Un artisanat qui révèle l'âme du Vietnam

Situé à une quarantaine de kilomètres de Hanoi, le village de Dông Hô est bien connu pour son métier de fabrication d'estampes populaires, qui remonte au XVIe siècle. Plongez dans l'univers de ces artisans !

Photo : Ngoc Lam/CVN

Dông Hô est un ancien village tranquille au bord de la rivière Duông. Appelé autrefois village de Mái, il fait partie aujourd’hui de la commune de Song Hô, district de Thuân Thành, province de Bac Ninh. Ses estampes sont célèbres pour leurs couleurs vives et leur beauté unique, de même que pour leur procédé spécifique de fabrication.

La technique s'est transmise de génération en génération. Les planches de bois sont gravées au ciseau dans des essences différentes selon le résultat recherché. Les estampes sont produites suivant un processus rigoureux nécessitant cinq séances de gravures, et cinq planches chacune d'une couleur différente. Les artisans impriment ces images sur du papier traditionnel , avec des couleurs confectionnées à partir de pigments naturels.

Photo : Ngoc Lam/CVN

En plus de 500 ans d'existence, les imageries populaires de Dông Hô se sont taillées une place de choix dans l'art traditionnel vietnamien. Les thèmes principaux sont les vœux de bonne chance, les personnages historiques, les activités quotidiennes et des allégories traditionnelles. Inspirées de la vie quotidienne, en particulier à la campagne, ces peintures ne servent pas seulement à la décoration des maisons. Chacune véhicule aussi un message, une leçon sur l'art de vivre, les valeurs morales, voire des critiques de la société féodale ancienne.

La célèbre peinture "Le mariage des souris".

Une des plus fameuses est le Mariage des souris. Il s'agit en fait d'une description de la société féodale. Les souris représentent le petit peuple et Monsieur le Chat, les mandarins. Si une souris veut se marier, elle doit d'abord faire des offrandes au Chat. Selon des chercheurs culturels, cette peinture bien connue est une critique ingénieuse des vices de la société féodale. Un message encore d'actualité à ce jour…

De plus, d'après Nguyên Dang Chê, le maître artisan le plus connu du village, “les estampes de Dông Hô décrivent aussi des scènes de vie et des pratiques spirituelles des paysans. Des sujets abordés de manière métaphorique”. Par exemple, La cueillette des noix de coco et Jalousie montrent deux scènes de vie contradictoires : l'harmonie conjugale dans le premier et le conflit dans le second. “Les estampes de Dông Hô ont ceci de particulier qu’elles ne sont jamais signées. Toutes appartiennent à l’héritage commun”, insiste-t-il.

Une œuvre de la peinture de Dông Hô.

Mais il y a d'autres tableaux mettant en scène différents animaux domestiques comme, par exemple, la basse-cour qui symbolise une famille heureuse, une progéniture nombreuse et unie.

Fruit de la philosophie populaire, chaque estampe de Dông Hô a plusieurs niveaux de signification, selon l'âge et le vécu de celui qui la regarde. Prenons l'exemple de cette truie entourée de ses petits. Pour l'observateur lambda, ça peut être une représentation de la prospérité. Mais les paysans peuvent y voir un conseil pour choisir de bons porcs. Témoignage de la richesse du folklore vietnamien.

Estampes de propagande

Outre ces imageries à contenu folklorique, peut-être peu de gens savent-ils que d'autres estampes de Dông Hô ont critiqué l'occidentalisation sous la domination française, participé à la propagande pour le mouvement de production après la Libération du pays. Cela montre que, dans leur processus de création, les artisans de Dông Hô se sont toujours inspirés de l'actualité.

Le maître artisan Nguyên Dang Chê (droite) présente des imageries populaires de Dông Hô.

Pendant la guerre anti-américaine, l'artisan Nguyên Dang Chê a créé plus d'une dizaine de tableaux portant des thèmes contemporains tels que Coopérative d'achat et de vente, Perfectionnement des instruments aratoires, L'Oncle Hô avec les enfants, et surtout Ne pas les laisser s'échapper qui dépeint la scène de capture de pilotes américains pendant les bombardements de Hanoi de l'hiver 1972. "Des étrangers sont venus me chercher plus tard pour acheter ce tableau", confie-t-il.

Selon les chercheurs, les peintures composées à cette période-là peuvent être vues comme des affiches de propagande pour la résistance des habitants de Dông Hô. Elles montrent le sens de l'observation et la compréhension de la vie des artisans.

L'art des peintures de Dông Hô est toujours considéré comme un symbole de la culture traditionnelle et une valeur esthétique du Vietnam. Riche de toutes ces valeurs historiques, culturelles, littéraires et artistiques, le métier de fabriquant d'estampes de Dông Hô a été classé en mars 2013 patrimoine culturel immatériel national.

Phương Lan Anh/CVN

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