>>Afghanistan : Washington tente de maintenir le processus de paix sur les rails
>>États-Unis et talibans signent un accord historique pour l'avenir de l'Afghanistan
Un blessé évacué après une attaque contre un rassemblement politique dans l'ouest de Kaboul, le 6 mars 2020. |
Un blessé évacué après une attaque contre un rassemblement politique dans l'ouest de Kaboul, le 6 mars 2020. |
"Vingt-neuf personnes, dont des femmes, ont été tuées et 61 blessées", a déclaré Nasrat Rahimi, le porte-parole du ministère afghan de l'Intérieur. Wahidullah Mayar, le porte-parole du ministère de la Santé, a fait état auprès de l'AFP de "32 morts, dont cinq femmes, et 58 blessés".
L'EI a revendiqué l'attaque via l'application Telegram. Deux jihadistes "ont visé un rassemblement d'apostats dans la ville de Kaboul avec des armes automatiques, des grenades et des lance-roquettes", a affirmé l'organisation jihadiste.
Plus tôt, les talibans avaient nié toute responsabilité dans cette attaque qui souligne le niveau d'insécurité toujours élevé en Afghanistan malgré l'accord signé le 29 février à Doha entre le gouvernement américain et les insurgés. Washington a promis le retrait de toutes les forces étrangères dans les 14 mois en échange de garanties sécuritaires des talibans.
L'attaque visait une cérémonie commémorant la mort d'Abdul Ali Mazari, un homme politique de la minorité hazara, dont les membres sont très majoritairement chiites dans un Afghanistan largement sunnite.
L'année dernière, cette même cérémonie avait déjà été la cible de tirs de mortier revendiqués par l'EI, qui avaient tué au moins onze personnes.
De nombreux membres de l'élite politique afghane étaient présents, dont le chef de l'exécutif afghan Abdullah Abdullah, qui revendique la victoire à la présidentielle de septembre même si les résultats officiels le donnent perdant.
"Tous les responsables de haut niveau ont été évacués des lieux en toute sécurité", a commenté Nasrat Rahimi, porte-parole du ministère de l'Intérieur.
Les deux assaillants, qui avaient ouvert le feu à partir d'un chantier voisin, ont été abattus, a-t-il ajouté.
"Crime contre l'humanité"
Des forces afghanes bloquent une route près du site de l'attaque qui a fait au moins 27 morts, le 6 mars 2020 à Kaboul. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Le président Ashraf Ghani a dénoncé "un crime contre l'humanité". "Les attaques contre des civils sont inacceptables et ceux qui commettent de tels crimes doivent rendre des comptes", a renchéri le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres.
Le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo a également condamné cette "attaque odieuse". "Attaquer des innocents sans défense lors d'une commémoration est un signe de faiblesse, pas une démonstration de force", a-t-il dit dans un communiqué, estimant que le "processus de paix en cours" devait justement permettre aux Afghans de former "un front uni face à la menace de l'EI". Mais ce processus de paix est déjà lui-même menacé.
Après une semaine de trêve partielle globalement respectée avant la signature de l'accord de Doha, les talibans ont repris lundi leurs attaques contre les forces de sécurité afghanes.
Les négociations de paix inédites entre les talibans et le gouvernement de Kaboul, censées commencer le 10 mars, selon le texte conclu au Qatar, semblent donc compromises.
D'autant que le président afghan Ashraf Ghani a aussi rejeté pour l'instant un des principaux points de cet accord, dont le gouvernement de Kaboul n'est pas signataire : la libération de jusqu'à 5.000 prisonniers talibans en échange de celle de jusqu'à 1.000 membres des forces afghanes aux mains des insurgés.
Un porte-parole des talibans, Suhail Shaheen, a répété vendredi 6 mars sur Twitter que son groupe était prêt à entamer les négociations mardi 10 mars si les prisonniers étaient bien libérés. Tout retard ne pourra donc être imputé qu'aux "autres parties", a-t-il prévenu.
Mike Pompeo, qui tente de ne pas faire dérailler le processus de paix interafghan avant même qu'il démarre vraiment, a relativisé les violences de cette semaine. "Les niveaux de violence sont malgré tout inférieurs à ce qu'ils ont été pendant les cinq ou six dernières années", a-t-il dit vendredi matin 6 mars sur la chaîne américaine CNBC.
Le groupe État islamique, présent en Afghanistan depuis 2015, a multiplié les attaques contre la communauté chiite dans ce pays. Ces derniers mois, il a été fragilisé par des frappes aériennes américaines et de multiples offensives des forces gouvernementales ainsi que des talibans.
Chassés de son bastion du Nangarhar, une province frontalière du Pakistan, ses combattants demeurent présents dans le territoire voisin du Kunar ainsi qu'à Kaboul.