Faisant partie de la cordillère de Truong Son (frontière naturelle entre le Vietnam et le Laos), l'imposante chaîne de montagnes de Ngoc Linh, située dans le district de Tu Mo Rông, province de Kon Tum (hauts plateaux du Centre), baigne dans la brume une grande partie de l'année. Ses forêts primitives, que les rayons de soleil ont du mal à percer, abrite des espèces végétales et animales rares, dont beaucoup d'endémiques. L'une d'elles est le ginseng de Ngoc Linh (nom scientifique : Panax vietnamensis).
La nouvelle de l'existence d'un "tapis de ginseng" de 140 ha au sommet du mont Ngoc Linh en a surpris plus d'un. Selon des scientifiques, cette plante médicinale précieuse, qui ne pousse que dans quelques localités des hauts plateaux du Centre, est menacée de disparition. Cette prolifique station de ginseng n'est pas un don de la nature, mais le fruit d'un travail assidu de la Compagnie de ginseng de Ngoc Linh - Kon Tum (CG Ngoc Linh).
Deux frères bien décidés à faire fortune
Ce lieu est d'accès difficile. À partir de la ville de Kon Tum, il faut trois heures de route pour atteindre le district de Tu Mo Rông. Ensuite, il faut s'engager à pied dans la forêt pour une randonnée de quatre heures. L'exploitation de la CG Ngoc Linh apparaît alors. Une portion de forêt comme les autres, si ce n'est le tapis de ginsengs et les travailleurs portant le logo de la compagnie s'affairant ici et là. Un pied de ginseng ne donne qu'une seule tige par an, au printemps, avant de dépérir en hiver, puis de repousser au printemps suivant.
L'exploitation de ginseng Ngoc Linh a fait son apparition en 1998, à l'initiative conjointe de Trân Hoàn (36 ans), fondateur de la CG Ngoc Linh, et de son frère Trân Hao (35 ans). Au départ, les problèmes furent nombreux, tant en matière de semences, de techniques culturales que de ressources financières. "Durant de longues années, la compagnie a envoyé ses hommes dans tous les villages des Xêdang, une ethnie minoritaire, pour acheter des bulbes cueillies en forêt. Et de les replanter ensuite en montagne. Si les bulbes coûtent très cher, parfois 50 millions de dôngs le kilo, leur taux de survie n'atteint que 30-40%", informe Trân Hoàn, président du Conseil d'administration et directeur général de la CG Ngoc Linh. Et de se rappeler qu'un jour, une tempête a ravagé tous ses lots de ginseng. "Des centaines de millions de dôngs se sont envolés en une seule nuit. Cela m'a foutu un sacré coup au moral".
Mais les deux frères sont déterminés à "ne pas laisser disparaître cette espèce végétal précieuse". Après mûres réflexions, ils décident de faire appel à des investisseurs locaux. La CC Ngoc Linh retrouve un second souffle.
Pour réussir, il était nécessaire avant tout de bien cerner les exigences écologiques du ginseng. La CG Ngoc Linh a pratiqué des cultures dans diverses régions, même à Dà Lat (province de Lâm Dông), et conclu que le meilleur endroit était le mont Ngoc Linh. En 2003, son sommet a été choisi pour devenir le "quartier général" de la CG Ngoc Linh. Et tant pis pour l'accès difficile !
D'une pierre deux coups
"La question des semences a toujours constitué un problème. Mais, avec le temps, nous avons pu le régler : la multiplication est faite sur place, grâce aux graines que l'on recueille après la saison de floraison", explique Trân Hoàn. Et de préciser que son exploitation est déjà en mesure de "fournir annuellement des millions de jeunes plantes". La CG Ngoc Linh a aussi pris soin de peaufiner ses techniques de culture et de les transmettre aux paysans qui le souhaitent.
Les efforts inlassables de ces hommes audacieux ont porté leurs fruits. L'exploitation de ginseng Ngoc Linh s'est élargi au fil des années pour atteindre aujourd'hui 140 ha. Une centaine d'autochtones sont chargés de la surveillance et de l'entretien des pieds. De plus, la CG Ngoc Linh veille à la protection de milliers d'hectares de forêts alentours "afin d'assurer un environnement climatique stable".
Avec un brin d'orgueil, Trân Hoàn fait savoir qu'avec l'accord des autorités de Kon Tum, son entreprise a mené des recherches pédologiques dans cette haute région. Résultat : 5.000 ha de forêts sont propices à la culture du ginseng.
Une autre tâche non moins importante pour la CG Ngoc Linh: sensibiliser les habitants locaux à la protection de la forêt. C'est ainsi que beaucoup d'entre eux ont abandonné leur pratique ancestrale de la culture sur brûlis pour celle de culture du ginseng, bien plus lucrative. "Ici, le ginseng est vu comme une arme de lutte contre la pauvreté. Dans l'immédiat, nous nous engageons à aider techniquement les habitants de six communes locales à pratiquer sa culture", souligne Trân Hoàn. C'est vraiment "une pierre deux coups" selon les propres termes des experts : création d'emplois et protection de la nature.
Cette année, la CG Ngoc Linh compte planter 30 à 50 ha supplémentaires. "La superficie sera doublée, voire triplée dans les deux ans qui viennent", promet Trân Hoàn. Et d'affirmer que les premiers produits de son entreprise, sous le label national "Ginseng Ngoc Linh", seront présents sur le marché domestique dans un avenir proche, avant d'aller conquérir l'étranger.
Un ginseng endémique du Vietnam
Le ginseng de Ngoc Linh (nom scientifique : Panax vietnamensis) est une espèce de plante médicinale très recherchée, classée parmi la vingtaine d'espèces de ginseng connues de par le monde. Cette espèce végétale propre au Vietnam ne pousse que dans certaines hautes montagnes des provinces de Kon Tum (hauts plateaux du Centre) et Quang Nam (Centre), notamment sur les flancs du mont Ngoc Linh (2.598 m d'altitude), d'où son nom de "Ginseng Ngoc Linh". Découvert en 1973, il a été l'objet d'une exploitation intensive, menaçant même sa survie. En 1994, le ginseng Ngoc Linh est entré dans le Livre Rouge national des espèces végétales menacées.
Nghia Dàn/CVN