Des chercheurs de l'IRD et leurs partenaires viennent de mettre en évidence une très forte corrélation entre les migrations annuelles de chiroptères et l'épidémie de fièvre Ebola qui a fait près de 200 morts en République démocratique du Congo (RDC) en 2007. Par ailleurs, ils ont retracé l'enchaînement d'événements ayant pu conduire à cette épidémie. Ils ont découvert comment toutes les conditions ont été réunies pour que le virus se propage chez l'homme. Ebola sévit depuis 30 ans en Afrique.
Depuis 2001, plusieurs épidémies de fièvre hémorragique en RDC, foudroyant à la fois les humains et les grands singes. Cette étude permet de mieux prévenir les éventuelles futures épidémies. Des chercheurs de l'IRD et leurs partenaires ont déterminé la source de l'épidémie d'Ebola survenue en RDC de mai à novembre 2007.
Ils ont d'abord remonté la piste du virus grâce à des enquêtes épidémiologiques menées sur le lieu même de l'épidémie. Les enquêtes menées par les équipes congolaises et internationales avaient préalablement identifié la personne à l'origine de l'épidémie : une femme de 55 ans vivant à Ndongo, l'un des
10 villages de l'agglomération de Kampungu, à l'épicentre de l'épidémie. Elle a développé, aux environs du 25 juin, une fièvre hémorragique typique d'Ebola (forte fièvre, vomissement, diarrhées, hémorragies) et en est morte une semaine après. Les personnes qui ont pris soin d'elle ont succombé quelques jours plus tard d'une fièvre hémorragique. L'épidémie avait commencé.
Mais comment cette personne a-t-elle contracté la maladie sans aucun contact avec un animal mort ni avec un malade ? Pour le savoir, les chercheurs ont étendu leurs investigations aux différentes localités de l'agglomération de Kampungu. De village en village, ils ont pu reconstituer les événements ayant conduit à l'infection de la personne à l'origine de l'épidémie. Toutes les conditions étaient réunies.
Fin avril, un habitant d'un autre village s'est régulièrement rendu au marché hebdomadaire de Mombo Munene pour acheter des chauves-souris fraîches. En effet, tous les ans, au moment de leur grande migration, les chiroptères inondent les marchés, constituant une importante source de nourriture pour les habitants. Suite à ses contacts répétés avec le sang lors de l'achat de ces animaux, l'homme aurait présenté de légers symptômes, sans doute passés inaperçus. Il aurait donc seulement développé une faible charge virale, comme sûrement de nombreuses autres personnes ayant fréquenté ces mêmes marchés.
Or, cet homme avait une petite fille de 4 ans qu'il a emmenée régulièrement avec son épouse au mois de mai dans le village situé en brousse à 3 ou 4 heures de marche. L'enfant a sans doute contracté le virus lors des longs trajets dans les bras de son père. Tombée malade quelques jours après, elle est rapidement décédée. Comme le veut la coutume, pour la cérémonie mortuaire, le corps de la fillette a été lavé par une amie proche de la famille, la femme de Ndongo. Personne d'autre dans l'entourage de l'enfant n'a été contaminé.
La petite fille n'ayant probablement pas eu le temps de développer une charge virale élevée, seul un contact prolongé avec son corps a pu entraîner une contagion.
Les chauves-souris contaminent directement l'homme. Il existe une très forte corrélation spatio-temporelle entre l'épidémie d'Ebola de mai à novembre 2007 en RDC et la migration annuelle des chauves-souris, bien qu'il n'y ait pas de preuve formelle de la transmission du virus des chiroptères à l'homme. Selon les villageois, la migration des chauves-souris a été particulièrement massive au printemps 2007. Tous les ans au mois d'avril, elles arrivent par dizaines de milliers et font étape quelques temps dans des îles situées sur la rivière Lulua, à proximité des villages de Kampungu. De plus, des 3 espèces de chauves-souris migrantes observées dans les environs de l'agglomération (Hypsignathus monstrosus, Epomops franqueti) font partie des espèces suspectées d'être le réservoir naturel du virus Ebola".
Les chiroptères sont d'autant plus suspects que les autres vecteurs potentiels d'Ebola ne semblent pas impliqués. D'une part, les habitants n'ont remarqué aucune morbidité ou mortalité inhabituelle parmi les animaux domestiques et sauvages. D'autres part, chimpanzés et gorilles, également victimes du virus, ne sont pas présents dans cette région de RDC.
IRD/CVN