Trois générations sous un même toit, pour le meilleur ou pour le pire ?

En ces temps où l’individualisme domine de plus en plus les sociétés, où la famille nucléaire est considérée comme le modèle social ordinaire, une famille dont 3 à 4 générations vivent sous le même toit est parfois vue comme une tradition un tantinet... arriérée, pour ne pas dire ringarde.

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La famille de Vu Tuân Diêp, qui vit à Gia Lâm en banlieue de Hanoi, comprend neuf membres : M. Diêp, ses deux fils, ses deux filles, une belle-fille et trois petits-fils. Cela fait une dizaine d’années qu’ils vivent ensemble. «Vivre ainsi n’est pas du tout difficile contrairement à ce que certains imaginent. C’est moi qui m’occupe de la maison, et ce sont les enfants qui se chargent de nos revenus», explique M. Diêp.

M. Diêp prépare le diner pour sa famille de neuf membres.

Autrefois, Vu Tuân Diêp était directeur d’une grande compagnie. Mais depuis sa retraite, il est devenu homme au foyer accompli. Sa belle-fille confie avec fierté : «Mon beau-père se débrouille très bien que ce soit au marché ou à la cuisine. Il gère bien l’argent, ne dépense que le strict nécessaire, et nous prépare malgré tout des plats savoureux convenant au goût de chacun. Nous sommes tous admiratifs et aucun d’entre nous n’a l’intention d’aller vivre ailleurs !».

On pourrait croire que cette façon de vivre est d’un autre siècle, et pourtant cette famille est loin d’être un cas unique. De plus en plus, ce concept de vie intergénérationnelle séduit des foyers soucieux de retrouver les valeurs fondamentales que sont la famille, le partage, la convivialité, l’entraide. Ainsi, parmi la jeunesse, à côté des adeptes fervents de «la vie chacun chez soi», il existe de nombreuses personnes qui souhaitent vivre chez leurs parents après leur mariage. Alors, pourquoi un tel engouement ?

Plus d’avantages que de désavantages

La société industrielle, en attirant les gens vers les grands centres urbains, a provoqué le démembrement de la grande famille d’autrefois et a fait place à la famille nucléaire : le petit noyau familial composé de la mère, du père et des enfants. La famille nucléaire se replie derrière le mur infranchissable de la vie privée. Elle rompt souvent les relations avec la parentèle, voire même avec les parents plus proches, et sa participation à la vie communautaire est le plus souvent aussi restreinte que possible. Tout au contraire de la famille intergénérationnelle qui, d’après Thanh Trúc, psychologue consultante au standard téléphonique 1088, présente bien plus d’avantages. «De manière générale, les familles de plusieurs générations sous un même toit présentent plus d’avantages que d’inconvénients pour leurs membres», estime-t-elle.

Tout d’abord, c’est l’aspect économique qui entre en compte. «Le budget mensuel de notre grande famille est d’environ 15 millions de dôngs. Si nous vivons en deux ménages, il augmenterait de 3 à 4,5 millions de dôngs», calcule Vu Tuân Diêp. En effet, les familles ayant de petits enfants gardés par leurs grands-parents économisent de 4 à 5 millions de dôngs par mois. «Embaucher une aide ménagère pour s’occuper des enfants, c’est payer un salaire de 3 millions de dôngs, sans compter sa prime mensuelle et du Têt traditionnel, la nourriture, une consommation d’eau et d’électricité supérieure…», explique-t-il. Dans des contextes socio-économiques parfois difficiles, ceci peut expliquer cela.

Même si les jeunes s’émancipent du modèle familial traditionnel, ils restent fortement attachés aux liens intergéné-rationnels.

Mais, selon la psychologue Thanh Trúc, ce n’est pas là le plus grand avantage pour les membres des grandes familles. «L’avantage inestimable qui est reconnu à ce modèle de famille, c’est le plan affectif». En effet, d’une part, loin d’être considérées comme inutiles et mises à l’écart de la vie sociale, les personnes âgées se sentent toujours intégrées, notamment en aidant leurs enfants et petits-enfants dans les tâches domestiques. D’autre part, vivre dans l’intimité des enfants les rend plus optimistes tout en leur donnant un sentiment de sécurité. «La réalité a prouvé que lorsque parents et enfants vivent séparément, les personnes âgées ont plus de risques de tomber dans la solitude et les problèmes psychologiques», explique-t-elle.

Pour les petits-enfants, vivre avec leurs grands-parents leur donne un meilleur équilibre, un développement plus harmonieux, en particulier sur le plan de la formation de leur personnalité qui bénéficie de l’expérience de vie de plusieurs générations. «Et pour les adultes, c’est aussi plus enrichissant en termes de responsabilités familiales et sociales que pour les membres d’une famille nucléaire qui décident seuls de toutes leurs activités», ajoute la psychologue Thanh Trúc.

Bien sûr, ce modèle de famille intergénérationnelle présente aussi des inconvénients : la vie privée des membres n’est pas toujours aisée, les conflits sont possibles, y compris entre générations. Dans un environnement sans cesse évolutif, il n’est pas toujours facile de concilier les systèmes de valeurs de personnes dont certains sont nés dans la première moitié du XXe siècle et d’autres dans la première moitié du XXIe siècle ! La gestion des temps de chacun, de la proximité, des habitudes des uns et des autres, n’est pas toujours chose aisée. Mais, la «clé» de cette problématique, selon Thanh Trúc, ce sont les concessions et les compromis, la compréhension, et l’intérêt général de tous les membres de la famille.

Et si, finalement, «trois générations sous un même toit» n’était pas la plus belle preuve d’amour que peuvent se donner les membres d’une même famille ?

Châu Anh/CVN

 

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