Le célèbre fondeur de cuivre de Ngu Xa à Hô Chi Minh-Ville

Dans les années 50, six familles du village du cuivre de Ngu Xa (dans la périphérie de Hanoi) ont décidé de promouvoir cet artisanat traditionnel dans la capitale économique pour le préserver. Aujourd’hui, Nguyên Vinh Hiên est l’un des derniers à encore y exercer.

À Hô Chi Minh-Ville, Nguyên Vinh Hiên conserve le métier traditionnel de son village.

Les parents et grands-parents de Nguyên Vinh Hiên ont quitté en 1955 le village de Ngu Xa (quartier de Ngu Xa, arrondissement de Ba Dinh, Hanoi d’aujourd’hui) . L’enfant avait alors trois ans. Ils se sont installés dans le quartier de Công Bà Xêp (Hoa Hung, 3e arrondissement actuel de Hô Chi Minh-Ville) pour gagner leur vie. Cinq autres familles du village de Ngu Xa les ont également rejoints. Ils ont construit ensemble leur carrière et ont promu l’artisanat traditionnel du cuivre à cet endroit, en vendant des objets typiques de leur localité d’origine. M. Hiên a ainsi commencé à apprendre son métier. Il avait sept ans.
Aujourd’hui, l’homme a quelque 60 printemps et n’a plus l’énergie d’antan. Pourtant, avec sa femme Vu Thi Mui, ils s’efforcent de préserver ce noble métier. À Hô Chi Minh-Ville, le couple continue de travailler. Ils ont conservé minutieusement leurs outils de transformation et de coulage du cuivre, ainsi que leurs créations. Des objets ciselés et gravés avec la plus grande dextérité, portant ainsi la marque du village Ngu Xa et de la citadelle de Thang Long d’autrefois.
Le moulage du cuivre façon Ngu Xa
Les artisans de Ngu Xa sont reconnus pour leur habilité, leur imagination, leur précision et leur sens de la retenue, mais ils recèlent également de nombreux secrets de fabrication, avec l’expérience qu’ils ont acquise depuis plusieurs générations. Ils sont particulièrement compétents dans les étapes initiales (préparation des moules, fonte et coulage).
Selon M. Hiên : «Nous sommes nés à Ngu Xa, donc, nous connaissons bien notre profession et nous préservons du mieux possible les aspects fondamentaux de cet artisanat. Aujourd’hui, nous continuons à créer de nouveaux moules en terre glaise et tout est fait à la main. Chaque produit fabriqué est unique».
Le village travaille toutes sortes de cuivre, y compris les rouges de très grande valeur. En son temps, la famille de M. Hiên a beaucoup investi dans l’installation d’un immense four et de deux plus petits pour le moulage et la création de formes. De nombreux apprentis avaient alors été embauchés pour fondre les centaines de kilo du précieux métal. Aujourd’hui, le quartier où réside M. Hiên et sa famille est considéré comme un «petit Ngu Xa».
D’après Nguyên Vinh Hiên, un bon fondeur de cuivre doit connaître parfaitement toutes les phases de production : technique de création de modèles et de formes, préparation, fonte, versement du cuivre dans le moule, correction, gravure et propreté.
L’étape la plus difficile semble être celle de la création de moules, tant ce travail est minutieux. Même si, notons-le, y verser le cuivre demande une certaine pratique et une attention toute particulière. Enfin, les températures de fusion varient avec les différentes variétés de cuivre. Certains seront chauffés au bois (entre 500oC et 600oC) alors que d’autres - comme les cuivres rouges purs - seront fondus avec du charbon (800oC). Trois à cinq heures sont nécessaires parfois selon les quantités.

La statue Guanyin, réalisation de l’artisan Nguyên Vinh Hiên.

Ngu Xa est spécialisé dans les statues, même si chacune d’entre elle représente un nouveau défi pour les artisans. La subtilité étant de donner aux personnages, et notamment aux Bouddhas, une «âme» et une émotion. Réaliser une statue d’environ 50 cm demande environ un mois, l’étape du moulage occupant la moitié de ce temps. À côté, créer des objets de la vie quotidienne reste pour eux un vrai jeu d’enfants.
À la recherche d’un héritier
La société a évolué et comme chacun sait, bon nombre de métiers traditionnels risquent de disparaître face à des productions plus rentables. De fait, le cuivre laisse progressivement la place à d’autres métaux. Nguyên Vinh Hiên a enseigné ce métier à ses enfants qui ont choisi d’autres voies, davantage lucratives. À Hô Chi Minh-Ville, il est donc le seul à vendre le savoir-faire de son village. Il a indiqué : «Actuellement, beaucoup de clients arrivent chez moi pour passer commande mais nous ne prenons que celles des habitués. Chaque mois, nous faisons une ou deux statues qui nous rapportent autour de 8 millions de dôngs. C’est suffisant pour vivre».
Selon des traditions ancestrales, il n’est pas permis d’enseigner cet artisanat à des personnes extérieures à la famille. Mais M. Hiên a tout de même formé de jeunes apprentis, qui sont partis à cause de la pénibilité du travail ou de leur impatience. «Mon problème actuel est de ne pas trouver d’héritier. Je vais devoir prendre ma retraite d’ici deux ans pour des raisons de santé, et je regretterais amèrement ne pas pouvoir transmettre mes savoir-faire acquis au cours de toutes ces années avant de partir. Toutefois, afin de faire connaître ce métier, je vais rédiger un livre qui mettra en avant les techniques et les secrets de fabrication. L’objectif : s’initier à cette activité et être capable de la mettre en pratique à la simple étude de l’ouvrage».
Actuellement, les nouvelles technologies et les machines ouvrent une voie bien plus moderne à la profession, même si les produits artisanaux restent inéluctablement un gage de qualité, et reflètent une certaine idée de l’artisanat propre au village de Ngu Xa.

Texte et photos : DANG HUONG/CVN

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