Pour les pays en développement, ce sont de puissants moteurs qui peuvent leur permettre de prendre leur essor et de trouver place dans le concert des grandes nations. Mais au Vietnam, l'investissement dans ce secteur prometteur n'est pas à la hauteur des potentialités.
Aujourd'hui, il n'est pas un secteur de l'économie et de la société qui n'utilise les logiciels : santé, banque, éducation, commerce, agriculture, arts, et surtout communication. Rien ne leur échappe. Cette informatisation de la société va de pair avec une évolution technologique permanente. Chaque jour apporte un progrès nouveau dans l'exploitation de logiciels toujours plus performants. D'où la nécessité d'investir pour rester à la pointe de ces spécialités.
Selon les statistiques actualisées fin 2008 par Gartner, une entreprise américaine de conseil et de recherche dans le domaine de la technologie, le marché du matériel mondial a diminué d'environ 15%, dont des baisses respectives de 46% et 25% pour les semi-conducteurs et les puces... Par contre, le marché du logiciel est resté stable. Les dépenses dans l'éducation et la santé ont même régulièrement augmenté, y compris lors de la récession économique mondiale. Dans cette situation, les technologies de l'information constituent un moyen efficace, qui permet aux entreprises de réduire leurs dépenses, d'élever l'efficience de leur production et de leur commerce, d'augmenter leur compétitivité... C'est pourquoi, les entreprises étrangères non seulement ne réduisent pas les dépenses dans le secteur des technologies, mais encore investissent de façon conséquente dans leurs applications.
Pour ce qui est du Vietnam, environ 150 entreprises sont spécialisées dans la sous-traitance du logiciel destiné à l'exportation. La plupart emploient de 100 à 150 travailleurs en moyenne, certaines en recrutent un millier comme FPT software, FPT Information Systems, TMA... "Aucun autre secteur économique ne recèle des potentialités aussi prometteuses dans les 15-20 prochaines années que l'industrie du logiciel et les services informatiques", affirme le Docteur Nguyên Trong, ex-président de l'Association des informaticiens de Hô Chi Minh-Ville.
La main-d'oeuvre, élément décisif
Selon lui, ce secteur national, qui compte environ 30.000 travailleurs, possède actuellement de nombreux atouts : stabilité du marché du logiciel mondial, suppression du monopole des télécommunications, forte hausse du nombre d'abonnés au téléphone et à l'internet, développement vigoureux des infrastructures de l'internet haut débit... Le secteur a réalisé un chiffre d'affaires de 681 millions de dollars en 2008, soit 0,4% du PIB national. L'an dernier, alors que la plupart des autres secteurs économiques ont rencontré des difficultés à cause de la récession économique mondiale, ses recettes ont augmenté de 87% et ce secteur a obtenu un profit moyen sur investissement d'environ 25%. La sous-traitance du logiciel pour l'exportation a rapporté 118 millions de dollars (+ 47%). Le Vietnam peut, à juste titre, s'enorgueillir d'un savoir-faire largement reconnu dans le monde entier et d'une image, dans le domaine de l'informatique, qui acquiert de plus en plus de prestige. Pourtant, les entreprises domestiques obtiennent essentiellement des contrats de sous-traitance peu exigeants sur le plan technique, car la qualification professionnelle et la qualité de la main-d'oeuvre vietnamienne sont limitées.
"On peut affirmer que le développement, la compétitivité et les recettes de l'industrie du logiciel et des services informatiques dépendent surtout de la qualification et de la qualité des ressources humaines", confirme le Docteur Nguyên Trong. Toutefois, d'après lui, la plupart des diplômés des technologies de l'information manquent de connaissances pratiques, de discipline de travail, de pratique de langues étrangères, d'actualisation de nouvelles technologies... Si l'on veut développer ce secteur, il est plus indispensable que jamais d'améliorer la qualité de cette main-d'œuvre. C'est un acte "décisif" qu'il faut adopter, estime M. Trong.
Et pour cause ! Selon ses prévisions, avec une croissance annuelle d'environ 50% de l'industrie du logiciel et des services informatiques, dans les 10 ou 15 années à venir, le pays devrait avoir besoin d'un million d'ingénieurs qualifiés en logiciel, aptes à travailler dans le milieu international, dans un domaine de haut niveau. Mais pour ceci, il faut investir. Petit calcul : si chaque futur ingénieur coûte environ 10.000 dollars pour sa formation selon le modèle des pays développés (y compris équipement, coopération internationale dans la formation...), d'ici 2025, l'État devra engager quelque 10 milliards de dollars. En retour, selon le Docteur Nguyên Trong, un ingénieur en logiciel au Vietnam peut générer un chiffre d'affaires annuel d'environ 13.000 dollars. S'il est bien formé, il pourra "produire" 30.000 dollars. Il suffit de 500.000 ingénieurs en logiciel qui soient efficaces (soit la moitié des personnes formées), 15 milliards de dollars seront produits en 2025. Largement de quoi compenser l'investissement initial. Pourtant, "l'enseignement et l'apprentissage professionnel dans les technologies de l'information ne bénéficient pas de politique prioritaire concrète par rapport aux autres domaines...", observe M. Trong.
Selon l'orientation fixée par le ministère de l'Information et de la Communication, en 2015, le Vietnam devrait figurer parmi les 70 pays les plus développés en technologies de l'information. Pour cela, aux yeux de M. Trong, l'État devrait porter l'industrie du logiciel et les services informatiques à une nouvelle hauteur, celle d'une industrie clef, capable de transformer les potentialités de l'intelligence des Vietnamiens en fortes ressources pour le pays. Mais l'État n'est pas le seul à devoir consentir des efforts : les entreprises doivent également accompagner cet enrichissement des compétences, dont elles sont à terme, les bénéficiaires. "Ce secteur attend toujours des politiques d'assistance énergiques de l'État, ainsi que la participation active des entreprises dans la formation de la main-d'œuvre à la demande de la société", conclut le Docteur Nguyên Trong.
Le défi est à la mesure des résultats escomptés : gigantesque ! Mais c'est aussi le prix à payer pour que le Vietnam soit réellement à la hauteur des enjeux du 21e siècle.
Formation à la demande
Lors du colloque "Panorama des technologies de l'information et de la communication", tenu mi-juillet à Hô Chi Minh-Ville, le vice-Premier ministre Nguyên Thiên Nhân, président du Comité de pilotage national des technologies de l'information, a affirmé le soutien et l'assistance financière du gouvernement à la formation de la main-d'oeuvre dans ce secteur. Le problème, selon lui, c'est de trouver un modèle d'apprentissage approprié pour que la formation soit réellement efficace. "Pour avoir des ressources humaines qualifiées, les entreprises ne doivent pas se tenir à l'écart en se plaignant, mais elles doivent passer commande directement aux établissements de formation, être côte à côte avec l'État et les écoles dans la formation de la main-d'oeuvre des technologies de l'information", a appelé le chef adjoint du gouvernement.
Hoàng Minh/CVN
(23/08/2009)