UXO : la reconquête des terres contaminées se poursuit

La guerre est finie depuis des dizaines d’années mais certaines régions frontalières au Vietnam sont encore contaminées par des munitions non explosées (Unexploded Ordnance - UXO). Le déminage est un combat permanent pour faire revivre ces terres délaissées.

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Victimes d’accidents causés par des bombes et des restes de mines à Hà Giang (Nord).
 Photo : TT/CVN

Après 31 ans, Vinh Thi Nhot, 65 ans, originaire d’un petit village de la province de Lang Son (Nord), est toujours hantée par le bruit d’une mine explosant. La femme d’ethnie Nùng a été amputée des deux mains en essayant de cultiver sur des terres contaminées par des UXO dans son village natal de la commune de Yên Khoai, district de Lôc Binh.

Les innombrables restes de guerre

L’accident est arrivé à Mme Nhot par une froide matinée de l’hiver 1992 lorsqu’elle est partie ramasser du bois de chauffage et cueillir des légumes sur une colline. Cet endroit était encore jonché de bombes, de mines et de matériaux explosifs de la guerre. Les autorités et l’armée avaient averti à plusieurs reprises la population des dangers.

Nguyên Thi Huong, qui vivait à côté de la maison de Nhot, a également été victime de munitions non explosées. Elle raconte qu’à la mi-février 1994, elle travaillait sur une parcelle de terrain censée avoir été déminée. Malheureusement, elle a marché sur une mine, et a perdu une jambe.

“Après 55 jours de traitement à l’hôpital, je suis rentrée chez moi. Mes deux enfants ne voulaient pas s’approcher de moi. Je souffrais énormément et la vie était pleine de difficultés”, se souvient-elle.

Le déminage apporte non seulement une vie paisible à la population mais également des opportunités de développement socio-économique. 
Photo : TT/CVN

Dans la commune de Thanh Thuy, district de Vi Xuyên, province montagneuse de Hà Giang (Nord), Triêu Van Nguyên, un homme d’ethnie Dao, a perdu sa jambe droite après avoir marché sur une mine alors qu’il défrichait un terrain pour le mettre en culture.

Pointant du doigt une chaîne de montagnes culminant à 1.509 m d’altitude, l’homme de 44 ans dit qu’il y reste encore de nombreuses mines non explosées. “Ma femme et moi voulons plus de terres à cultiver, mais la menace de perdre un membre, voire de mourir nous dissuade”, déclare-t-il.

La présidente du Comité populaire de la commune de Thanh Thuy, Nguyên Thi Tuyên, explique que Thanh Thuy est l’une des localités qui a subi le plus de dégâts pendant la guerre, avec beaucoup d’UXO polluant la région. Plus de 50 personnes de la commune ont été tuées ou mutilées à cause de ces engins.

Selon elle, la commune est couverte de collines et de montagnes, entrecoupées de vallées, ce qui la rend idéale pour le développement agricole et forestier. Les populations locales ont planté du théier, des herbes médicinales et des arbres fruitiers de grande valeur.

Cependant, dit-elle, ce potentiel ne peut être pleinement exploité. Bien que les militaires aient déminé plus de 1.000 ha dans la commune ces dernières années, les zones contaminées restent conséquentes.

Bombes et explosifs de divers types collectés dans la province de Hà Giang. 
Photo : VNA/CVN 

Un récent rapport du Comité directeur national concernant les conséquences des produits chimiques et explosifs datant de la guerre a montré que la quantité des UXO restant au Vietnam est d’environ 800.000 tonnes, affectant plus de 6,1 millions d’hectares, représentant plus de 18% de la superficie terrestre du pays.

Même les sapeurs, qui supervisent le déminage, sont parfois victimes des UXO.

Le lieutenant Ly Dinh Hiêu, un soldat du poste médical militaire de la Brigade du génie 239 (Commandement du génie), a marché sur une mine lors d’une mission de déminage dans la zone frontalière de la province de Lang Son en décembre 2013. Il a perdu la moitié de sa jambe droite, devenant gravement handicapé à l’âge de 21 ans.

Les chiffres du comité montrent que plus de 2.000 officiers et soldats sont morts ou ont été mutilés lors de missions de déminage dans tout le pays.

