>>Brexit : l'UE et Londres se défient avant d'âpres négociations
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"Pour être tout à fait franc, il y beaucoup de divergences. Et des divergences très sérieuses", a constaté le négociateur en chef de l'UE, Michel Barnier, lors d'une conférence de presse.
"Il y a, comme prévu, des divergences importantes (...). Ces négociations seront dures", a ensuite affirmé un porte-parole du gouvernement britannique dans un communiqué.
L'UE et le Royaume-Uni, qui espèrent s'entendre sur un accord d'ici la fin de l'année, identifient les mêmes problèmes dans les discussions : la pêche, les conditions de concurrence, les questions liées à la coopération judiciaire et l'architecture de l'accord.
Concernant la pêche, un sujet très sensible pour plusieurs États membres, France en tête, Michel Barnier a qualifié d'"impraticable" la proposition britannique de négocier tous les ans avec l'UE l'accès réciproque aux eaux, comme c'est le cas avec la Norvège ou l'Islande.
"Ce que nous pouvons faire avec la Norvège sur cinq espèces n'est pas possible sur une centaine d'espèces", a expliqué M. Barnier, réclamant "une solution équilibrée pour la pêche".
Deuxième obstacle dans la discussion: les conditions de concurrence (ou "level playing field", ndlr), c'est-à-dire les standards élevés que les Européens demandent au Royaume-Uni de respecter par crainte de le voir déréguler son économie à leurs dépends, en particulier en matière de droit du travail, d'environnement, de fiscalité et d'aides d'État.
"Les Britanniques nous disent qu'ils ont toujours cette ambition de standards élevés, mais (...) ils ne veulent pas traduire ces engagements dans un accord commun", a regretté Michel Barnier.
"Si nous sommes d'accord pour partager des standards élevés, pourquoi ne pas nous y engager formellement ? C'est aussi une question de confiance", a-t-il martelé.
"Très difficile"
Le négociateur britannique sur le Brexit, David Frost, et le négociateur en chef de l'UE, Michel Barnier, à Bruxelles le 2 mars. |
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La négociation a fait émerger un troisième problème, en ce qui concerne la protection des droits fondamentaux qu'impliquent les échanges de données en matière de coopération judiciaire.
Le Royaume-Uni a indiqué ne pas vouloir "s'engager formellement à continuer a appliquer la Convention européenne de droits de l'homme", ni laisser la Cour de justice européenne (CJUE) jouer "pleinement son rôle pour l'interprétation du droit européen", selon M. Barnier.
Or, "s'agissant de la protection des droits des citoyens européens, l'interprétation du droit européen ne se fera et ne peut se faire que" par la CJUE, a-t-il insisté, jugeant ce point "incontournable".
Enfin, sur l'architecture de l'accord, M. Barnier a révélé que Londres réclamait "une multitude d'accords particuliers, au cas par cas", tandis que l'UE espère toujours un partenariat global "ambitieux".
Malgré ces "différences", M. Barnier croit toujours un accord "possible".
Face à ces divergences, le Royaume-Uni martèle qu'il n'attend rien de plus qu'un "accord de libre-échange qui respecte pleinement" son indépendance, comme l'accord négocié par l'UE avec le Canada, un objectif qui semble bien en-deçà des attentes européennes.
Il a d'ailleurs fait savoir à l'UE qu'il ne souhaitait pas négocier d'"accord particulier" en matière de "politique étrangère et de défense", ce dont elle a pris acte.
Indépendance
Une centaine de négociateurs de chaque côté ont discuté entre lundi 2 et jeudi 5 mars, autour d'une dizaine de tables de négociations thématiques.
Les autres rounds de négociation doivent se tenir alternativement à Bruxelles et Londres, toutes les deux à trois semaines. Le prochain doit avoir lieu du 18 au 20 mars dans la capitale britannique.
Le Royaume-Uni (qui a quitté l'UE le 31 janvier) et Bruxelles ont l'objectif d'aboutir à un accord sur leur future relation d'ici la fin de la période de transition, le 31 décembre, période pendant laquelle Londres continue d'appliquer les normes européennes.
Mais les lignes rouges affichées dans les mandats de négociation des deux camps, publiés la semaine passée, ont mis en évidence des divergences profondes, laissant craindre la perspective d'un "no deal", avec ses conséquences économiques brutales.
D'un premier bilan des négociations prévu en juin, le gouvernement de Boris Johnson a déjà fait une date-butoir : il menace de claquer la porte dès l'été si les discussions s'enlisent.
AFP/VNA/CVN