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Le Pdg de Renault, Carlos Ghosn, lors d'une visite du président français Emmanuel Macron à l'usine Renault de Maubeuge (nord de la France) le 8 novembre 2018. |
Le magnat de l'automobile de 64 ans, qui a subi une chute brutale après être devenu en deux décennies un personnage tout-puissant, doit comparaître à 10h30 locales (01h30 GMT). L'audience est publique mais le nombre de places extrêmement limité, et les images interdites. On le sait amaigri par le régime alimentaire du centre de détention du nord de Tokyo où il se trouve, mais il est "en bonne forme", confiait ce week-end son fils Anthony Ghosn à l'hebdomadaire français Le Journal du Dimanche. "Il est prêt à se défendre de façon vigoureuse", "il ne lâchera rien", assurait-il.
Carlos Ghosn devrait avoir environ dix minutes pour s'exprimer, une fois que le juge aura présenté les motifs de sa détention. Il "pourra apparaître dans la tenue qu'il veut mais il sera menotté jusqu'à l'entrée dans la salle d'audience", explique l'avocat Yasuyuki Takai, ex-enquêteur de l'unité qui a arrêté le dirigeant franco-libano-brésilien. La procédure est rare, seule une poignée de détenus ont fait une telle requête l'an dernier. Elle n'a quasiment aucune chance de changer le cours des choses, selon M. Takai, mais la portée symbolique est forte pour M. Ghosn, qui a là une occasion de rompre le silence médiatique dans lequel il est muré depuis plusieurs semaines.
Une inculpation, trois gardes à vue
On entendra aussi enfin la voix de son équipe d'avocats, menée par un ancien procureur, Motonari Otsuru. Très discrets depuis le début de l'affaire, ils ont prévu de tenir une conférence de presse mardi après-midi 8 janvier dans la foulée de l'audience.
L'ex-patron de Nissan Carlos Ghosn lors d'une conférence de presse au siège de l'entreprise automobile à Yokohama, près de Tokyo, le 11 mai 2012. |
Photo: AFP/VNA/CVN |
Carlos Ghosn a été mis en examen le 10 décembre pour dissimulation aux autorités boursières d'une partie de ses revenus perçus chez Nissan: environ 5 milliards de yens (38 millions d'euros) sur cinq années, de 2010 à 2015. À l'issue de cette première garde à vue, il a fait l'objet d'un nouveau mandat d'arrêt pour une minoration similaire d'émoluments, mais cette fois entre 2015 et 2018, puis d'un troisième, pour abus de confiance. Il est notamment accusé d'avoir effectué des virements d'un compte de Nissan au bénéfice d'un ami saoudien. Lui-même nie toute malversation.
Quand Carlos Ghosn peut-il être libéré? Après des espoirs déçus en décembre, il arrive vendredi au bout de sa troisième garde à vue, mais il peut rester en prison dans l'attente de son procès ou même être arrêté sur de nouvelles charges. La longueur de sa détention étonne à l'étranger où certains s'offusquent de la dureté du système judiciaire japonais. Ses proches aussi se sont indignés. Deux de ses filles, interviewées par le New York Times, s'interrogeant sur une cabale de Nissan afin de contrer un éventuel projet de fusion avec Renault. La femme de Greg Kelly, bras droit de M. Ghosn arrêté le même jour que lui et relâché le 25 décembre sous caution, a elle aussi dénoncé "un complot international, une trahison de certains dirigeants de Nissan".
"Présomption d'innocence"
Ce scénario est réfuté par le constructeur japonais qui dit n'avoir eu d'autre choix que de "mettre fin aux graves agissements" de celui qui l'avait naguère sauvé.
Des passants regardent l'ancien patron de Nissan apparaissant dans un journal télévisé le 21 décembre 2018 à Tokyo. |
Des passants regardent l'ancien patron de Nissan apparaissant dans un journal télévisé le 21 décembre 2018 à Tokyo. Photo: AFP/VNA/CVN |
L'affaire est partie d'un ou plusieurs lanceurs d'alerte au sein du groupe, qui a mené l'enquête dans le secret pendant plusieurs mois avant de transmettre les informations au parquet, lequel a parallèlement conduit ses propres investigations. Plusieurs centaines de salariés de Nissan sont toujours mobilisés et chaque semaine ou presque, de nouveaux soupçons filtrent dans les médias. Face à cette avalanche d'accusations, Renault fait profil bas. Le groupe français a choisi pour l'heure de maintenir sa confiance à Carlos Ghosn, quand Nissan et Mitsubishi Motors se sont empressés de le révoquer de la présidence du conseil d'administration.
Le ministre français de l'Économie, Bruno Le Maire, a encore rappelé dimanche 6 janvier la "présomption d'innocence". "Une gouvernance a été mise en place" - la direction exécutive ayant été confiée provisoirement au numéro deux Thierry Bolloré - "elle fonctionne, si Carlos Ghosn devait être durablement empêché, nous en tirerions des conséquences, mais nous n'en sommes pas là aujourd'hui", a insisté M. Le Maire.
Privée de son architecte, l'alliance, qui unit les constructeurs français et japonais depuis 1999, tente tant bien que mal de surmonter la tempête. "La valeur de l'alliance en elle-même vient du travail au jour le jour. (...) Je ne pense pas qu'elle soit en danger", a assuré lundi 7 janvier le patron de la compagnie nippone, Hiroto Saikawa.
AFP/VNA/CVN