Portugal : À vélo pour nourrir les pauvres de Lisbonne

Chaque soir, l'Américain Hunter Halder (voir photo) enfourche son vélo et fait la tournée des restaurants. Il y récupère de la nourriture qu'il redistribue aux pauvres de Lisbonne, touchés de plein fouet par la grave crise économique que traverse le Portugal. Costume bleu clair, panama blanc et chaussure de tennis assorties, Hunter Halder, 60 ans, parcourt l'avenue Conde de Valbom, dans un quartier aisé du centre de la capitale. Ici, son étonnante silhouette, son vélo bleu muni de deux grands paniers - l'un à l'avant, l'autre à l'arrière - ne surprennent plus personne et les restaurants l'accueillent toujours avec le sourire.

Dans celui-ci, tout est prêt. Des boîtes en plastique remplies de pommes de terre, de riz, de semoule, de soupe ou de viande sont alignées sur un comptoir.

Hunter Halder en remplit ses paniers, laisse quelques boîtes vides pour la tournée du lendemain, salue à la ronde et remonte en selle.

"Même si les restaurants calculent au plus juste les repas qu'ils vont vendre, il en reste toujours un peu : pour nous c'est beaucoup, les gens en ont besoin", déclare l'Américain, les yeux bleus pétillant de malice, pour expliquer l'idée à l'origine de son association, crée en mars dernier et baptisée "Re-Food" (pour "rescuing good food", sauver la bonne nourriture).

"Quand j'ai commencé ce projet, j'étais seul", indique-t-il. Mais son enthousiasme a fait des émules. Quelque 80 volontaires lui viennent en aide et une trentaine de restaurants lui apportent leur soutien.

Pendant six mois "Re-food" n'a reçu aucune aide. Mais il y un mois, l'association a gagné un concours du meilleur projet de volontariat, organisé par la banque Montepio, avec à la clef une récompense de 25.000 euros.

"Ce que fait Hunter est très important en ces temps de crise. Toutes les villes devraient suivre cet exemple", indique Alexandra Silva, une bénévole qui a prêté à l'Américain le petit local qui lui sert de quartier général.

Le Portugal, qui bénéficie d'une aide internationale de 78 milliards d'euros, devrait connaître l'année prochaine une contraction de son économie de 2,8 % du PIB et le chômage atteindre 13,4 %.

Selon des chiffres officiels, environ 700.000 personnes sont sans emploi et plus de la moitié ne reçoivent aucune aide. Une situation qui préoccupe les autorités qui ont récemment mis en place un "plan d'urgence sociale" pour aider les plus démunis.

Une fois achevée la tournée des restaurants, Hunter Halder, commence les livraisons, cette fois avec une voiture prêté par un bénévole. Sur le parking d'un quartier périphérique, une vingtaine de personnes attendent l'Américain. La nourriture est déchargée. Les boîtes de plastique passent de main en main.

Hunter Halder parvient ainsi à nourrir chaque jour une centaine de personne. "Cela n'a pas un grand impact, mais cela montre qu'on peut le faire", commente-t-il.

"Sans Hunter, je ne pourrais pas vivre. Avant de le connaître, il y avait des jours où je ne mangeais pas", témoigne Celeste Castanho, 55 ans, au chômage et qui, malade, ne reçoit que 300 euros par mois pour subvenir aux besoins de sa famille.

"Notre but est de faire de Lisbonne la première ville du monde sans gaspillage alimentaire et l'objectif final est d'étendre Re-food à tous les coins de la planète", déclare fièrement Hunter Halder, installé au Portugal depuis 20 ans.

Lui aussi a connu des revers de fortune et perdu le travail de consultant qu'il avait exercé pendant plusieurs années. Re-food lui a donné à nouveau l'occasion d'aller de l'avant. "Je n'ai jamais été aussi fauché que maintenant. Mais je n'ai jamais éprouvé un tel sentiment de réussite", conclut-il dans un éclat de rire.

AFP/VNA/CVN

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