui, actuellement, plus de 4,8 millions de Vietnamiens souffrent encore dans leur chair des conséquences de l’agent orange/dioxine : vétérans de guerre et simples villageois qui ont été les victimes directes, mais aussi leurs enfants et petits-enfants !
"Il n’y a pas de douleur aussi terrible et dangereuse que celle de l’agent orange, qui pousse les gens dans des situations extrêmes. La dioxine est un poison qui traverse les viscères et se transmet aux générations, a souligné le Professeur Vu Quy, un scientifique qui étudie ce défoliant depuis une trentaine d’années. Des dizaines de maladies dangereuses tourmentent les victimes et leurs descendants".
En plus des Vietnamiens, des vétérans américains, sud-coréens, australiens ayant participé à la guerre du Vietnam ont également été exposés. D’après un responsable des forces de l’US Navy et de l’Air Force au Vietnam, de 1968 à 1970, au moins 2.100 pilotes américains ont été exposés. La République de Corée compte 100.000 victimes de l’agent orange/dioxine parmi ses 300.000 soldats ayant participé à la guerre au Vietnam, dont 20.000 sont morts. Après la guerre, les États-Unis ont dû faire face au "syndrome orange".
Le vétéran Briamd Money à Boston, qui avait participé à la guerre du Vietnam dans les années 1966-1968,a été infecté car son unité était installée dans un lieu où des épandages eurent lieu. Il a informé que parmi les soldats et conseillers américains de retour du Vietnam, des dizaines de milliers avaient souffert de cancers, de diabète et de nombreuses pathologies liées à leur intoxication par l’agent orange. Et leur descendance est aussi atteinte de malformations congénitales. Pas mal d’anciens combattants américains souffrent aussi d’un trouble mental appelé "syndrome du Vietnam", causé par l’agent orange.
Catastrophe nationale
Cours d’apprentissage en faveur de victimes de l’agent orange à Dà Nang (Centre). |
Photo : Duong Ngoc/VNA/CVN |
Bien que les impacts de l’agent orange sur l’homme soient catastrophiques, ce n’est que dans les années 1970 que ses séquelles sont progressivement apparues. Les bases scientifiques importantes ont permis au gouvernement vietnamien d’identifier l’agent orange comme "catastrophe nationale". En effet, au milieu des années 1960, au Sud, il y a eu une augmentation soudaine du nombre de bébés nés avec des malformations de cause inconnue.
En tant qu’obstétricienne, la doctoresse Nguyên Thi Ngoc Phuong, directrice de l’hôpital Tu Du à Hô Chi Minh-Ville, a passé beaucoup de temps à lire de nombreux documents médicaux pour trouver les causes de ce phénomène étrange. En même temps, elle a demandé à l’hôpital Tu Du de conserver les nouveau-nés souffrant de malformations.
En comparant les zones où l’armée américaine avait pulvérisé des herbicides avec les villes natales des mères qui avaient donné naissance à des bébés malformés, conservés à l’hôpital, Mme Phuong a été choquée de découvrir que la plupart des adresses des mères étaient situées dans les zones qui avaient subi des épandages.
Après la réunification du pays en 1975, Mme Phuong a mené une étude auprès de 1.000 foyers de la commune de Thanh Phong, district de Thanh Phu, province de Bên Tre (Sud). Les résultats ont montré que le taux de personnes vivant dans des zones touchées par l’agent orange donnant naissance à des enfants malformés est trois à quatre fois plus élevé que dans les régions épargnées par ces épandages.
En 1983, la doctoresse Phuong a publié les résultats de sa recherche dans une revue scientifique britannique. Ces fondements ont permis au gouvernement vietnamien d’affirmer que l’agent orange fut une catastrophe pour le peuple vietnamien.
Déterminer ses effets néfastes fut extrêmement important pour les victimes et le gouvernement vietnamien. Cela lui a permis d’élaborer des politiques pour surmonter ses conséquences et rendre justice aux victimes. Actuellement, à côté des politiques prioritaires en leur faveur, leur combat juridique, bien que très difficile, marque des points d’année et année, salués et soutenus par l’opinion publique nationale et internationale.