Tày est une ethnie mino-ritaire des régions montagneuses du Nord dont la population est la deuxième plus importante au Vietnam après celle des Kinh (ethnie majoritaire, 86% de la population du pays). Nông Ich Dam vit dans la commune de Dam Thuy, district de Trùng Khanh, province montagneuse de Cao Bàng (Nord).
Nông Ich Dam a 90 ans, et est le doyen de son village. Malgré le poids des ans, le vieillard est toujours actif et ne se défait jamais de son sourire. Les villageois le considèrent comme un livre vivant de l’histoire locale. Mais il est surtout renommé pour sa connaissances des langues étrangères et sa passion pour jouer le rôle de guide auprès des visiteurs de passage à la grotte de Nguom Ngao (Grotte des tigres en langue Tày), située non loin de chez lui.
Nông Ich Dam nous montre lettres et photos qu’il reçoit des touristes. |
Photo : CTV/CVN |
Trois langues étrangères
Outre le Tày, sa langue maternelle, Nông Ich Dam parle couramment vietnamien et se débrouille bien avec trois langues étrangères que sont français, anglais et chinois. «J’ai eu la chance d’apprendre le français pendant trois ans dans une école du district de Trùng Khanh. Après l’arrêt des études, j’ai continué seul», rappelle-t-il. En 1946, le jeune Dam a rejoint l’armée contre les colonialistes français et a eu l’occasion de perfectionner la langue de Molière à travers la lecture de livres et de documents, et la rencontre de Français aussi. «À cette époque-là, j’ai commencé à apprendre le français car j’aimais cette langue sans penser qu’il allait être utile pour moi ultérieurement», explique-t-il.
Après avoir quitté l’armée, son vocabulaire s’est appauvri mais grâce aux rencontres fortuites avec les touristes visitant la grotte de Nguom Ngao, Nông Ich Dam a commencé à l’enrichir de nouveau. Il peut communiquer aisément en français sur des choses simples de la vie quotidienne comme la santé, le travail, la famille. Compte tenu de certaines similitudes entre français et anglais, M. Dam se débrouille aussi pas mal dans la langue de Shakespeare.
Nông Ich Dam parle bien chinois. «Pendant des années, j’ai participé à des patrouilles à la frontière Vietnam-Chine et mené de petites affaires commerciales, ce qui m’a permis de rencontrer souvent des Chinois», dit-il. C’est pour cette raison que M. Dam a aussi un excellent chinois commercial.
Guide et parfois sauveteur
La petite maison de M. Dam se trouve à un kilomètre de la grotte de Nguom Ngao, réputée pour ses splendides stalactites et stalagmites, et qui attire un nombre croissant de visiteurs. M. Dam a ainsi pu rencontrer ces dernières années beaucoup de gens venus de pays francophones et anglophones, ce qui lui a permis d’enrichir ses connaissances en français et anglais. Le vieillard accueille aussi volontiers les touristes dans sa modeste demeure.
«En 2003, en emmenant le buffle aux champs, j’ai rencontré trois Canadiens qui sortaient de la grotte, l’air exténué. Je me suis approché et les ai salués en français. Ils ont été très surpris. Je les ai invités chez moi et nous avons discuté toute la journée», se souvient-il.
M. Dam habite à un kilomètre de la grotte de Nguom Ngao. |
M. Dam a raconté aussi un autre souvenir inoubliable lors d’une rencontre avec un groupe de touristes français. En 2010, il accepte d’être leur guide pour visiter la grotte. À peine rentrée, une jeune fille se fait mordre par un petit serpent, pas très venimeux certes mais pas inoffensif non plus. Panique chez les Français, notamment les parents... Mais M. Dam a rapidement rassuré les touristes. Ensuite, il est allé cueillir quelques feuilles en forêt, les a mâchées puis placées sur la morsure. Il a ensuite invité les touristes chez lui pour déjeuner et se reposer. Les parents étaient très émus. Revenus en France, ils lui ont écrit à plusieurs reprises.
Une des lettres des parents de la jeune fille française qui a été soignée par M. Dam dans la grotte de Nguom Ngao.
«Bonjour Monsieur Dam,
Nous sommes heureux de vous envoyer ces quelques photos que nous avons faites lors de notre passage chez vous. Nous espérons que vous vous rappelez de nous. Nous sommes venus avec notre guide Nam. Vous nous avez reçu avec une grande gentillesse et nous en gardons un très bon souvenir. Nous vous envoyons ces photos avec beaucoup de retard et nous espérons qu’elles vous feront plaisir. Nous en profitons pour vous remercier de votre accueil, nous avons été très touchés et nous reparlerons très souvent de vous et de toute votre famille. Nous pensons revenir au Vietnam en 2012 et espérons vous revoir. Si vous voulez nous écrire, voici notre adresse : Léon, 5, rue Hamellin, 95130 Francoville, France. Nous souhaitons que cette lettre et ces photos vous trouvent en bonne santé et nous vous disons «à bientôt peut-être».
Linh Thao/CVN