"J'aime la musique de Chopin, elle est pour moi si belle et nostalgique, elle est très pure et passionnée. C'est pourquoi j'ai voulu vivre à Varsovie, vivre en Pologne", explique Aya Gokita, 27 ans, élève japonaise de piano.
Aya est parmi une quarantaine d'étudiants japonais et coréens de l'Université musicale Frédéric Chopin de Varsovie, où elle étudie depuis un an et compte rester encore une année ou 2. "En Corée, le plus important est la technique. Je pense que la technique est importante, mais ce qui l'est plus encore, ce sont mes émotions", dit sa collègue sud-coréenne Jeong Soojin, 22 ans, elle aussi venue pour le compositeur franco-polonais dont le bicentenaire de la naissance sera fêté l'an prochain. "Chopin touche dans l'âme de ces peuples des cordes dont beaucoup ignorent l'existence", estime Ewa Izykowska, professeur de chant à l'Université Chopin, qui a enseigné 4 ans en Corée du Sud. "Sous un masque de pure convention sociale, les émotions bouillonnent, ce sont des gens pleins d'ardeur, de passion", s'exclame Mme Izykowska, aussi directrice adjointe de l'école polono-coréenne de musique créée il y a 10 ans avec l'Université Keimyung.
Violon, piano, composition, chant ou violoncelle : les élèves de ce programme passent 3 ans en Corée du Sud puis 2 en Pologne.
Certains décident de rester pour étudier encore quelques années supplémentaires, une fois leur diplôme en poche.
L'Université Frédéric Chopin n'a pas de programme équivalent avec le Japon mais les étudiants japonais, presque tous pianistes, sont près d'une vingtaine.
D'autres écoles polonaises développent leurs contacts avec les pays d'Asie. Les académies de musique de Gdansk (Nord) et de Lodz (Centre) préparent des programmes d'accueil d'étudiants de Chine, où la pratique de la musique classique est aussi en plein essor. Le conservatoire de Cracovie (Sud) compte une vingtaine de Chinois et ils sont une quinzaine à Poznan (Ouest). "Beaucoup d'entre eux, les pianistes par exemple, veulent venir en Pologne pour sentir, respirer l'atmosphère du pays où vivait Chopin. C'est alors qu'ils ont l'impression de bien jouer ses mazurkas. Et c'est un peu le cas effectivement!", estime Mme Izykowska.
L'autre atout de la Pologne, dit-elle, est son passé fait d'invasions et de partages par ses voisins germaniques et russes, qui l'ont placée au carrefour des cultures de l'Europe orientale et occidentale.
Plus concrètement, les étudiants asiatiques suivent généralement un professeur polonais rencontré dans leur pays, ils sont aussi attirés par le concours international de piano Frédéric Chopin qui a lieu tous les 5 ans, note Monika Kolenda, une responsable de la section étrangère de l'Université musicale.
Quant à une carrière, la réalité est dure. S'il est très difficile de s'imposer en Europe, les opportunités en Pologne sont embryonnaires pour les Asiatiques. "Pour le travail, la Pologne ne s'ouvre pas. Il est difficile pour nous de trouver du travail", dit l'élève de chant sud-coréenne Kim Ae-Ran, qui s'apprête à devenir assistante pédagogique du programme polono-coréen. Mais "il y aura de plus en plus de musiciens asiatiques, du fait de leur exceptionnelle détermination et de leur volonté de se battre, qualités indispensables à un artiste", estime Mme Izykowska.
AFP/VNA/CVN