Les coraux réunionnais sont en mauvaise santé

Des couleurs ternies, des algues en abondance, une biodiversité appauvrie... Qui pourrait croire que cet accablant tableau dépeint le récif de La Réunion, connu pour sa beauté et sa richesse ? Depuis les années 1980, ce dernier perd de sa superbe, victime de sa surfréquentation, des rejets d'eaux usées et de ruissellement, des aménagements littoraux et de la déforestation de l'île qui entraîne l'érosion des sols.

Grâce à dix ans de suivi de la barrière corallienne, une chercheuse de l'Institut de recherche pour le développement (IRD) co-publie un rapport sans équivoque destiné à la Réserve marine de la Réunion : la qualité de l'eau du lagon se dégrade et les coraux meurent. Les auteurs préconisent de réglementer l'accès au récif, avec par exemple des sentiers balisés, des zones sanctuaires, une surveillance accrue de la pêche et des loisirs, etc. Un passage obligé pour concilier les activités humaines et la préservation de l'écosystème, chacune essentielle au développement économique de l'île.

La biodiversité diminue...

En 1998 et en 2008, l'ensemble du peuplement de poissons récifaux a été passé au crible. De plus, chaque année, les écogardes de la Réserve naturelle marine de La Réunion ont échantillonné des espèces cibles (mérous, poissons papillons, poissons demoiselles, capucins, etc.) au niveau de 14 stations de mesure réparties sur l'ensemble du platier de corail, et de la pente externe du récif. Les scientifiques ont ainsi suivi l'évolution de la répartition des différentes espèces.

En une décennie, le nombre d'herbivores, c'est-à-dire les poissons chirurgiens ou les Stegastes (genre de poissons demoiselles), a augmenté de 15 à 20%. Ils dominent désormais largement l'écosystème : ils représentent en moyenne 68% des individus sur le platier et 40% sur la pente externe. Le peuplement de poissons compte par ailleurs aujourd'hui très peu de piscivores (moins de 3%), première cible de la pêche.

Globalement, cette perturbation des peuplements de poissons et la modification de leur structure trophique se traduisent par une diminution de la richesse biologique au sein du récif corallien.

... car le corail va mal

Cette perte de biodiversité au niveau du peuplement de poissons est signe de dégradation de l'habitat corallien. L'augmentation de la densité d'herbivores signifie qu'il y a eu diminution de la couverture récifale au profit des algues.

La mauvaise santé du corail serait due à la forte pression humaine qui s'exerce à La Réunion. En effet, dans de nombreux bassins versant, la déforestation accentue l'érosion des sols et entraîne plus de terre et d'engrais charriés vers le fond du lagon.

Du fait de l'accroissement de la population, les station d'épuration sont devenues sous- dimensionnées et ne traitent plus correctement les eaux usées, qui finissent souvent à la mer peu dépolluées. L'urbanisation, l'agriculture et les aménagements en zone littorale contaminent la nappe phréatique qui enrichit les eaux récifales en nitrates et phosphates et provoque la prolifération des algues au détriment du corail, selon le phénomène d'eutrophisation. Ces aménagements augmentent également par les hydrocarbures des voiries, et dégradent la qualité de l'eau du lagon. Enfin, la surfréquentation, notamment touristique, contribue à dégrader le récif corallien. En effet, avec quelque 10.000 vacanciers et baigneurs, certains week-ends, sur les 25 km de plage de La Réunion, les colonies de corail subissent de nombreuses casses (coups de palmes, marche sur les coraux...)

Un récif très vulnérable

Du haut de ses 10.000 ans, le récif réunionnais est en réalité très jeune à l'échelle des temps géologiques. L'île elle-même n'est âgée que de trois millions d'années. Or, plus une île volcanique est ancienne, comme l'île Maurice située non loin, plus sa barrière de corail est éloignée de la côte du fait de la croissance du récif vers la barge et de l'enfoncement de l'île sous son propre poids au fil des millénaires. De plus, ses flancs ont été érodés et sont donc en pente douce. À l'inverse, sur une île jeune, comme La Réunion, le récif est plus proche de la côte et reçoit de plein fouet les effluents et ruissellements sur les bassins versants abrupts de l'île. Le récif réunionnais doit donc sa grande fragilité à sa jeunesse.

Aux grands maux, les grands remèdes

Pour freiner cette dégradation, la chercheuse de l'IRD préconise d'associer la gestion des récifs coralliens de La Réunion à celle des bassins versants, à travers un aménagement harmonieux et concerté, afin de limiter les pollutions d'origine terrestre. Réglementer l'accès et l'usage du récif s'impose également, avec des sentiers balisés, des zones interdites ou zones sanctuaires, une surveillance accrue de la pêche et des loisirs, etc. C'est en ce sens que la Réserve Naturelle Marine de La Réunion a été créée en 2007. Elle joue un rôle essentiel en matière de gestion de l'espace associé au récif corallien et de protection de ce dernier. La Réserve a d'ores et déjà porté ses fruits, notamment grâce une meilleure information des usagers, avec une diminution du braconnage et un plus grand respect de la réglementation.

Particulièrement sensibles aux variations de l'environnement, les coraux sont en première ligne dans le contexte actuel de changement global (climat, démographie, etc.). Or, le récif corallien joue un rôle de barrière naturelle contre l'érosion marine de la côte et constitue un réservoir de biodiversité ainsi qu'une source de revenus importante pour les populations locales grâce à la pêche et au tourisme qu'il génère. Pour concilier activité humaine et préservation de cet écosystème très vulnérable, toutes deux essentielles au développement économique de l'île, les gestionnaires de l'espace littoral doivent renforcer les mesures d'accès et les règles d'usages du récif réunionnais.

IRD/CVN

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