Cet été, Y Phi, 11 ans, ne va pas aux champs. Chaque matin, lui et ses amis vont à la maison commune du village de K'Bu de la commune de Hoà Khanh, dans la ville de Buôn Ma Thuôt afin d'apprendre à jouer du kram (variété de gong en bambou des êdê). Il s'agit d'une activité saine et significative réservée aux enfants des ethnies qui a été lancée par plusieurs localités du Tây Nguyên.
Le maître Y Hiu Niê K'Dam enseigne cette année à 30 enfants de six à 12 ans répartis en trois groupes. Ils sont initiés aux techniques de base de cet instrument. D'après Y Hiu Niê K'Dam, un ensemble de kram comprend sept gongs joués par autant de personnes. Chaque enfant doit tenir dans une position précise le gong que lui a confié le maître après que celui-ci ait estimé leurs capacités musicales. "Ces enfants adorent jouer du gong, au point que par beau temps ou de pluie, ils sont présents aux cours", a souligné le maître Y Hiu. "Néanmoins, il est difficile d'enseigner à des enfants car, en raison des écarts d'âge, leurs capacités ne sont pas identiques et cela exige encore plus de patience de l'enseignant", a-t-il expliqué.
Y Loi, un élève de la 5e classe (CM2 en France) indique que ce sont ses parents qui veulent qu'il apprenne le gong pendant les vacances d'été parce que lorsque l'on est un Edê, on doit comprendre les sons des gongs et savoir en jouer. Assis à côté de Y Loi, Y Triên ne cache pas sa joie : "C'est amusant de jouer du gong. Ce que le maître Y Hiu Niê K'Dam nous enseigne est facile à comprendre. Maintenant, je peux jouer seul le morceau +Salut à l'invité convié à prendre un verre+", confirmant sa déclaration en attaquant ce dernier.
Idem pour Y Triên, c'est la première fois que les enfants de son village de K'Bu apprennent le gong. Les sons des gongs retentissent dans tout le village. Vers midi, après les champs, les villageois s'arrêtent quelques moments pour écouter leurs enfants. Y Bling Niê Kriêng, patriarche du village et grand père de Y Phy, ne cache pas sa joie de voir les enfants pratiquer ces instruments. "C'est grâce à l'attention des autorités locales que les cours de gongs ont pu être ouverts. J'ai décidé de mobiliser les jeunes pour qu'ils les suivent régulièrement afin qu'ils préservent nos traditions ancestrales qui sont l'âme de toute ethnie", a indiqué le patriarche.
D'après Truong Bi, directeur adjoint du Service de la culture, des sports et du tourisme de la province de Dak Lak, ces cours relèvent du programme de préservation du patrimoine culturel des gongs de cette localité. Ce programme est suivi dans les villages de 15 districts, chefs-lieux et villes de la province. Ainsi, les jeunes de six à 18 ans des ethnies êdê, Mo Nông, Giarai, Xo dang..., sont initiés à l'art des gongs de leurs ethnies respectives. Ce programme a aussi pour but de découvrir de jeunes talents pour les former de manière plus approfondie en vue de créer des groupes professionnels. De 15 groupes en 2004, Dak Lak en compte désormais plus de 300 groupes répartis dans nombre de ses villages.
Bien que ce mouvement connaisse le succès dans une certaine mesure, les maîtres dévoués plein de générosité comme Y Hiu sont inquiets car durant le court laps de temps d'apprentissage, les jeunes ne peuvent apprendre que quelques morceaux de base, et faute de pratique régulière, ils peuvent les oublier, ainsi que les techniques de jeu. Un souci qui est partagé par Truong Bi qui a précisé que son service est en train de régler les défauts de ce programme afin qu'il soit plus efficace. Pour le moment, les Services de la culture de ces localités mobilisent les artisans dans les villages pour rassembler les jeunes afin de jouer chaque week-end dans les maisons de culture communautaires. En outre, des concours et festivals de gongs, ainsi que des cours de perfectionnement technique seront organisés pour attirer les jeunes talents.
Thu Trang/CVN