La nuit tombée, à Thèn Pa, dans la commune de Lung Cu, district de Dông Van, des mélodies de khèn résonnent entre montagnes. Le joueur, Giàng A Chu, 51 ans, est admiré par les H’Mông résidant dans cette région frontalière.
Le vieux quartier de Dông Van se distingue par ses maisons anciennes, aux façades en pierre noircie par la fumée du mèn men (maïs moulu, cuit à la vapeur) et du thang cô (spécialité locale à base d’abats). Le soir, des lanternes sont suspendues à la véranda de ces vieilles demeures au toit courbé. Plus loin, au pied de la montagne, le marché de Dông Van attire des milliers d’habitants des ethnies environnantes et de nombreux chanteurs amateurs. Dans un coin, Giàng A Chu et sa fille Giàng Thi My, 13 ans, jouent du khèn H’Mông devant des centaines de visiteurs. Les airs de cet instrument traditionnel contribuent à l’authenticité de ce marché haut en couleurs.
Plus que de la musique, un art
Giàng A Chu et sa fille Giàng Thi My, en représentation à Dông Van. |
Pour les H’Mông, dans ce plateau de Dông Van, le khèn est un instrument important, un élément à part entière de leur patrimoine culturel. Ils en jouent ainsi à l’occasion de fêtes, avec pour chacune une mélodie particulière. À Thèn Pa, les personnes âgées considèrent que lorsqu’un garçon peut utiliser un couteau et une pioche, il est temps pour lui d’apprendre à jouer du khèn. Pour les jeunes H’Mông, jouer de cet instrument est un art, un moyen également de trouver leur moitié.
A Chu est né et a grandi au sein de l’ethnie H’Mông. Enfant, il se prend de passion pour cet instrument. Dans sa famille, on recense trois générations d’artistes célèbres. Ainsi, à 12 ans, A Chu savait déjà interpréter des airs de khèn traditionnels.
Cette passion, il l’a reçu de son père. Giàng A Cho, musicien spécialisé dans les arts traditionnels des H’Mông, a longtemps enseigné le khèn à son fils, mais en refusant que ce dernier en fasse son métier.
Giàng A Chu précise que «un joueur de +khèn+ doit connaître également les danses qui accompagnent la musique». Les gestes à réaliser lors des représentations sont variés : danser en sautillant, danser en tournant sur soi-même, danser accroupi, etc. Selon le musicien, «il est difficile de synchroniser musique et danse». Ainsi, pour une représentation réussie, patience et amour de l’instrument sont les ingrédients indispensables.
Gardien de valeurs traditionnelles
La pratique du khèn, un art traditionnel des H’Mông. |
Photo : Dô Binh/VNA/CVN |
Par son talent, A Chu est célèbre dans la région de Lung Cu depuis 13 ans. En l’écoutant jouer, de nombreux artistes de Lung Cu confient : «Nous ne sommes plus inquiets à l’idée que le +khèn+ des H’Mông et les valeurs culturelles de notre ethnie disparaissent».
Le son enchanteur de cet instrument a également permis à Giàng A Chu de rencontrer sa femme, Sùng Thi May. Quelques années plus tard, à 22 ans et père de deux enfants, son talent séduisait toujours les jeunes montagnardes. Parmi elles, Giàng Thi Mùa, devenue sa deuxième épouse. Enfin, il y a une dizaine d’années, alors qu’il jouait à l’occasion de funérailles, une femme est tombée sous le charme de A Chu et lui a demandé de vivre avec lui. Le musicien célèbre vit ainsi aujourd’hui avec ses trois femmes et ses cinq enfants.
Giàng A Chu a néanmoins une crainte : qu’un jour, la pratique du khèn des H’Mông tombe dans l’oubli. C’est pourquoi, malgré une santé de plus en plus fragile, il continue de faire des représentations dans les quatre coins du plateau pour transmettre sa passion aux jeunes et chercher des successeurs. Pour lui, «jouer du +khèn+ est une tradition des H’Mông faisant partie intégrante des valeurs ancestrales. Voir cet instrument disparaître serait regrettable».
Quê Anh/CVN