"Aujourd'hui, si nous devions résumer nos principales innovations et voies de recherche, je parlerais de l'acte robotique à distance, de la planification et de la réalité augmentée, de l'automatisation et de la chirurgie sans cicatrice", explique le professeur Jacques Marescaux, chef du service de chirurgie digestive aux hôpitaux universitaires de Strasbourg et fon- dateur de l'Institut de recherche contre les cancers de l'appareil digestif (IRCAD).
L'acte robotique à distance consiste tout d'abord à opérer un malade qui ne se trouve pas à proximité immédiate du chirurgien. "La première opération, appelée Opération Lindbergh, a eu lieu le 7 septembre 2001. J'étais à New York tandis que la patiente se trouvait à Strasbourg. L'intervention s'est très bien passée et a ouvert la voie à de nouvelles possibilités", indique le professeur Marescaux. La planification quant à elle permet de préparer les interventions.
"Nous commençons par faire un scanner du patient que nous digitalisons grâce à des logiciels de réalité virtuelle développés par l'IRCAD. L'objectif étant d'obtenir un clone virtuel du patient sur lequel nous pouvons agir. Ainsi, nous pouvons opérer virtuellement le patient pour planifier et simuler l'acte chirurgical. De cette manière nous répétons les gestes, avant de passer à l'opération réelle. Le premier logiciel de réalité virtuelle a été mis au point il y a près de 10 ans. Depuis, ces logiciels ont énormément évolué, ce qui m'amène à penser que nous allons vers une automatisation des actes chirurgicaux. D'ici 5 ans au maximum, les interventions seront semi-automatisées, avant de passer petit à petit à une complète automatisation".
La planification permet par ailleurs de mettre en œuvre le concept de réalité augmentée. Concrètement, le clone mis au point par les logiciels de réalité virtuelle est superposé aux images des opérations obtenues en direct par des caméras bien réelles. Cela permet aux chirurgiens de vérifier que les interventions se passent exactement comme prévues.
Enfin, les innovations de l'IRCAD concernent le vaste domaine de la chirurgie sans cicatrice qui se développe partout à travers le monde. "Cette chirurgie qui utilise les orifices naturels de l'organisme a été mise en pratique pour la première fois en avril 2007, à Strasbourg. Depuis, près de 40 patients ont pu en bénéficier et les recherches continuent pour améliorer encore nos techniques".
Toutes ces innovations ne pouvaient se développer et ni être diffusées sans un centre de recherche et de formation d'excellence. D'où l'initiative du professeur Jacques Marescaux de créer une structure privée originale dédiée à la valorisation de la recherche fondamentale contre le cancer (IRCAD) et au développement des nouvelles technologies informatiques dans le monde médical (EITS).
Depuis sa création en 1994, le centre a acquis une réputation internationale dans la recherche fondamentale et appliquée, ainsi que dans l'enseignement des nouvelles technologies chirurgicales. Il compte notamment 27 ingénieurs informaticiens de l'image, 29 ingénieurs roboticiens et pas moins de 800 ex-perts collaborateurs. Sa renommée fait de l'IRCAD/EITS la première école de formation aux nouvelles technologies chirurgicales dans le monde. Les diplômes délivrés sont reconnus par les instances américaines et forment des chirurgiens aux spécialités variées : digestion, gynécologie, urologie… Une antenne a été ouverte à Taïwan (Chine) en mai 2008, tandis qu'une autre est prévue en Amérique Latine à l'horizon 2010 (le pays n'est pas encore connu), pour répondre à la demande des spécialistes qui s'intéressent de très près à la chirurgie mini-invasive. En attendant, des formations sont dispensées, en 5 langues, à travers l'université virtuelle (www.ebsurg.com). Au programme : interviews des plus grands experts, conférences, interventions chirurgicales filmées…
AF/CVN