>>Les costumes traditionnels, victimes de la modernité
Tant au Vietnam qu’à l’étranger, la richesse et la diversité des costumes traditionnels vietnamiens sont reconnues par les spécialistes. De même, ce patrimoine exerce encore une forte attraction dans la société, et les Vietnamiens les considèrent avec respect et affection comme un témoin du passé et des valeurs qui leur sont rattachées.
Ils continuent à être produits et portés dans de nombreuses régions du pays, notamment en milieu rural. Cependant, d’une manière générale, on peut constater une déperdition résultant de phénomènes nouveaux qui ont trait à la situation globale de l’artisanat et à l’importation massive de vêtements, non seulement modernes mais relevant de traditions vestimentaires d’autres régions du monde
L’organisation de festivals de l’habit traditionnel vietnamien permet de donner une plus large visibilité publique à ce patrimoine. |
Selon Trân Huu Son, directeur du Service de la culture, des sports et du tourisme de la province de Lào Cai (Nord), en dehors de leur aspect strictement utilitaire, les costumes traditionnels sont l’élément culturel le plus voyant des ethnies qui permet de les distinguer instantanément.
Afin qu’ils soient toujours portés dans la vie de tous les jours et qu’ils ne deviennent pas des objets folkloriques (au sens péjoratif du terme) voire, pire, des objets de musées, il faut d’abord élever la conscience des habitants sur la nécessité de les conserver. Renforcer la fierté envers la culture de leur ethnie, notamment des jeunes, est aussi importante.
L’État devrait élaborer des politiques d’encouragement à la restauration des villages de métiers et d’assistance à la culture des plantes tels que le cotonnier. Car c’est un fait, acheter un tee-shirt au marché est bien moins coûteux (en argent et surtout en temps) que de confectionner un habit traditionnel. «Fabriquer un costume traditionnel nous prend quatre mois, de la culture du cotonnier au tissage à la broderie. Et tout cela a un coût. C’est pourquoi nous souhaitons recevoir des aides de l’État», confie Phung Ky Me, de l’ethnie La Hu, province de Lai Châu (Nord).
Attirer les touristes dans les villages de métier est une autre solution pour revigorer le secteur de l’artisanat.
D’après Vi Hông Nhân, ancien chef du Département de la culture des ethnies (ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme), l’organisation de festivals de l’habit traditionnel vietnamien, de clubs d’échanges culturels permet de donner une plus large visibilité publique au patrimoine vestimentaire national dans la diversité historique de ses périodes de création et de ses diversités régionales.
L’artisan Vàng Thi Mai, de l’ethnie H’Mông, province de Hà Giang (Nord), considère que «les artisans sont prêts à transmettre le métier traditionnel aux jeunes. Mais l’État doit donner un coup de pouce, financier notamment».
Un exemple
Face au risque de disparition des habits traditionnels, dans certaines localités de la province de Bac Giang (Nord), des ethnies minoritaires ont relancé le tissage de la brocatelle avec l’accent mis sur la formation des jeunes.
Les femmes Muong (Hòa Binh, Nord) travaillent aux métiers à tisser. |
Photo : Trong Dat/VNA/CVN |
D’après Tân Van Nguyên, chargé des affaires culturelles de la commune de Tuân Mâu, district de Son Dông, province de Bac Giang (Nord), «il fut un temps où la préservation du costume traditionnel des Dao n’était pas l’objet des préoccupations des habitants de la commune. Seules les personnes âgées connaissaient le tissage de la brocatelle. Mais, en 2010, une prise de conscience est intervenue, et certains artisans ont cherché à relancer la broderie par le biais de cours de formation. Une trentaine de jeunes âgés de 10 à 18 ans en ont bénéficié».
«Je suis heureuse de porter le costume traditionnel de mon ethnie. Lors des fêtes ou des noces, les jeunes exhibent leurs plus beaux vêtements traditionnels. Nous nous efforcerons de maintenir l’identité culturelle de notre ethnie, car ce sont nos racines», déclare Ngoc Huyên, 18 ans.
Dans le hameau de Khe Nghè, district de Luc Nam, le tissage de la brocatelle a aussi repris de la vigueur, dès 2007. Des dizaines de jeunes savent désormais confectionner des costumes traditionnels dans les règles de l’art.
«Notre province compte 20 ethnies, informe Vi Thi Tinh, directrice adjointe du musée de Bac Giang. Mon musée conserve des exemplaires de la plupart des costumes traditionnels des ethnies minoritaires. Dans certaines localités, les habitants ont organisé des cours de tissage et de broderie réservés aux élèves et étudiants».
Selon elle, afin de préserver les costumes traditionnels «in situ», c’est-à-dire dans les villages et non dans les musées, les localités devraient organiser davantage de fêtes culturelles, créer des clubs ou des associations de préservation des costumes traditionnels... Le renforcement des activités de communication sur la nécessité de préserver ces habits et l’organisation périodique de festivals sont nécessaires. En outre, il est important d’aider les habitants à créer des coopératives de tissage de la brocatelle, de construire des marques reliées au développement touristique...
«La préservation et la valorisation des costumes traditionnels nécessitent la participation de tous, habitants comme décideurs politiques», souligne Hoàng Duc Hâu, chef du Département des cultures ethniques.
Huong Linh/CVN