Il y a une dizaine d'années, la directive 58 du politburo du PCV et la résolution 07 du gouvernement ont nettement manifesté la volonté de l'État de développer l'industrie du logiciel et l'application des technologies de l'information (TI).
À cette époque-là, ce secteur a présenté des plans de développement concrets et un cadre juridique assez complet en la matière. La conscience de la société a été rehaussée, les entreprises ont trouvé des opportunités et les consommateurs leurs intérêts. Dix ans plus tard, le Vietnam dispose d'une industrie du logiciel au niveau moyen mondial.
Bien que mise en route avec une série de politiques d'assistance, cette industrie nationale n'a pas d'entreprises capables de développer des produits logiciels de grande envergure et spécialisés (comme des solutions pour les secteurs financier, bancaire, fiscal...), ni de produits d'exportation de marque. Les zones de l'industrie du logiciel sont encore petites et n'attirent réellement pas beaucoup d'investisseurs.
En fait, l'essor de cette industrie nationale est essentiellement dû aux affaires de fusion-acquisition d'entreprises (M & A - Mergers and Acquisitions) et à l'apparition de grandes sociétés internationales, attirées par les nombreux privilèges en matière d'investissement.
Fusion-acquisition
La sous-traitance de logiciels au Vietnam, qui est influencée par l'évolution des TI dans le monde, a été animée ces dernières années grâce aux affaires de M & A.
Généralement, les fusions et acquisitions sont un outil utilisé par les entreprises dans le but d'accroître leurs activités économiques et d'augmenter leurs profits, et dans ce cas par de grands groupes de TI qui ont besoin d'ouvrir de nouveaux centres dans des pays potentiels en matière de main-d'oeuvre au service des chaînes de services mondiales.
En 2009, le groupe américain de services informatiques Computer Sciences Corporation (CSC) a acquis son compatriote FCG, qui employait environ 700 ingénieurs et menait des activités en 15 ans au Vietnam. (Auparavant, FCG avait racheté PSV - une société dont le noyau était un groupe d'étudiants de l'École polytechnique de Hô Chi Minh-Ville, investie par un Américain).
Capgemini, l'une des plus importantes sociétés de services en ingénierie informatique (SSII) dans le secteur des services informatiques, a acquis IACP, une société à capital entièrement français.
Le groupe Harvey Nash (Royaume-Uni) a fait l'acquisition de Silkroad Systems, une société de développement des technologies et de logiciels.
Le japonais NEC Solutions a racheté la compagnie Sáng Tao, une société de logiciels de premier rang au Vietnam.
Idem pour l'indien InfoNam et l'américain PSD.
D'autres géants comme la société multinationale américaine IBM, ou Aricent - une société mondiale d'innovations, de technologie et de services axée exclusivement sur les communications -, et d'importants fabricants de semi-conducteurs tels que le japonais Renesas, les américains Texas Instrument et Synopsys... ont ouvert des centres de sous-traitance au Vietnam.
Plus récemment, l'entreprise d'informatique et d'électronique multinationale américaine HP, qui fait partie des 40 plus grosses entreprises du monde, a acquis le contingent du personnel d'une autre société étrangère déjà expérimentée au Vietnam. Grâce à ce rachat, HP a rapidement établi une équipe de base (core team) composée de 50 personnes pour son plan de disposer de 4.000 employés à la fin de 2014.
C'est grâce aux affaires de M & A et à l'arrivée de grands groupes dans le pays ces derniers temps que le Vietnam est vu par le monde comme un lieu favorable au développement des services de TI.
Cependant, la main-d'oeuvre de faible quantité constitue actuellement le plus grand obstacle sur la voie du progrès des entreprises sous-traitantes vietnamiennes qui ont du mal à accéder aux projets importants. Jusqu' ici, outre le groupe FPT qui emploie plus de 3.000 personnes pour sa sous-traitance, il y a seulement quelques entreprises du logiciel comptant plus d'un millier d'employés.
De la sous-traitance à la recherche de sa propre valeur
En 2009, le Vietnam a été classé au 9e rang du top 10 des premiers sous-traitants de logiciels du monde, selon une étude du Groupe de communication et de technologies de l'information Global Services-Tholons.