Des milliers d’hectares de terres nettoyées

Le sous-colonel Pham Van Huynh, chef d’état-major de la Brigade du génie 239, fait savoir que son unité a mis en place des équipes pour nettoyer des milliers d’hectares de terres contaminées.

Un agriculteur qui a perdu sa jambe droite fait sécher du maïs sur une parcelle récemment déminée.
Photo : VNA/CVN

De nombreuses “terres mortes” ont été ravivées grâce aux sapeurs, à l’image des districts frontaliers de Lang Son et Hà Giang.

Trinh Van Tuân, dans la commune de Yên Khoai, district de Lôc Binh, province de Lang Son, raconte qu’il y a 15 ans, sa région était remplie de cratères de bombes et mines. Après les opérations de déminage, sa famille a reçu plus de 3 ha de collines. Depuis 2012, il y a planté près de 5.000 pins, et ils ont maintenant atteint le stade de la récolte de la résine. Il s’attend à ce que chaque pin produise environ 6 kg de résine par an. Au prix actuel entre 30.000 et 35.000 dôngs/kilo, il devrait gagner des centaines de millions de dôngs.

D’après la présidente du Comité populaire de la commune de Yên Khoai, Hoàng Thi Giang, les efforts de déminage ont fourni aux populations locales des terres pour la production agricole, le reboisement et l’exploitation du bois.

“Le revenu moyen des populations locales est d’environ 49 millions de dôngs par an. L’attribution de plus de 10 ha de terres dans le cadre du récent programme de déminage les aidera à augmenter leurs revenus”, partage-t-elle.

Dans la zone de réinstallation de Nam Xa dans la commune de Dôi Cân, district de Tràng Dinh, province de Lang Son, Vi Thi Thom, une femme d’ethnie Tày, se souvient de l’époque où elle a reçu 3 ha de ses beaux-parents, mais sans pouvoir les exploiter en raison des UXO. En 2015, le Comité populaire provincial a décidé de défricher le terrain et d'en faire une zone de peuplement. Mme Thom, ainsi que 18 autres ménages, ont déménagé pour vivre ici en 2018. Elle a planté des milliers de canneliers et d’aquilaria, ainsi que du riz.

“Ma famille a commencé à cultiver de la cannelle en 2020, qui s’est plutôt bien développée. Si tout se passe bien, nous pourrons récolter dans cinq ans. Chaque récolte pourra nous rapporter 300 millions de dôngs”, se réjouit-elle.

Déminage et recherche des restes des martyrs

Des démineurs en action dans la province de Hà Giang. 
 Photo : VNA/CVN

Selon le lieutenant-colonel Luong Van Tuân, commandant adjoint du Commandement militaire du district de Trang Dinh, l’armée a déminé 2.000 ha dans le district, mais il en reste encore 3.000.

“De nombreux ménages pauvres ont amélioré leurs conditions de vie et sont sortis de la pauvreté grâce aux terres reconquises. Le déminage se poursuivra”, dit-il.

Dans la province de Hà Giang, le commandement de la 2e Région militaire s’est fixé pour objectif 1.500 ha de terres déminées dans les districts de Vi Xuyên et Quan Ba d’ici 2026. Depuis début mars, plus de 530 officiers et soldats en ont déminé 400 ha.

Le colonel Lai Tiên Giang, commandant du Commandement militaire de la province de Hà Giang, informe que la superficie totale des terres contaminées dans la province atteint plus de 90.000 ha. Plus de 12.000 ha ont été dépollués, mais il reste encore beaucoup à faire.

L’armée se concentre actuellement sur 110 ha dans la commune de Thanh Thuy, district de Vi Xuyên. Le vice-président du Comité populaire provincial, Trân Duc Quy, fait savoir que Hà Giang a identifié le déminage et la recherche des restes des martyrs comme deux priorités.

“Le déminage offre à des personnes parmi les plus vulnérables et les plus démunies la chance d’améliorer leurs moyens de subsistance grâce à l’accès aux terres déminées et à leur retour à un usage productif ”, affirme-t-il.

TT- Huong Linh/CVN

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