Toute une vie l’œil dans le viseur

L’octogénaire Quang Phùng a photographié les moindres recoins de Hanoi, sa ville natale. Pour lui, photographier n’a pas pour finalité de remporter des prix, de se faire connaître, mais de servir la société.

Le photographe Nguyên Quang Phùng.

Quang Phùng est un marcheur. Quiconque parcourt souvent les rues Quang Trung, Ngô Van So, Bà Triêu et les berges du Lac de l’épée restituée (Hô Hoàn Kiêm) a sûrement dû voir ce vieil homme atypique, aux cheveux blancs noués en chignon, un bâton à la main, un petit sac en tissu à l’épaule. Lentement, il arpente les trottoirs, la démarche hésitante mais l’œil vif. Le matin, l’après-midi, les jours de pluie ou ensoleillés, il adore s’immerger dans cette capitale qu’il aime tant pour fixer sur la pellicule des «instants d’or» comme il dit, ou juste humer l’air du temps. Cet homme passionné est le photographe Quang Phùng.

Un journaliste américain a dit de lui : «Quang Phùng a réalisé les photos sur les premières victimes de la +bataille de Diên Biên Phu aérien+ en décembre 1972 à Hanoi. Ces images ont été présentées non seulement dans des journaux étrangers mais encore à la Conférence de Paris 1973 pour mettre fin à la guerre du Vietnam». Ce photographe est aussi connu pour une exposition sur la drogue, la première du genre dans le pays.

Un photographe engagé

Le photographe Quang Phùng nous a accueillis dans sa petite chambre de la ruelle Ha Hôi, rue Quang Trung. Il nous a présentés de nombreux albums avec des centaines de clichés 20 x 30 cm conservés très soigneusement. «Le plus important sujet de ma vie est l’humanité. Je fais des photos non pas pour remporter des prix mais pour servir la société», dit-il.

Une des photos du photographe Quang Phùng.

Selon lui, la photographie n’est pas réservée aux paresseux. «Pour prendre des photos originales, saisir des moments d’or, il faut observer, chercher les meilleurs angles, et ne pas se contenter d’attendre dans un coin de rue», confie-t-il.

Il faut parfois se mouiller, au sens propre comme au figuré. Il lui est ainsi arrivé de tomber malade après des heures sous la pluie. Parfois aussi, il a été pris à partie par des toxicomanes qui l’ont menacé de lui injecter le VIH, lui ont jeté des pierres...

Un «chasseur» photographe

Quang Phùng vient de remporter le Grand prix du concours «Bùi Xuân Phái : pour l’amour de Hanoi» 2013 (6e édition), remis par le journal Thê thao & Văn hóa (Sports & Culture) de l’Agence Vietnamienne d’Information.

Toutes ses photos sont simples, sincères. Aucune n’a été préparée, toutes ont été prises «sur le vif» comme on dit, dans le feu de l’action. La plupart des personnages de ses photos ne savent même pas qu’ils ont été pris. «Si l’on demande aux gens de prendre tel ou tel pose, on aura des images artificielles. C’est pourquoi, en plus de la persévérance, le photographe doit savoir se fondre dans le paysage».

Attaché toute sa vie à la capitale, ce photographe a été le témoin de beaucoup d’événements historiques. Mais ce qui l’intéresse le plus, c’est la vie des gens simples. Il souhaite révéler la condition humaine, au sens large, même celle que l’on refuse de voir.

Ses milliers de clichés sont devenus des archives précieuses sur Hanoi d’antan et d’aujourd’hui. Une partie d’entre eux ont été présentés dans l’exposition «Hoa rơi trên mặt hồ» (Les fleurs tombent sur la surface du lac) en octobre 2011, et figurent dans le livre illustré bilingue (vietnamien-anglais) Dạo quanh Hồ Gươm (Promenade au bord du Lac de l’Épée restituée).

Il est en train de donner les dernières touches à son deuxième ouvrage, financé par un fonds néerlandais.


Profil de Quang Phùng

Le photographe Nguyên Quang Phùng est né en 1932 dans la rue Hàng Gai, au cœur de Hanoi. Toute sa vie est attachée à la capitale. Son père était mandarin, chef de la province de Hà Dông (qui fait partie actuellement de Hanoi), et sa mère originaire de Hanoi.
Dans les années 1950, il a accompagné des manifestations des élèves et étudiants de Hanoi contre les colonialistes français.
En 1954, après la bataille de Diên Biên Phu, il a figuré parmi les journalistes vietnamiens qui ont photographié l’arrivée de l’armée populaire victorieuse dans la capitale.
De 1955 à 1970, il a travaillé pour le Comité international de contrôle et de surveillance de la mise en œuvre des Accords de Genève. À l’époque, il a bénéficié de conditions favorables pour se livrer à sa passion.
De 1970 à 1975, il a utilisé ses talents de diplomate et ses compétences en langues étrangères (anglais, japonais) pour des missions de relations extérieures et de défense nationale.
De 1975 à 1993, il a été fonctionnaire au ministère des Affaires étrangères.
 

Texte et photos : Quê Anh/CVN

 

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