Dans un discours prononcé devant les étudiants de l'Université George Washington, le directeur général du FMI a paru rompre avec la tradition orthodoxe de l'institution par cette critique en règle du libéralisme.
Quand les conclusions de la crise économique et financière mondiale auront été tirées, a-t-il estimé, "la balance penchera, au moins un peu, moins en faveur du marché et davantage en faveur de l'État".
Car la crise "a dévasté tout le fondement intellectuel de l'ordre économique mondial du dernier quart de siècle", a-t-il ajouté. "Le schéma ancien de la mondialisation a beaucoup apporté, en sortant des centaines de millions de gens de la pauvreté, mais a aussi un côté obscur, qui est un écart vaste et croissant entre les riches et les pauvres" , a souligné M. Strauss-Kahn.
Il a opposé une "mondialisation des échanges" , qui serait "associée à une baisse des inégalités" , et "une mondialisation financière" , qui "les a accrues" .
Selon le patron du FMI, dans de nombreux pays, "il y a une sorte de mélange de chômage et d'inégalités sociales, qui peut entraîner des troubles sociaux".
Or "l'inégalité pourrait avoir été l'une des causes silencieuses de la crise" . M. Strauss-Kahn a cité des statistiques établies par deux économistes français classés à gauche, Thomas Piketty et Emmanuel Saez. Se basant sur des données du fisc américain, ceux-ci ont montré qu'en 2007, à la veille de la "grande récession", le niveau des inégalités aux États-Unis était au plus haut depuis 1928, à la veille de la "grande dépression".
M. Piketty est l'un des inspirateurs du projet du Parti socialiste français (PS) pour l'élection présidentielle de 2012, baptisé "Le changement", qui devait être présenté le 5 avril par la direction du parti, dont M. Strauss-Kahn envisage d'être le candidat à l'Élysée.
Avec M. Saez et un autre économiste qui a étudié les inégalités en France, Camille Landais, M. Piketty est l'auteur d'un livre intitulé Pour une révolution fiscale. "Il est clair que la croissance doit se faire avec une distribution des revenus plus équitable" , a considéré M. Strauss-Kahn.
D'un point de vue fiscal, il a relancé sa proposition de double taxe sur le secteur financier (une sur la taille du bilan, une sur les profits), que le FMI avait lancée en avril 2010 et qui avait été enterrée par le G20.
"Le succès a été limité jusqu'ici, mais je crois toujours qu'elle est nécessaire" , a-t-il souligné. Dans le secteur financier, "la culture de la prise de risque échevelée" est toujours vivante, a-t-il déploré.
AFP/VNA/CVN