Les costumes traditionnels, victimes de la modernité

Le Vietnam comporte 54 groupes ethniques avec chacun ses costumes propres ornés de motifs aussi diversifiés que distinctifs. Le costume féminin notamment est révélateur de l’identité culturelle et du rang social de celle qui le porte, cet héritage se perd peu à peu...

>>Sauvegarder l’identité des ethnies minoritaires

Les femmes H’Mông arborent des costumes sophistiqués.

Parallèlement à la langue et à l’écriture, ce sont les costumes qui reflètent le plus clairement les caractères nationaux. Chaque ethnie minoritaire vietnamienne a créé, au fil du temps, ses propres tenues porteuses de leur identité. Au premier coup d’œil, l’observateur aiguisé sera à même d’identifier à quel groupe appartient tel ou tel costume, le statut social de sa propriétaire, de comprendre les mœurs et coutumes de chacune mais aussi de cerner leurs sensibilités d’un point de vue esthétique.

Splendeur et décadence

La conception d’un costume traditionnel est un travail difficile exigeant un vrai savoir-faire. Celle qui le portera plus tard doit assurer elle-même toutes les étapes de confection : de la production des fils à la broderie des motifs, en passant par le tissage, la teinture, la taille, la couture... Et chaque ethnie à ses propres techniques.

Les femmes H’Mông et Dao arborent des costumes sophistiqués associant un tissage recherché, des perles et des pièces en argent. Chez les femmes Thai, le costume captive par sa forme, au contraire des femmes Muong qui aiment les motifs d’ornement, surtout pour la frange de la jupe qui enserre le corps. À noter aussi que d’autres motifs, figurant sur le bas de la veste, transparaissent à travers les deux pans de la blouse. Les femmes Pa Then, quant à elles, privilégient le rouge clair, couleur du feu et de la lumière...

Pourtant, si leur splendeur ne souffre d’aucune contestation, les costumes traditionnels se perdent au fil du temps. Leur protection et valorisation dépendent de beaucoup facteurs, dont les conditions socioéconomiques et environnementales, historiques, l’évolution des goûts esthétiques des individus et de la communauté. Beaucoup d’ethnies ne portent plus leurs costumes traditionnels, notamment les groupes les moins représentés.

Aujourd’hui, selon les études du Musée d’ethnographie du Vietnam, 40 des 54 ethnies de l’ensemble du pays ne portent plus leur costume traditionnel. Chez certaines, à l’exception des personnes âgées, tous s’habillent comme Monsieur Tout-le-monde. Pis encore, les tenues traditionnelles de certaines ethnies les moins nombreuses comme Ro Mam, O Du, Thô, Chut... n’existent tout simplement plus.

«Je porte le costume traditionnel uniquement lors des fêtes», exprime Lo Thi Hoài, de l’ethnie La Ha (Son La, Nord). Vi Thu Huong, de l’ethnie Thai (Son La), fait savoir, pour sa part qu’elle ne dispose dans sa garde-robe que d’un seul costume traditionnel de son ethnie. Au quotidien, elle s’habille «normalement».

Bùi Thi Thanh Vân, directrice du Service de la culture, des sports et du tourisme de la province de Kon Tum (hauts plateaux du Centre), informe que les résultats d’un projet d’études et d’enquêtes sur le métier de tissage montrent que les habitants de l’ethnie Xo Dang dans les districts de Dak Tô, Ngoc Hôi, Dak Hà... ont définitivement remisé leur costume traditionnel.

Les facteurs du déclin

Une des explications de l’abandon de la tenue traditionnelle réside dans le changement des conditions naturelles et socio-économiques. Avec le développement de l’économie de marché et l’intégration du pays à l’international, les minorités ethniques n’ont plus besoin de cultiver des plantes leur fournissant ensuite du tissu. Il leur suffit simplement d’aller aux marchés pour s’approvisionner en matières premières et confectionner leurs vêtements.

Autre explication, le côté «non pratique» de ces tenues : «Le costume traditionnel des La Ha est beau mais trop lourd à porter. C’est pénible lorsque nous devons travailler dans les champs», nous confie Lo Thi Hoài, de cette ethnie, domiciliée dans le district de Thuân Châu, province de Son La. Des propos repris par A Than, de l’ethnie Brâu (province de Kon Tum), qui fait savoir qu’il est très difficile de travailler quand l’homme doit porter un cache-sexe et la femme, une jupe, les costumes traditionnels de cette ethnie très peu représentée.

Cependant, cette désaffection ne plaît pas à Phùng Ky Me, de l’ethnie La Hu (province de Lai Châu, Nord) : «Je suis triste de voir mes enfants ne pas porter le costume traditionnel. Selon eux, il n’est pas pratique», défendant l’argument selon lequel cette tenue - qui nécessite trois mois pour sa fabrication - vaut beaucoup plus cher que les vêtements standards.

Autre raison : la diminution de la superficie réservée aux plantes à fibres textiles en raison de l’explosion démographique. En effet, des milliers de villages de métiers et de coopératives de la plantation des mûriers et cotonniers d’auparavant, n’en subsistent plus que quelques dizaines. Parmi les rescapés, il faut citer Van Phuc (Hanoi), Mai Châu de l’ethnie Thai (Hoà Binh, Nord), My Hiêp de l’ethnie Cham (Ninh Thuân, Centre) et les villages des Pa Then à Quang Binh (Centre).

Mais la cause principale de ce désamour est le changement des goûts en matière d’esthétique chez les jeunes, qui préfèrent les vêtements modernes et faciles à porter.

Huong Linh/CVN

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