Lors de cette tournée au Vietnam, Henri Bismuth veut y réaliser des projets sur la transplantation hépatique. Car d'après lui, "c'est un des meilleurs traitements des tumeurs du foie". Cela ne permet pas de guérir toutes les tumeurs certes, mais certains malades peuvent être sortis d'affaire grâce à ce procédé.
"Donc, ce que je voudrais, c'est aider le Vietnam à améliorer le traitement des malades qui souffrent de tumeurs du foie par la chirurgie. Nous avons des méthodes très développées de chirurgie du foie, qui permettent à la fois d'améliorer les traitements tout en offrant des possibilités de transplantation", informe-t-il à propos de l'objectif cette première tournée de travail au Vietnam.
Comme le nombre de patients atteints de maladies du foie augmente fortement dans le monde, le professeur Bismuth souhaite promouvoir le modèle du Centre hépatobiliaire à l'échelle globale. Dans cet objectif, il a développé, avec le ministère des Affaires étrangères et le soutien de la présidence de la République française, le programme de création, en Chine, d'un centre de haute technologie, dédié à la prise en charge globale des maladies du foie. Il s'agit de l'Institut franco-chinois des maladies du foie, qui est en cours de construction à Wuhan.
Il souhaite aussi en ouvrir un au Vietnam. Une fois mis en service, ce sera le premier Centre de traitement des maladies du foie du pays, lequel aura aussi pour mission de former les médecins locaux car d'après le docteur, il est préférable de les former sur place que de les envoyer à l'étranger. Au cours de ses premières années de fonctionnement, des experts seront envoyés pour s'assurer que tout se passe pour le mieux. Le professeur Bismuth enverra le projet détaillé sur la création de l'Institut franco-vietnamien des maladies du foie au vice-Premier ministre Nguyên Thiên Nhân.
"Au Vietnam, il y a plus de 10 millions de personnes atteintes du virus hépatique B, parmi lesquels un certain nombre ont développé des maladies du foie ou même le cancer. L'Institut franco-vietnamien des maladies du foie va donc rendre service à tous, du début de la maladie jusqu'à la fin, avec tous les traitements à la clé, avec la transplantation hépatique, au début à partir d'un donneur vivant et ensuite, on organisera le programme de donneur à partir de personnes décédées lors ou à la suite d'accidents", informe M. Bismuth.
"On va voir et on espère que l'année prochaine, lors de la visite du président Nicolas Sarkozy au Vietnam, la première pierre de l'institut sera posée", souhaite-t-il.
Selon lui, le Vietnam a une tradition de coopération. Il y a beaucoup de Vietnamiens en France qui peuvent même aider pour cette œuvre humanitaire. On peut demander aux Vietnamiens de France de participer à l'institut franco-vietnamien. "Le nom du professeur Tôn Thât Tùng, un des pionniers de la chirurgie du foie dans le monde et au Vietnam, pourrait être emprunté pour le nom de l'institut", révèle M. Bismuth.
Il a travaillé aussi avec le ministère de la Santé et l'hôpital Viêt Duc pour voir comment former une équipe complète de transplantation, composée non seulement de chirurgiens, mais aussi d'hépatologues, de réanimateurs, etc. "En un an ou deux, on pourrait monter une équipe complète de transplantation hépatique ici, au service des malades, avec les hôpitaux qui me demandent", affirme-t-il.
Avec les médecins des pays en développement comme le Vietnam, les frais d'études et ceux pour la vie quotidienne en France sont élevés. Alors pour leur venir en aide, Henri Bismuth a profité de sa visite pour rencontrer des représentants de l'ambassade de France au Vietnam, à qui il a demandé des aides financières de l'ambassade en faveur des médecins vietnamiens qui, selon lui, sont "intelligents, motivés et enthousiastes".
Abordant l'une des plus grandes difficultés des médecins vietnamiens venant faire des études à l'étranger : le problème linguistique, Henri Bismuth a répété que s'ils venaient pour travailler en France, il faudrait qu'ils parlent français. Au laboratoire, on peut faire travailler des gens qui ne parlent pas français car ici, tout le monde parle l'anglais. Mais quand ils ont des responsabilités cliniques, il faut qu'ils parlent français. Il faut qu'ils viennent apprendre le français pendant six mois ou un an à l'Espace avant leur départ en France.
Priorité aux médecins vietnamiens
L'Institut hépatobiliaire de Henri Bismuth est un centre dans lequel sont réunis tous les spécialistes des maladies du foie et des voies biliaires. C'est-à-dire les médecins, les hépatologues, les radiologues, les chirurgiens, les endoscopistes, etc. "Le concept est de s'occuper de la prise en charge globale du patient", informe M.Bismuth.
Concrètement, les malades qui arrivent dans l'établissement voient en même temps tous les spécialistes. Et on gagne beaucoup de temps pour le diagnostic et le traitement. C'est donc une façon efficace et dans le même temps économique de traiter les malades parce qu'avant, le patient devait d'abord aller en médecine pour faire le diagnostic. Ensuite, si jamais il y avait une opération chirurgicale à effectuer, il allait en chirurgie. Et quelques fois, on demandait des examens complémentaires. "Tandis que là, dès le début, ils voient tout le monde", explique-t-il.
"Le patient est au centre des médecins. Le concept de prise en charge globale du malade, on l'applique dans le centre : les malades sont hospitalisés dans des lits où ils sont vus par tous les médecins en même temps", insiste le docteur à propos de la différence entre son centre et les hôpitaux traditionnels.
Au centre hépatobiliaire, on organise des réunions de discussion des dossiers qui regroupent tous les spécialistes en simultané, parmi lesquels nombre d'entre eux sont des médecins étrangers. On a un laboratoire de recherche pour ceux qui travaillent sur les virus hépatiques. On effectue aussi des recherches sur le traitement du carcinome hépatocellulaire.
Selon le docteur, son institut est en train de développer un projet d'agrandissement avec également des chambres de recherche supplémentaires. Le gouvernement français a lancé un programme pour toute la France pour sélectionner les cinq meilleurs instituts. Il va octroyer des fonds aux instituts pour développer la recherche et faire venir beaucoup de médecins internationaux.
Si le centre de Henri Bismuth est soutenu, "il sera très facile de prendre en charge la formation de nombreux médecins vietnamiens dans l'optique qu'ils puissent travailler avec nous", affirme-t-il. "Nous sommes en lice dans la compétition... Je mettrai en oeuvre en priorité le programme avec le Vietnam", promet-il.
Profil de Henri Bismuth
- Fonction : directeur de l'Institut hépatobiliaire Henri Bismuth ; membre de l'Académie de chirurgie ; Docteur Honoris Causa des Universités de Turin, Porto, Coimbra, Varsovie ; membre d'honneur de l'American College of Surgeons, de l'Americain Surgical Association et de nombreuses Sociétés savantes internationales.
- Spécialisation : chirurgie du foie et des voies biliaires
Hà Minh/CVN
(16/10/2010)