Le pays a un peu la gueule de bois ! Il faut dire qu’en moins de deux mois, entre Têt Tây (Nouvel An solaire) et Têt Ta (Nouvel An lunaire), les occasions de se retrouver en famille autour de repas bien arrosés n’ont pas manquées. Et d’ailleurs, quoi de plus beau pour cette sortie de fêtes que la plus belle : celle des amoureux, la Valentine, comme on dit ici. Celle-ci est une des dernières que le Vietnam a accrochées à son calendrier de joyeusetés annuelles, et c’est seulement depuis trois ou quatre ans que les petits cœurs rouges, symbole de l’amour passionné, s’invitent le 14 février sur les magasins, les restaurants et les hôtels. Petite escapade au pays de l’amour en fleurs...
La rue regorge de fleurs de Valentin. |
Amours contrariés...
Ici encore, les Vietnamiens et les Vietnamiennes ont beaucoup de chance. Non seulement ils profitent du rituel de la Saint-Valentin, le 14 février, pour se susurrer des mots doux et s’offrir des cadeaux, mais encore ils remettent le couvert lors de la fête des amoureux le dixième jour du deuxième mois lunaire. Ce sera le 21 mars pour cette année reptilienne ! Si nombreux sont ceux qui s’envoient à la figure des mots tendres en ces occasions, rares sont ceux qui connaissent vraiment l’origine de ces fêtes. Pour la Saint-Valentin, la tradition veut qu’à une époque où l’Empereur des Romains, Claude, voyait le mariage d’un mauvais œil, car transformant ses soldats en de ronronnants maris, un certain Valentin, prêtre de son état, encourageait les amoureux à se marier en cachette. Victime de l’ire impériale, il est emprisonné, tombe amoureux de la fille aveugle de son geôlier, et juste avant d’être décapité lui offre des feuilles en forme de cœur avec le message suivant : DE TON VALENTIN ! C’est beau comme un scénario de film pour midinettes... Et moi qui croyais que l’amour rend aveugle !
Pour la fête de mars, la fête de Chu Đông Tu – Tiên Dung, c’est une autre histoire tout aussi romantique... Sous le règne du roi Hùng le 18e, la jolie princesse Tiên Dung adorait voyager. Un beau jour de printemps, alors qu’elle avait déjà atteint l’âge de se marier, sa flotte de bateaux l’amena à la plage de Tu Nhiên, au bord du fleuve Rouge. Éprise par la beauté sauvage du site, la princesse ordonna à ses servantes de dresser une tente dans laquelle elle prendrait un bain. L’eau coula à flot sur le sable, dévoilant un corps d’homme, dans le plus simple appareil ! Le jeune homme lui dit qu’il se nommait Chu Đông Tu, qu’il était orphelin et pêcheur et qu’en voyant les bateaux approcher, il avait eu tellement peur qu’il avait décidé de s’ensevelir sous le sable.
Le commerce sur le trottoir. |
L’histoire du jeune homme (seulement l’histoire ?) émut profondément la princesse d’autant plus qu’elle se persuada que le destin avait joué son rôle dans cette rencontre inopinée. Elle invita alors le jeune chanceux à monter sur son bateau, organisa un banquet en son honneur et se maria avec lui. De ce jour, les jeunes époux ne quittèrent plus cette fameuse plage. Ils aidèrent les habitants des alentours à défricher des terres et à créer de nouveaux villages. Mais un courtisan zélé a soufflé à l’oreille du roi que sa fille et son mari fomentaient une rébellion, et le roi a alors envoyé des troupes pour les réprimer. Ne voulant pas s’opposer au roi, Chu Đông Tu et Tiên Dung se sont envolés au ciel, laissant derrière eux un bâton et un chapeau conique magiques.
Même si l’histoire se termine un peu mieux, il n’en reste pas moins que pour Valentin comme pour Chu Đông Tu, la vie amoureuse n’était pas un long fleuve tranquille ! De quoi encourager les amoureux, qui se bécotent sur les bancs publics sous les flamboyants, à profiter le plus possible de l’être cher.
Amours fleuris...
Mais justement, puisque j’évoque les amoureux d’aujourd’hui, je ne peux m’empêcher de penser à tous ces présents qu’il est coutume de s’échanger lors de ces heureux événements. Quoique le mot «échanger» soit sans doute un peu exagéré. Car dans ce terme, on imagine plutôt une transaction bilatérale. Or, force est de constater qu’en l’occurrence, c’est surtout l’amoureux transi qui offre un cadeau à sa belle, laquelle le remercie en lui offrant, au pire un joli sourire, au mieux ses lèvres brûlantes, voire davantage..., ce qui au fond peut être perçu comme un don précieux !
Fête de Chu Dông Tu-Tiên Dung, à Hanoi. |
Pour accéder à ce 7e ciel, la première marche la plus fréquente est la rose rouge, symbole de l’amour passion. C’est d’ailleurs tellement fréquent que ça en devient banal. Donc, par solidarité masculine, souffrez que je propose d’autres fleurs à votre arsenal amoureux : le cyclamen, fleur sacrée de l’amour au Japon et sensée stimuler la libido (belle aubaine), le tournesol, symbole du dévouement inconditionnel, le jasmin rouge, image d’un amour à la folie, le saponaire qui signifie un amour sensuel..., pour n’en citer que les principales.
Et pour les amoureux un peu anxieux, se faire un bouquet composé de toutes ces fleurs et d’autres encore est, on ne peut plus facile : à chaque fête d’amoureux, les fleuristes envahissent les trottoirs, et débordent même jusque dans la rue. D’ailleurs, circuler un soir de St Valentin à Hanoi revient à circuler à Paris par une soirée enneigée : impossible d’avancer autrement qu’au pas, en zigzaguant entre les files de motos installées devant les étals de fleurs. Se souvenant brusquement que ce soir-là, il ne doit surtout pas y avoir de fausses notes, de nombreux maris, amants, amoureux insouciants, achètent en catastrophe LA fleur qui leur permettra d’entrer chez eux triomphants, nimbés d’une aura de héros qui, malgré les vicissitudes de la vie quotidienne, n’oublie pas celle pour qui bat son cœur... pour le plus grand plaisir de tous, et surtout du fleuriste !!!
Laissons-les retrouver leurs aimées, la fleur à la bouche, et la prochaine fois, je vous conduirai dans une ville pour amoureux nantis, où rubis et saphirs pleuvent comme pluie d’été...
Gérard BONNAFONT/CVN