Au coeur du vignoble de Saint-Emilion, les visiteurs français et étrangers se pressaient à Château Fonroque, grand cru classé de Bordeaux, pour déguster le millésime 2009 de 38 propriétés biodynamiques de toute la France et d'Allemagne à l'occasion de la semaine des primeurs, qui s'achève ce week-end à Bordeaux (Ouest).
C'est la quatrième année consécutive que les biodynamiques font leurs primeurs mais cette année le millésime enthousiaste les acheteurs et l'engouement pour la viticulture douce et l'influence des planètes sur les vignes va crescendo. "Le côté baba cool, post-soixante-huitard, c'est révolu", déclare Christophe Ehrhart, vigneron et président du domaine Josmeyer en Alsace (Est), "on sent maintenant un vrai frémissement pour la biodynamie", qui vise à "amener l'équilibre du terrain dans la bouteille". "C'est un phénomène mondial, une véritable lame de fond irréversible", renchérit Alain Moueix, propriétaire de Château Fonroque, biodynamique depuis 7 ans, et président de l'Association de grands crus classés de Saint-Emilion. "Ce mouvement de fond est à pondérer pays par pays", ajoute Thierry Valette, propriétaire de Clos Puy Arnaud dans les côtes de Castillon (Gironde, Ouest). Il y a des marchés qui "frémissent" comme le Japon et les États-Unis où le "green" est à la mode, et d'autres qui restent hermétiques comme la Chine ou la Russie, "en pleine mutation industrielle pour lesquels la pollution n'est pas le premier souci".
Pour le négociant bordelais Jean-Christophe Estève, "les viticulteurs commencent à se rendre compte que le bio est un argument de vente intéressant".
À Bordeaux, une dizaine d'entre eux sont biodynamiques (utilisation de pulvérisations à base de plantes et respect du rythme des astres), une cinquantaine d'autres ont obtenu le label bio "mais il y en a beaucoup plus en cours de conversion", selon M. Estève.
Le bordelais "se met à bouger", estime M. Valette : 5% des crus prestigieux expérimentent la viticulture bio ou biodynamique.
Il y a, selon lui, à peine 4% de viticulteurs bios dans le monde et moins d’un pourcent de biodynamiques. "Très clairement, la viticulture n'est pas entrée assez tôt dans ce créneau porteur", souligne Laurent Gapenne, président de la fédération des grands vins de Bordeaux. "Il y a un décalage entre la demande du consommateur et la prise de conscience de la filière", juge aussi M. Valette, convaincu que certains crus bios et biodynamiques "écrasent au niveau gustatif énormément de grandes marques".
Pour M. Ehrhart, "le grand risque c'est que les gens se lancent par pur opportunisme et fassent fi de ce qu'il y a dans la bouteille".
Avec peu de viticulteurs bios, "le marché risque de se retrouver rapidement avec des hausses de prix considérables", avertit aussi M. Gapenne.
AFP/VNA/CVN