Phan Phúc (centre), fondatrice du Club artistique des enfants handicapés de Hanoi. |
Comme de nombreuses actrices âgées au Vietnam, Mme Phúc, 71 ans, fait plus jeune que son âge. Née à Hanoi dans une famille de musiciens depuis plusieurs générations, ses frères et sœurs jouaient de plusieurs instruments, contrebasse, violon, guitare, trompette, tambour… Deux d’entre eux ont d’ailleurs longtemps été membres de l’Orchestre symphonique national. Mais la petite Phúc a choisi une autre voie, celle du théâtre.
Passionnée depuis l’enfance par l’univers scénique, Phan Phúc est reçue en février 1961 à la première promotion de l’École supérieure du théâtre et du cinéma du Vietnam. Trois années plus tard, elle quitte la capitale et trouve une place dans la Troupe de théâtre parlé de Hai Phong, dans la ville portuaire éponyme. C’est à cette époque qu’elle s’offre «son quart d’heure de célébrité», dixit l’artiste américain Andy Warhol (1928-1987). Elle a l’honneur de se produire à plusieurs reprises devant le Président Hô Chí Minh et le président du Conseil des ministres Pham Van Dông.
Après une quinzaine d’années dans sa troupe de Hai Phong, Phúc rentre en 1980 à la capitale pour suivre une formation de metteur en scène à l’École supérieure du théâtre et du cinéma de Hanoi. Ce qui lui permettra par la suite d’intégrer la direction du Théâtre Tuôi Tre (Théâtre de la Jeunesse), qui se déplace régulièrement dans les écoles et les différentes localités du pays.
Une forte demande
C’est lors de l’une de ces rencontres qu’elle fait la connaissance des élèves handicapés de l’École primaire Trung Tu (arrondissement de Dông Da, Hanoi). Elle leur découvre des talents artistiques et décide de les mettre à profit de manière plus formelle.
L’une des activités hebdomadaires du club : le dessin. |
Phúc fonde, en 1995, et avec le soutien appuyé de son époux, la Troupe artistique des enfants handicapés de Hanoi, au sein de la même école. Dans cette optique, elle réussit à convaincre les dirigeants de l’établissement de disposer d’un espace de travail. Ils lui permettront de construire une salle de 80 m², financée par l’organisation américaine CRS.
Mme Phúc se souvient souvent de la naissance de la troupe : «Au début, de nombreux parents venaient pour nous confier leurs enfants. On en avait une centaine, tous handicaps confondus (malentendants, malvoyants, muets, handicaps mentaux…). C’était lourd à gérer».
La cinquantaine passée, elle décide donc de se prendre en main pour améliorer la qualité et l’efficacité de son travail. Elle se rend dans quelques pays développés, et notamment en Suède, où les méthodes de transmission des savoirs aux personnes handicapées sont reconnues. «Ceux qui sont atteints d’un retard mental oublient tout ce qu’ils ont acquis d’un jour sur l’autre. Nous devons donc recommencer et répéter sans relâche, jusqu’à ce qu’ils assimilent ce qu’on souhaite leur enseigner. Aujourd’hui, ils savent à leur niveau danser, chanter, et jouer la comédie», partage-t-elle.
Une deuxième famille
Face à la demande, en 1997, Mme Phúc crée le Club artistique des enfants handicapés de Hanoi. D’envergure bien plus importante, il a pour objet d’ouvrir un nouveau champ d’activités, avec couture et artisanat, et de développer les activités théâtrales déjà existantes. Le club part ainsi régulièrement en tournée dans différentes localités du pays.
En une quinzaine d’années d’existence, le club a donné une voix à ces adolescents mis à l’épreuve de l’existence. Dix d’entre eux ont participé à un festival pour handicapés organisé en Suède, et leur prestation a été très appréciée d’un public venu de l’international. Thanh Thao et Thu Trang ont également joué en France et dans d’autres pays européens.
Chaque semaine, des étudiants volontaires de l’École supérieure de Hanoi viennent enseigner l’anglais aux membres du club. |
Les activités du club continuent quant à elles d’animer l’École primaire Trung Tu. Tous les samedis, le professeur Duong Tu Long se déplace du Collège de Xa Dàn (école spécialisée de Hanoi), et le dimanche matin, Lê Thi Ta, ancienne directrice de l’École maternelle privée dans la rue de Huê, vient leur enseigner le chant pour commencer la matinée. Laquelle s’achève par un cours d’anglais dirigé par une équipe d’étudiants volontaires de l’École supérieure de Hanoi. L’après-midi, ce sont ceux de l’École supérieure des sciences sociales et humaines, relevant de l’Université nationale de Hanoi, qui viennent leur rendre visite. Objectif : leur enseigner les fondamentaux en vietnamien et en mathématiques. «Il faut trouver des manières ludiques d’amener les choses. Toutes les informations transmises doivent être simples et facile à retenir», indique Bùi Khánh Linh, bénévole de l’École supérieure de Hanoi.
«Aujourd’hui, je forme les plus âgés à enseigner, afin qu’ils puissent prendre ma place le moment venu», confie Mme Phúc. Cette femme-là mourra sur scène, comme les grands Hommes.
Texte et photos : Quê Anh/CVN