À l'issue d'une réunion de plusieurs heures de l'état-major de son Parti de la justice et du développement (AKP), l'homme fort du pays a dévoilé le nom de son dauphin devant un parterre de dignitaires du parti, sous un tonnerre d'applaudissements.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan (gauche) et son nouveau Premier ministre Ahmet Davutoglu, lors de la réunion de l'AKP, le 21 août à Ankara |
Photo : AFP/VNA/CVN |
"Je pense que notre candidat à la présidence du parti et au poste de Premier ministre réalisera les idéaux de la +nouvelle Turquie+ (son slogan électoral, ndlr) et les objectifs de l'AKP pour 2023 (centenaire de la République)", a-t-il déclaré.
Sitôt nommé, M. Davutoglu est monté à la tribune pour promettre à "M. le président" Erdogan de poursuivre le "mouvement de restauration" du pays qu'il a engagé il y a douze ans et l'assurer de sa totale allégeance.
"Aucune graine de discorde ne peut être plantée entre nous", a-t-il lancé.
Malgré les efforts de M. Erdogan pour maintenir un certain suspense, le choix de cet universitaire de 55 ans comme dauphin n'était plus qu'un secret de Polichinelle, complètement éventé mardi par le chef de l'État sortant Abdullah Gül.
M. Davutoglu travaille aux côtés de l'actuel Premier ministre depuis son arrivée à la tête du gouvernement en 2003. Il fut d'abord son conseiller diplomatique, avant de prendre en 2009 le portefeuille de ministre des Affaires étrangères.
Député AKP de sa province natale de Konya (Centre), ce polyglotte est le maître d’œuvre de la nouvelle diplomatie turque, dite "néo-ottomane", qui a vu le retour de la Turquie sur l'avant-scène mondiale, notamment au Moyen-Orient.
Unité et loyauté
Le bilan de cette politique dite de "zéro problème avec les voisins" s'est toutefois singulièrement dégradé. Depuis le "Printemps arabe de 2011", Ankara a des relations exécrables avec l'Égypte, la Syrie et Israël, jadis son allié.
De l'avis de nombreux observateurs, le futur Premier ministre Davutoglu ne devrait guère contrarier l'autorité du nouveau président Erdogan, qui a remporté dès le premier tour le scrutin présidentiel avec près de 52% des suffrages.
Le Premier ministre Ahmet Davutoglu s'adresse à l'assistance lors de la réunion de l'AKP à Ankara, le 21 août |
Âgé de 60 ans, M. Erdogan envisage de modifier la Constitution pour y renforcer les prérogatives de la présidence, jusque-là largement protocolaires.
L'opposition a annoncé son intention de tout faire pour empêcher la présidentialisation annoncée du régime, qualifiée de "dérive autocratique". "La Turquie est entrée dans l'ère des Premiers ministres marionnettes", a regretté jeudi 21 août le chef du principal parti de l'opposition, Kemal Kiliçdaroglu. Le Premier ministre Ahmet Davutoglu s'adresse à l'assistance lors de la réunion de l'AKP à Ankara, le 21 août 2014.
Au cours de leur passation de pouvoir officieuse, les deux hommes ont effectivement joué l'air de l'union et de la complicité.
"La détermination de mon frère Davutoglu à combattre la structure parallèle a beaucoup joué dans mon choix", a déclaré M. Erdogan, dans une allusion au mouvement dissident de l'imam Fethullah Gülen, qu'il accuse d'avoir ourdi un "complot" contre lui. "Nos ennemis vont être déçus", a-t-il insisté.
De son côté, le futur chef du gouvernement a promis de maintenir à tout prix "l'unité" de l'AKP, alors que le retour annoncé dans le parti du président sortant Abdullah Gül alimente les rumeurs de divergences à sa tête.
Désormais choisi par son camp, M. Davutoglu devrait officiellement prendre la tête de l'AKP au cours d'un congrès extraordinaire prévu pour le 27 août. Sitôt investi, le 28 août, le président Erdogan le chargera de former un nouveau gouvernement.
AFP/VNA/CVN