Le pigiste Nguyên Trung Tinh. |
Le matin, il passe en revue les dernières actualités nationales et locales sur le Net et contacte par téléphone les bureaux compétents des provinces et villes du delta du Mékong pour avoir des informations sur les évènements du jour. Quelques heures plus tard, il est déjà à des dizaines de kilomètres de chez lui, en mission. À midi, il s’accorde une petite pause déjeuner sur le pouce. L’après-midi, il interviewe. Le soir, il tape ses articles. Une journée type de Nguyên Trung Tinh, 38 ans, pigiste de métier et victime de l’agent orange.
Le 26 septembre 2007, un grave accident ébranle le chantier du pont de Cân Tho, coûtant la vie à 53 personnes. Quelques dizaines de minutes plus tard, un jeune homme appuyé sur deux béquilles et portant un appareil photo en bandoulière apparaît. Nguyên Trung Tinh vit à seulement 5 km du lieu du drame et est le premier journaliste sur place. Une heure plus tard, les premières informations et photos concernant l’accident, signées Nguyên Trung Tinh, apparaissaient dans certains journaux en ligne. Les mois suivants, il a continué de couvrir l’événement, l’enquête notamment. Une de ses expériences les plus marquantes en tant que journaliste, mais aussi en tant qu’homme.
Un métier, une passion, une raison de vivre
Tinh est né dans le district de Binh Minh (province de Vinh Long), localité où de grandes quantités de dioxine ont été déversées par l’US Air Force. À sa naissance, Tinh souffre de malformations. Malgré son lourd handicap et des conditions familiales difficiles, il est déterminé à aller à l’école. Après le baccalauréat, en raison d’une santé chancelante, il met un terme à son parcours scolaire, que beaucoup déjà lui envieraient. Mais que faire comme métier ? Tinh sait qu’il a une belle plume journalistique et décide de tenter sa chance. Il écrit des articles et les envoie à certains journaux locaux. On apprécie son style, c’est gagné ! Et c’est ainsi que depuis dix ans, il est pigiste pour des journaux locaux mais aussi nationaux, dont le fameux Lao Dông (Le travail).
Tinh rédigeant des articles à son domicile. |
Nguyên Trung Tinh a loué un studio de 15 m² près de sa maison qui lui fait office de bureau. Les journalistes de Cân Tho l’appellent l’«Agence de presse du Sud-Ouest», car beaucoup d’articles viennent de là. Chaque mois, ses articles lui rapportent 5 millions de dôngs en moyenne. Une somme suffisante pour un homme sans famille à charge. Mais ce salaire n’est rien comparé à la joie de se sentir utile. Tant de personnes handicapées comme lui en sont réduites à rester cloîtrées chez elles, entièrement à la charge de leur famille.
Tinh est incapable de conduire une moto. Pour ses missions de terrain, c’est à tuk-tuk qu’il se déplace. Pour des missions plus éloignées, il fait appel à un xe ôm (moto-taxi). Auparavant, il envoyait ses articles par la poste. Maintenant, grâce à Internet, tout est expédié en quelques clics.
Le porte-voix des exclus
Assis sur son lit, Tinh rédige rapidement son article du jour. À côté, trône un antédiluvien radiocassette qui diffuse des airs de Trinh Công Son chantés par Khanh Ly. «Je tape à n’importe quel moment de la journée, quand l’inspiration me vient, confie Tinh. Mon emploi du temps est différent de celui de mes collègues. Je mange et je dors quand j’ai le temps !».
Tinh conserve soigneusement tous ses articles. |
Ses articles traitent souvent des personnes marginalisées à cause de la pauvreté, du handicap, de la maladie. Il a plus d’une fois reversé une partie de l’argent d’un article à la personne dont traitait ce dernier.
Tinh a 38 ans et déjà un solide parcours professionnel derrière lui. Sans hiérarchie ni épouse, il mène sa barque comme il l’entend. Libre, à en oublier son handicap.
Quê Anh/CVN