Octogénaire, Mme Phan Thi Chau, domiciliée dans le village de Phù Bài, commune de Thuy Phù, chef-lieu de Huong Thuy (Thua Thiên-Huê, Centre) vient enfin de voir son rêve de toujours prendre forme. La maison séculaire de ses ancêtres, entretenue toute sa vie durant ou presque par ses soins, a été restaurée par la société An Khang (Huê), spécialisée dans les bâtiments historiques. Après trois mois de travaux, la demeure a retrouvé son lustre d’antan.
Des murs, une histoire
La maison de la famille de Mme Phan Thi Chau a été construite en 1909 par Lê Huu Khuê, un des trois paysans les plus riches de Thua Thiên Huê de l’époque de la fin du XIXe, début du XXe siècle. Lê Huu Khuê est le grand-père du mari de Mme Phan Thi Chau, qui détient aujourd’hui les clefs de la demeure. Couvrant 120m², elle comporte trois rangées d’arcades et deux dépendances, avec de splendides éléments incrustés et sculptés de la plus subtile manière qui soit. La maison a été restaurée pour la première fois en 1961, comme l’atteste les inscriptions figurant sur les murs de la maison.
De nombreux architectes et professionnels estiment qu’il s’agit de l’une des plus belles maisons-jardins de Huê, la seule à demeurer presque intacte encore aujourd’hui. «La maison de Mme Phan Thi Chau est à la fois un patrimoine et un musée vivant du passé et de la culture de Thua Thiên Huê», déclare le professeur-architecte Hoàng Dao Kinh, spécialiste du patrimoine et de la restauration. «En ce qui concerne l’architecture, la demeure possède tous les éléments originaux de ce style de maison, avec un intérieur riche et superbement décoré».
Une restauration dans les règles de l’art
Le Dr. Lê Vinh An (droite) discutant de la restauration de l'ancienne maison avec Mme Phan Thi Chau et son fils Lê Huu Hâu. |
Mme Phan Thi Chau a consacré presque toute sa vie à préserver en l’état les lieux. En février dernier, elle a demandé à la société d’architecture An Khang de restaurer cette maison avec la consigne de respecter son état d’origine pour que «nos feu grands-parents et parents puissent toujours reconnaître leur résidence !» «Durant la restauration, Mme Phan Thi Chau a surveillé de très près les travaux des architectes et ouvriers tout en respectant les estimations des professionnels», raconte le Dr. Lê Vinh An, expert du Centre de conservation des reliques de l’ancienne cité impériale de Huê, et également conseiller technique de la société An Khang.
Le Dr. Lê Vinh An a rencontré Mme Phan Thi Chau dans les années 1990 alors qu’il était étudiant des Beaux-arts. Lors d’une séance de peinture paysagère au bord du fleuve Phù Bài, le jeune Lê Vinh An a eu vent de l’existence d’une superbe maison-jardin dans la région. Une fois sur place, son attention s’est immédiatement tournée vers la porte d’entrée, dotée d’un toit en auvent du plus bel effet.
Mme Phan Thi Chau, d’habitude assez réticente à l’idée d’accueillir un inconnu, lui a ouvert ses portes chaleureusement. Une fois à l’intérieur, An s’est senti comme hypnotisé par ce trésor de culture traditionnelle qui se révélait à ses yeux : ces éléments sculptés, les meubles, les objets cultuels, sans oublier le plancher en bois des trois rangées d’arcades, intact. Splendide !
La porte d'entrée de la maison récemment restaurée. |
Après de longues années d’études au Japon où Lê Vinh An a soutenu sa thèse de doctorat, le désormais expert est retourné voir Mme Phan Thi Chau en sa demeure en 2010. «La maison est vieille, mais bien conservée. Seule la porte d’entrée était quelque peu dégradée. Plusieurs éléments de construction s’étaient ou avaient été détachés. Le toit en bois avait été remplacé par un toit en tôle. Deux colonnes en bois étaient soutenues par deux colonnes en béton», raconte le Dr. Lê Vinh An. Et d’ajouter : «En voyant l’état de cette porte, j’ai eu un sentiment mitigé. Car Mme Phan Thi Chau, qui n’a aucune notion scientifique sur la conservation, a fait un travail admirable». En effet, les autres éléments de la maison étaient et sont dans leur état et à leur emplacement d’origine, selon l’expertise du Dr. Lê Vinh An. Visiblement ému, il n’a pas tardé à proposer à la propriétaire des lieux de restaurer la porte d’entrée avec ses propres deniers : 50 millions de dôngs, «en reconnaissance à la gardienne du trésor». Un mois après, la porte était comme neuve, à la plus grande satisfaction de la maîtresse de maison ! On connaît la suite.
Cela fait des dizaines d’années que les trois enfants de Mme Phan Thi Chau - qui résident respectivement à Hô Chi Minh-Ville, Dà Lat et Long An - tentent de la convaincre de venir vivre avec eux. En vain. Elle ne séjourne jamais bien longtemps chez ses enfants, préférant retourner rapidement dans ses pénates, à Huê. «Lorsque je vais chez mes enfants, j’ai tout le confort dont je peux rêver. Mais dans mon cœur, je ne suis pas tranquille, dit-elle. Il faut toujours veiller à bien nettoyer la maison et brûler les bâtonnets d’encens sur l’autel des ancêtres ! Si je suis absente de la maison, les ancêtres n’y rentrent plus. Et ce n’est pas en accord avec la morale». Mme Phan Thi Chau continue à garder la maison de ses ancêtres et croit dur comme fer que «mes descendants reprendront le flambeau», une fois éteinte...
Hoàng Hoa/CVN