Des citoyens américains attendent d'embarquer dans un avion militaire américain pour être évacués du Soudan du Sud, le 21 décembre à Juba |
Donald Booth, l'émissaire américain pour le Soudan et le Soudan du Sud, et un émissaire nigérian sont attendus très prochainement à Juba, selon le ministère sud-soudanais des Affaires étrangères.
De son côté le président Barack Obama a averti que les États-Unis prendront de nouvelles mesures "si nécessaire", après l'attaque contre leurs soldats au Soudan du Sud.
"Je peux prendre de nouvelles mesures pour assurer la sécurité des citoyens, du personnel et des biens américains, dont notre ambassade, au Soudan du Sud", a dit M. Obama alors que quatre soldats américains ont été blessés samedi 21 décembre au Soudan du Sud.
Avant la visite des émissaires américain et nigérian, une délégation de ministres des Affaires étrangères d'Afrique de l'Est avait rencontré le 21 décembre le président sud-soudanais Salva Kiir. Ce dernier avait alors promis "un dialogue sans conditions" avec son rival, l'ancien vice-président Riek Machar.
La rébellion de Riek Machar contrôle en partie l'État-clé d'Unity, qui concentre les ressources pétrolières du pays, et s'est rendue maîtresse de sa capitale, Bentiu (1.000 km au nord de Juba).
Selon un responsable local de Bentiu, les rues restent jonchées d'une centaine de cadavres depuis la chute de la ville, provoquée par la défection d'un commandant de l'armée régulière sud-soudanaise, la SPLA.
Le porte-parole de l'armée, Philip Aguer, a confirmé que "l'État d'Unity est actuellement divisé" entre les forces de la SPLA et celles de Riek Machar.
"Nous ne contrôlons pas Bentiu, nous ignorons combien de personnes ont été tuées ou blessées", a-t-il dit.
Les installations et les exportations pétrolières, vitales pour l'économie du pays dont elles assurent 95% des revenus, ne seraient cependant pas affectées par les combats, a assuré l'ambassadeur sud-soudanais à Khartoum, Mayen Dut Wol.
Le Soudan voisin est lui aussi dépendant du pétrole sud-soudanais : il tire d'importants revenus en taxant fortement l'acheminement du pétrole à travers son territoire par des oléoducs. Si ses intérêts sont menacés, Khartoum pourrait intervenir militairement, selon des experts.
Le conflit armé avait éclaté le 15 décembre entre les forces de Riek Machar et du président Kiir, déchirant le plus jeune État de la planète, indépendant depuis 2011 après une longue guerre civile contre le Soudan.
Dans la seule capitale Juba, les combats ont fait au moins 500 morts, selon un bilan très partiel.
À travers le pays, on compte "des centaines de milliers" de déplacés, a annoncé le 22 décembre le chef des opérations humanitaire de l'ONU au Soudan du Sud, Toby Lanzer.
"Il aurait été difficile il y a une semaine encore d'imaginer que les choses allaient s'effondrer à ce point", a-t-il déploré, dénonçant ce "conflit armé au sein du parti au pouvoir avec des innocents coincés au milieu".
Quant aux zones qui inquiètent M. Lanzer, "il serait plus rapide de parler de celles qui ne m'inquiètent pas", a-t-il lancé.
Mission des Nations unies
Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a demandé le 22 décembre "que tous les dirigeants politiques, militaires et des milices cessent les hostilités et mettent fin à la violence contre les civils".
Le 21 décembre, le président américain Barack Obama avait prévenu que "toute tentative de s'emparer du pouvoir par des moyens militaires aura pour conséquence la fin du soutien de longue date des États-Unis et de la communauté internationale" au Soudan du Sud.
Washington a été le principal soutien de la jeune nation depuis son indépendance.
M. Kiir et Machar, habitués à la longue guerre d'indépendance (1983-2005), utilisent les combattants de leur communauté respective - Dinka pour Salva Kiir et Nuer pour Riek Machar.
Le Comité international de la Croix-Rouge s'est "alarmé" le 22 décembre des violences contre les civils, son représentant à Juba, Melker Mabeck, dénonçant "meurtres" et "mauvais traitements" des deux côtés.
Outre la ville de Bentiu, les rebelles tiennent depuis jeudi19 décembre Bor, capitale de l'État de Jonglei (200 km au nord de Juba).
"Bor est toujours contrôlée par les forces de Peter Gadet (allié de Riek Machar). La SPLA avance toujours sur la ville mais ne l'a pas encore reprise", a déclaré le porte-parole de l'armée Philip Aguer.
La mission des Nations unies au Soudan du Sud (Minuss) va redéployer ses 4.000 soldats d'infanterie disponibles dans le pays pour envoyer des renforts à Bor, où ses forces fortifient sa base locale en prévision de nouveaux combats, et Bentiu, "pour continuer à remplir son mandat de protection des civils sud-soudanais".
Mais sur un territoire grand comme l'Espagne et le Portugal réunis, la meilleure solution pour les Casques Bleus est de "ne pas bouger, c'est sûrement la meilleure option", a admis Toby Lanzer, de l'ONU.
La Minuss a aussi annoncé qu'elle évacuait son "personnel non essentiel" de Juba.
Plusieurs pays étrangers - les États-Unis, le Royaume-Uni, le Kenya, l'Ouganda et le Liban - ont également ordonné l'évacuation de leurs ressortissants.
Avec l'ONU, Washington a évacué le 22 décembre par les airs des Américains et d'autres étrangers de Bor, où une opération similaire avait échoué la veille quand des tirs avaient blessé quatre soldats américains.
Les sociétés pétrolières font elles aussi sortir leur personnel du pays, après la mort de cinq employés sud-soudanais du secteur.
Dans tout le Soudan du Sud, des dizaines de milliers de personnes ont cherché refuge dans les bases des Nations unies, qui abritent près de 20.000 personnes rien qu'à Juba.
"J'ai peur, je ne peux pas m'imaginer redevenir une réfugiée", confiait, dans une base de l'ONU à Juba, Susan Nakiden, une mère de trois enfants qui a déjà dû fuir pendant la guerre civile qui déchira le Soudan entre Nord et Sud.
AFP/VNA/CVN