Au fil des années, des entreprises vietnamiennes ont pu acquérir des expériences sur l'investissement dans la recherche et développement (R & D). TMA Solutions est l'un des leaders vietnamiens d'externalisation de logiciels avec plus de 900 ingénieurs. Fondé en 1997 à Hô Chi Minh-Ville, TMA privilège l'apport des services de sous-traitance des logiciels de développement aux compagnies étrangères (États-Unis, Canada, Japon, France, Inde, Singapour, Australie, etc.). Par ailleurs, la compagnie investit de plus en plus dans la R & D, en créant en 2010 son centre de solutions mobiles, dont le personnel d'une cinquantaine de personnes a doublé actuellement. "Une fois décidé d'investir dans ce centre de R & D, TMA n'a pas fixé l'objectif de recettes pour ses premières années. Mais au bout de seulement un an d'activités, le centre est déjà capable de payer son personnel sur ses fonds propres", informe Nguyên Huu Lê, président de TMA.
Le marché a reconnu les efforts d'un certain nombre d'entreprises vietnamiennes qui sont parvenues à développer leurs propres produits et à trouver une certaine position sur le marché national telles que Lac Viêt, Diginet, Fast, Misa... Depuis des années, ce type d'entreprises a rencontré beaucoup de difficultés sur le marché concurrentiel où des logiciels "made in Vietnam" ont disparu pour diverses raisons. Les produits qui restent sont des programmes dédiés aux petites et moyennes entreprises (PME). Il manque encore de produits de grande envergure et spécialisés. "Les logiciels nationaux ne pourront se développer que lorsque les services compétents s'intéresseront davantage à la question des droits d'auteur, à la politique de gestion et aux mesures de sanction contre les infractions", estime Lê Hai Bình, président du conseil d'administration de la compagnie Mat Bao.
Les petites entreprises vietnamiennes du logiciel encore très jeunes, de faible capacité financière, ont vraiment du mal à trouver leur place sur le marché, d'autant plus que les technologies se modernisent de jour en jour. Lorsque le logiciel pour l'emballage n'a pas obtenu de succès, de nombreuses entreprises ont continué à essuyer des échecs dans le développement des logiciels de gestion de l'ensemble des processus opérationnels de l'entreprise PGI (Progiciel de gestion intégré - en anglais "Enterprise Resource Planning" ou ERP), y compris des géants comme FPT. Mais les expériences tirées de ces échecs aident actuellement leur restructuration pour entrer dans des domaines spécialisés comme le logiciel dédié au secteur de la santé, le logiciel SmartBank (qui est appliqué dans 50% des compagnies boursières nationales), le système de gestion des impôts sur le revenu individuel...
Aspiration et réalité
Le projet "Faire du Vietnam un pays puissant en technologies de l'information" a réaffirmé la détermination des dirigeants du pays de développer ce secteur. "Il a montré à quel point les TI sont indispensables dans l'essor du pays, aussi bien en matière économique, sociale, culturelle ou de défense", estime Mai Liêm Truc, ancien vice-ministre des Postes et Télécommunications (actuel ministère de l'Information et de la Communication).
Le projet a déterminé les technologies de l'information et les télécommunications comme un secteur économique de pointe, qui devrait contribuer pour 8% au PIB national à l'horizon 2020, dont l'industrie du logiciel jouera un rôle important.
Le pays recense actuellement plus d'un millier d'entreprises de logiciels, soit près de six fois de plus qu'en l'an 2000, qui emploient 64.000 personnes (dont la moitié à Hô Chi Minh-Ville). Quelques-unes d'entre elles disposent de plus de 1.000 travailleurs. Les sept zones de l'industrie du logiciel, d'une superficie totale de près de 738.000 m², abritent 499 entreprises spécialisées (279 entreprises nationales et 220 étrangères). Les recettes de l'industrie nationale du logiciel connaissent une croissance annuelle de 25-35%, et se sont établies à 850 millions de dollars en 2009.
"Le développement de l'industrie du logiciel est toujours considéré comme un avantage comparable du Vietnam sur le marché de l'emploi mondial, grâce à une population jeune abondante. S'il est bien formé et employé, je crois qu'un ingénieur vietnamien n'aura rien d'inférieur à ses collègues dans le monde", affirme Mai Liêm Truc. Cependant, d'après lui, transformer les potentialités en réalité nécessitera des politiques volontaristes. L'urgence est de créer une percée dans la formation en vue d'atteindre le chiffre d'un million d'ingénieurs en TI en 2020. "La priorité des priorités, c'est d'améliorer la qualité de la main-d'oeuvre de l'industrie du logiciel pour atteindre un taux d'exportation de cette dernière de 50% (soit 10 milliards de dollars) et faire du Vietnam un pays puissant en TI. Il s'agit là d'un gros défi à relever", conclut M. Truc.