Quatre plus hauts responsables khmers rouges devant la justice à Phnom Penh

Le procès tant attendu des quatre plus hauts responsables khmers rouges encore en vie, jugés notamment pour génocide, s'est ouvert le 27 juin à Phnom Penh devant le tribunal parrainé par l'ONU, plus de 30 ans après les faits.

L'idéologue du régime de Pol Pot ou "frère numéro deux" Nuon Chea, le ministre des Affaires étrangères Ieng Sary, le président du "Kampuchea démocratique" Khieu Samphan et la ministre des Affaires sociales Ieng Thirith répondent aussi de crimes de guerre et crimes contre l'humanité.

Les quatre accusés âgés de 79 à 85 ans, visiblement fatigués, étaient présents dans le box des accusés à l'ouverture du procès. Mais seul Khieu Samphan était toujours présent à l'audience dans l'après-midi, les juges ayant refusé de l'excuser. Les autres ont quitté la salle pour raisons de santé ou, dans le cas de Nuon Chea, en signe de protestation. "Je ne suis pas content de cette audience", a déclaré le "frère numéro deux", lunettes noires et bonnet de laine blanc et bleu enfoncé sur la tête, avant de quitter la salle.

Une attitude conforme aux prédictions des observateurs qui redoutaient que les accusés, rejetant toutes les accusations, refusent de coopérer avec le tribunal.

Les quelque 4.000 parties civiles craignent également par dessus tout que certains des accusés ne vivent assez longtemps pour entendre le verdict.

Les quatre responsables, arrêtés en 2007, devront s'expliquer sur la mise en œuvre méthodique et calculée, entre 1975 et 1979, d'une utopie délirante qui a tué d'épuisement, de famine, de maladie ou à la suite de tortures et d'exécutions quelque deux millions de personnes. Soit un quart de la population du Cambodge de l'époque.

Le terme de génocide est communément utilisé pour évoquer cette période, mais les atrocités commises contre la population khmère ne sont pas reconnues comme tel par l'ONU.

"Ces quatre personnes qui sont accusées d'être les cerveaux (du régime) sont enfin jugées et les Cambodgiens attendent des réponses et la justice" , a estimé Lars Olsen, porte-parole de la juridiction hybride, mise en place en 2006 après des années de tergiversations.

Des centaines de Cambodgiens avaient d'ailleurs fait le déplacement pour voir leurs anciens bourreaux dans le box des accusés et l'audience était en partie retransmise à la télévision. "Nous espérons obtenir justice" , a déclaré Vann Nath, rescapé. "Je veux que le tribunal condamne les quatre dirigeants à la perpétuité" , a renchéri Khem Nareth, 56 ans, qui a perdu sa mère et son frère.

Ce procès tranche avec ceux organisés devant d'autres juridictions internationales exceptionnelles, en ce qu'il est organisé sur le lieu même des atrocités jugées. À l'inverse notamment du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (La Haye) et du TPI pour le Rwanda (Arusha, Tanzanie).

Jusqu'à ce jeudi, les audiences préliminaires vont se concentrer sur des questions de procédures, avant une suspension pour quelques semaines d'un procès qui doit durer des années.

Les premiers témoignages des quatre anciens responsables ne sont attendus qu'au plus tôt fin août. Lors de son premier procès, le tribunal a condamné en juillet 2010 à 30 ans de prison Kaing Guek Eav, alias "Douch", ancien chef de la prison de Tuol Sleng où 15.000 personnes ont été torturées avant d'être exécutées.

Douch, qui a fait des aveux complets et demandé pardon aux victimes, a finalement demandé son acquittement en appel, assurant ne pas avoir été un haut responsable du régime. Un verdict est attendu dans les prochaines semaines.

AFP/VNA/CVN

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