Aux yeux de Duong Van Hoà, directeur général adjoint du Groupe national des industries du charbon et des minerais du Vietnam (Vinacomin), les districts de Bao Lâm (province de Lâm Dông) et de Dak R'lâp (province de Dak Nông) ont presque "fait peau neuve" depuis 2005, année où il a mis pour la première fois les pieds dans le Tây Nguyên. "C'étaient des contrées désertes il y a 4 ans. Actuellement, elles sont beaucoup plus animées", observe-t-il.
Qu'est-ce qui a bien pu changer autant la physionomie de ces 2 localités reculées ? C'est la mise en oeuvre du projet de complexe bauxite-aluminium de Lâm Dông à Bao Lâm et la préparation du projet d'usine de production d'alumine de Nhân Co à Dak R'lâp.
Des richesses minières inexploitées
Le monde traverse actuellement une difficile période de récession économique. Intégré de plus en plus profondément à l'économie internationale, le Vietnam doit subir les effets inéluctables de cette conjoncture économique pour le moins défavorable.
Face à cette situation et avec l'ambition de faire du Vietnam un pays industrialisé en 2020, le politburo du PC vietnamien a rendu publique le 24 avril 2009 sa décision de prospection, d'exploitation, de transformation et d'utilisation de la bauxite pour la période 2007-2015.
En effet, développer l'industrie de l'aluminium est une option en accord avec les 9e et 10e Congrès du Parti, au service du développement économique national en général et de l'essor socio-économique des hauts plateaux du Centre en particulier. Cette opportunité est liée à la demande croissante d'alu- minium au niveau mondial et ce malgré l'impact de la crise financière.
Or, la bauxite est une argile rouge qui renferme souvent des nodules bruns ferrugineux. Elle est très riche en oxyde d'aluminium et est exploitée comme minerai d'aluminium. Et nul n'ignore que le Tây Nguyên recèle de nombreuses ressources minières, dont la bauxite. Depuis 1977, les géologues vietnamiens coopèrent avec leurs collègues étrangers dans l'évaluation des réserves de ce minerai.
Plus de 90% des réserves nationales de bauxite
Selon les estimations, la réserve nationale de bauxite serait de 6,3 milliards de tonnes, dont 5,2 milliards de tonnes de minerai brut sur les hauts plateaux du Centre, plaçant le pays au 3e rang mondial dans ce domaine. Les seules provinces de Lâm Dông et Dak Nông (cette dernière détiendrait 80% des réserves nationales) en contiendraient déjà 4,3 milliards de tonnes. Les gisements ont une épaisseur moyenne de 4-5 m, répartis entre le sommet et les pentes des montagnes et collines, sous une couverture de terre de zéro à 3 m, ce qui est favorable à une exploitation à ciel ouvert et à coût réduit.
Selon le calcul, 4,3 milliards de tonnes de minerai brut donneraient environ 1,8 milliard de tonnes de minerai raffiné. La production d'une tonne d'aluminium demande 2 tonnes d'alumine, chaque tonne d'alumine nécessitant 2,5 à 2,7 tonnes de minerai, il faut donc 5 à 5,4 tonnes de bauxite pour obtenir une tonne d'aluminium, soit un rendement d'environ 20%.
Deux projets grandioses
Pour faire de l'industrie de l'aluminium un secteur économique majeur du pays en 2020, contribuant ainsi à la croissance économique rapide, le gouvernement a chargé Vinacomin d'assurer les 2 premiers projets au Tây Nguyên, l'un à Bao Lâm (Lâm Dông) et l'autre à Dak R'lâp (Dak Nông)
Le premier, dit projet Tân Rai, doit être réalisé de 2006 à 2010. Il consiste à exploiter le gisement, d'une capacité annuelle de 4,318 millions de tonnes de bauxite humide (soit 3,406 millions de tonnes de minerai brut sec), et à construire 2 usines de triage du minerai raffiné (plus de 1,6 million de tonnes par an) et de production d'alumine (600.000-650.000 tonnes/an). L'alumine est cet oxyde contenu dans la bauxite. C'est la principale matière première qui permettra la fabrication de l'aluminium métal par un procédé d'électrolyse. Le deuxième, projet Nhân Co, dont les travaux devraient prochainement démarrer, porte sur la construction d'une usine d'alumine de même capacité annuelle (600.000-650.000 tonnes).
De multiples effets envisages
À cet effet, le groupe Vinacomin a procédé à une analyse financière de ces 2 projets, dans l'hypothèse où le prix de vente du produit et la valeur d'investissement fluctuent en fonction de l'inflation et de la récession économique mondiale. Il a intégré les investissements nécessaires à la protection de l'environnement et les mesures sociales d'accompagnement, en conformité avec les normes nationales et internationales, ainsi que les moyens indispensables pour garantir le bien-être social des populations locales. En final, le retour sur investissement pour ces 2 projets pilotes sera de 10 à 15 ans.
Par ailleurs, le groupe a signé avec une société étrangère un accord de principe d'exportation à long terme (30 ans) d'alumine provenant de ces 2 projets. Il examine et étudie un plan de coopération avec des sociétés étrangères pour investir, par de l'alumine vietnamienne, dans l'électrolyse de l'aluminium dans des pays où le coût de l'électricité est à peu onéreux. En outre, les compagnies étrangères désireuses de coopérer avec Vinacomin dans la production d'alumine au Vietnam se sont engagées à acheter les produits.
Moteur du développement économique local
Mais,"le plus important, c'est que ces projets permettront de créer des milliers d'emplois sur place, notamment en faveur des minoritaires eth- niques", souligne Trân Van Hiêp, membre du comité provincial du Parti de Lâm Dông et secrétaire de celui du district de Bao Lâm. Chaque projet, d'une capacité annuelle de 0,6-0,65 million de tonnes d'alumine, devrait ainsi créer environ 2.000 emplois directs et des milliers d'autres associés dans les services, l'agriculture, la sylviculture, l'économie familiale, les métiers traditionnels..., dégageant une recette de 150-200 millions de dollars par an (impôts sur les ressources naturelles, utilisation du terrain, revenu individuel et de l'entreprise, taxes de protection de l'environnement...). "Je fonde un gros espoir en ce projet qui devrait nous permettre de reverser chaque année de 200 à 300 milliards de dôngs au budget local", insiste M. Hiêp.
Pour Duong Van Hoà, directeur général adjoint de Vinacomin, ces projets seront un "puissant levier" pour d'autres activités commerciales dans la région, créant ainsi une série de services à valeurs ajoutées en faveur des budgets locaux et national. En même temps, ils "contribueront à donner une nouvelle physionomie à la région grâce aux gisements, usines, voies de communication, écoles, postes médicaux, établissements culturels, sportifs...", estime-t-il.
Depuis des millénaires, le Tây Nguyên dormait sur une richesse insoupçonnée. Il est temps que celle-ci lui permette de devenir une région phare pour le pays.
Nguyên Hông Nga/CVN
(06/12/2009)