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LVMH avait annoncé fin 2019 vouloir racheter Tiffany pour 16,2 milliards d’USD. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Le mariage à 16,2 milliards d’USD des deux groupes, annoncée en grande pompe fin 2019, s'annonçait comme l'union du siècle dans le monde du luxe. Mais la romance a commencé à tourner court quand LVMH a estimé début septembre n'être "plus en mesure" d'acquérir "en l'état" Tiffany, qui a aussitôt porté plainte.
En réponse, le groupe de Bernard Arnault, propriétaire de Louis Vuitton, Dior et des champagnes Moët & Chandon entre autres, a déposé lundi soir 28 septembre ses conclusions auprès d'une Cour de Justice du Delaware. "Le groupe est confiant dans sa capacité à démontrer que les conditions de réalisation de l'acquisition ne sont pas réunies et que les arguments fallacieux soutenus par Tiffany sont totalement infondés", souligne LVMH dans un communiqué mardi 29 septembre.
Le groupe avait déjà annoncé son intention de ne pas en rester là et de saisir à son tour la justice américaine. Il a donc mis à exécution cette menace lundi 28 septembre en déposant un nouveau document auprès du tribunal. Le joaillier a riposté dans la journée, estimant une nouvelle fois que la société française ne cherchait qu'à se soustraire à ses engagements et à ne pas payer le prix sur lequel ils s'étaient mis d'accord.
"Tiffany a agi en complète conformité avec l'accord de fusion, et nous sommes convaincus que la Cour en conviendra lors du procès", a commenté le président du conseil d'administration Roger Farah, cité dans un communiqué.
Une lettre au cœur des débats
L'un des points central du dossier porte sur une clause juridique définissant une "situation significativement défavorable", connue sous le nom anglais de Material adverse effect (MAE). Pour LVMH, "la pandémie – dont les effets pour Tiffany sont catastrophiques et durables – constitue indéniablement une situation significativement défavorable". L'accord signé en novembre 2019 inclut cette clause "pour autant que l'événement invoqué au titre de cette clause n'ait pas été explicitement exclu par les parties", détaille le groupe.
Or "l'absence de la mention d'une exclusion de la pandémie dans la définition de l'événement significativement défavorable dans l'accord conclu avec Tiffany est indiscutable", souligne le géant du luxe. Si certains événements "tels que les cyber-attaques, le mouvement des gilets jaunes ou encore les manifestations à Hong Kong" avaient été prévus, ce n'est pas le cas d'une crise sanitaire "alors que des centaines d'accords de fusion réalisés ces dix dernières années prévoient cette mention spécifique", complète le communiqué.
Le groupe prend en outre l'exemple d'un contrat à 6,8 milliards de dollars, "exécuté la veille" de celui avec LVMH, et négocié par les avocats représentants Tiffany, qui prévoyait cette exclusion. Pour Tiffany, LVMH se fourvoie complètement : l'invocation de cette clause "ne repose sur aucun élément factuel, contractuel ou juridique".
Et si le joaillier a bien encaissé des pertes au cours d'un trimestre, il a retrouvé sa rentabilité "et prévoit des résultats au quatrième trimestre en 2020 supérieurs à ceux de la même période en 2019". Le versement d'un dividende élevé au moment où l'entreprise subissait des pertes fait également partie des reproches adressés par LVMH au joaillier américain. Mais ces paiements étaient "prévus par l'accord", rétorque Tiffany en soulignant n'avoir jamais suspendu ou réduit ses dividendes depuis près de 33 ans.
Une lettre du ministre des Affaires étrangères français est également au cœur des débats. LVMH avait brandi cette missive de Jean-Yves Le Drian lui demandant de différer l'acquisition au regard de la guerre commerciale en cours avec les États-Unis pour justifier son retrait. Le ministre a par la suite assuré devant les députés français avoir avec ce courrier "répondu à une demande du groupe LVMH." Cette sollicitation enfreint clairement l'accord passé entre les deux groupes, estime Tiffany, qui affirme n'avoir jamais vu la version originale de cette lettre malgré des demandes répétées.
Dans la journée mardi 29 septembre, LVMH a par ailleurs indiqué avoir reçu le feu vert des autorités de la concurrence de Taïwan, l'avant-dernière qui leur manquait avant celle de l'Union européenne attendue en octobre, qui démontre selon eux que le groupe a bien rempli toutes ses obligations au titre du contrat. La justice américaine a fixé la semaine dernière au 5 janvier 2021 la date du procès devant opposer les deux groupes, en suggérant toutefois aux deux parties de renouer le dialogue.
AFP/VNA/CVN