Trân Nguyên Khánh Phong est issu d'une famille d'agriculteurs de Phú Ôc, un village de la province de Thua Thiên-Huê. Diplômé de l’Université des sciences de Huê en 2000, il suit une formation complémentaire en pédagogie, avant de se porter volontaire, en avril 2001, pour enseigner dans le district montagneux d’A Luoi.
Le professeur de littérature Trân Nguyên Khánh Phong a réuni une grosse documentation sur la culture Tà Ôi. |
Les histoires d’enseignants venus de la plaine (c’est-à-dire de l’ethnie majoritaire Kinh), se prenant de passion pour la culture un tantinet exotique de la localité où ils ont été mutés jusqu’à en devenir de vrais experts, sont fréquentes.
Mille objets dans 9 m²
Pour Khánh Phong, la passion est venue rapidement. Peu de temps après son arrivée au lycée d’A Luoi, il a commencé à collecter des objets et à apprendre la langue locale - qu’il maîtrise désormais. C’est à vélo qu’il a parcouru les 131 villages des 21 communes et bourgs du district, souvent pour aller à la rencontre des parents de ses élèves. L’occasion pour cet homme curieux de nature de s’intéresser de près à la vie des Tà Ôi, et notamment à leurs objets quotidiens. Certains d’usage courant, d’autres tombés dans l’oubli et conservés sous le lit ou dans un coin de la cuisine. «Ces objets mais aussi les récits transmis oralement nécessitent d’être collectés et préservés, car la vie change vite ici et les traditions se perdent de plus en plus», déplore-t-il.
Statues funéraires de l’ethnie Tà Ôi, province de Thua Thiên-Huê (Centre). |
En douze ans, le petit appartement de fonction de 9 m² de Khánh Phong s’est rempli d’engins de pêche tels l’anúa (épuisette), l’aruông (nasse), le coss arăm (javelot pour la chasse des poissons). Il s'agit aussi d’instruments aratoires comme l’apâc (pour creuser des trous dans les rizières), mais encore de statues funéraires, de vêtements traditionnels... Au total, un millier d’objets.
L’enseignant a un faible pour les couteaux en os, les vêtements en écorce, les poteries pour le culte du Génie du riz. Il a aussi rassemblé dans des carnets des récits légendaires, des souvenirs de guerre (de 1963 à 1975) glanés auprès des anciens.
Un expert reconnu
Cette importante source de documentation, Khánh Phong l’a compilée dans 11 ouvrages publiés par les Éditions Thanh Niên, Thuân Hóa, Lao Đông… Il s’est coordonné avec d’autres auteurs pour la publication d’une quarantaine de livres sur l’ethnologie et les arts populaires. Treize autres recueils de milliers de pages sont en attente d’une publication, dont un consacré aux artisans Tà Ôi au Vietnam qui lui a nécessité de visiter 180 hameaux et villages de 5 districts de Thua Thiên-Huê et de Quang Tri, les deux provinces où se concentre cette ethnie.
Femmes Tà Ôi aux métiers à tisser. |
Il y a un an, pour des raisons familiales, Khánh Phong a été muté au lycée de Huong Thuy (chef-lieu homonyme de Thua Thiên-Huê). Avant de partir, il a offert quelques objets de sa collection aux habitants d’A Luoi et au musée Hô Chí Minh de la province. Le reste est conservé chez ses parents. «Je rêve de gagner à la loterie pour pouvoir construire un musée privé !», confie le jeune homme, aussi membre de l’Association des arts populaires du Vietnam, de l’Association des arts et des lettres des ethnies minoritaires du Vietnam.
Quê Ánh/CVN