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Il s’agit d’un instrument de musique que l’on pourrait qualifié d’extraordinaire, qui diffère de la guitare acoustique normale par quelques différences de taille : bien plus grand, 24 cordes au lieu de 6, 24 clefs et pas de frettes. L’instrument pèse 8 kg tout de même, donc pas question d’en jouer en bandoulière. Ngô Huu Huynh l’a juste inventé pour en jouer d’une main, assis dans son fauteuil roulant.

Ngô Huu Huynh et sa guitare à 24 cordes.

Dans la commune de Lôc Châu, Ngô Huu Huynh, 51 ans, est appelé amicalement «le tourneur – guitariste». Car, malgré son handicap lourd, Huynh est tourneur sur bois (spécialiste des toupies) et maîtrise parfaitement son instrument. Il habite une petite maison qui fait aussi office d’atelier de tournage. «Comme la musique, le travail me donne la joie de vivre. Ces jolies toupies évoquent en moi de beaux souvenirs de jeunesse», confie-t-il.
À des visiteurs venus le voir, Huynh demande de poser sa guitare sur les deux bras de son fauteuil roulant, le manche reposant sur une table à côté. «Cette guitare, je l’ai fabriquée il y a 25 ans. Chaque corde donne une note. Au début, elle pouvait en produire 24. Ensuite, j’ai fixé une barre horizontale en aluminium faisant office de frette et elle peut en donner 48», explique-t-il fièrement. Sous chaque corde, il a fixé des lettres : A, B, C, D … (qui correspond aux notes, ndlr) pour en jouer plus facilement. Et de sa main droite, la seule valide, il pince rapidement les cordes. S’élève alors l’air d’une chanson d’amour bien connue, qui fait vibrer le cœur des auditeurs.
Ma vie a un sens grâce à la musique et au travail

Huynh a eu une enfance tout ce qu’il y a de plus normale. Malheureusement, à l’âge de 17 ans, une encéphalomyélite foudroyante lui fait perdre l’usage de ses jambes et de sa main gauche. «Pour moi, c’était la fin de tout, de mes rêves, de mes ambitions et de mes projets. Que faire de ma vie maintenant, avec un seul bras ?» Une question lancinante pour le jeune homme. Après des années d’efforts pour réapprendre en vain à marcher avec une béquille, Huynh a dû se résoudre au fauteuil roulant. Bien décidé à ne pas être «un homme inutile», il s’est fixé deux buts: pratiquer un métier simple - celui de tourneur, et faire de la musique, sa passion. «C’est dans de telles épreuves que l’on fait preuve d’énergie, de créativité, d’aspiration à la vie».

Huynh répare sa guitare.

Huynh a d’abord adapté un tour artisanal de manière à pouvoir l’utiliser d’une main. Il peut ainsi façonner des toupies en bois qui non rien à envier à celles sorties d’un atelier plus professionnel. Et puis, il a confectionné sa fameuse guitare. «La guitare a toujours été pour moi une amie intime. Autrefois, avant d’être handicapé, j’en jouais très bien, à tel point que les enfants du village m’appelaient +l’artiste guitariste+. Ils venaient aussi me voir pour me demander de réparer leur instrument», se rappelle-t-il. Sa passion pour la musique ne s’est pas émoussée à cause de son handicap, bien au contraire. Après de mûres réflexions, Huynh a décidé de fabriquer lui-même une guitare de 24 cordes, pour pouvoir en jouer d’une main. Elle lui a demandé six mois de travail, à quoi se sont ajoutés quatre mois d’entraînement avant de la maîtriser.
La guitare de Huynh est connue bien au-delà de son seul quartier résidentiel. Plus d’une fois, le guitariste amateur a été invité à venir se produire dans des fêtes locales. Avec un large sourire, il se souvient d’un «moment inoubliable» lors d’un spectacle de l’Association municipale des handicapés auquel il avait été convié à participer : «En voyant ma guitare si étrange, de nombreux curieux se sont approchés et l’ont tripotée. Quand je suis monté sur scène je me suis aperçu, un peu tard, qu’elle était complètement désaccordée ! J’ai rougi de honte tellement ma prestation a été piteuse !».
Après quoi, Huynh a mis un mois entier à la raccorder. «Je m’estime plus heureux que bon nombre d’autres handicapés. Ma vie a un sens. J’ai un travail que j’aime et une +amie intime+ pour épancher ma mélancolie», conclut-il.