Le trafic thaïlandais de faux passeports perd un de ses barons

Pour quelques milliers de dollars, "le docteur" pouvait ouvrir les portes du monde entier grâce à ses faux passeports fabriqués depuis une maison miteuse de Bangkok. Après des années d'enquête, la police thaïlandaise a récemment démantelé plusieurs réseaux de faussaires.

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Pendant des années, Hamid Reza Jafary - dit "le docteur" - a échappé à la police grâce notamment à son mode de vie discret malgré la fortune amassée au fil des ans pour son savoir-faire. C'est un appel pour commander une pizza qui a provoqué sa chute.

Un complice du faussaire Hamid Reza Jafary, entouré des faux passeports et du matériel utilisé par son réseau, est présenté à la presse par la police thaïlandaise, le 22 juillet, à Bangkok.
Photo : AFP/VNA/CVN

Lors d'une conférence de presse la semaine passée, la police thaïlandaise a expliqué qu'elle enquêtait depuis cinq années sur ce réseau qui fournissait des documents "triple A" pour 2 à 3.000 dollars.

Neuf autres personnes du groupe ont été arrêtées dans le pays, connu depuis plusieurs années pour être l'un des principaux points d'approvisionnement en faux documents de la région.

La police a débusqué "le docteur", surnom hérité de son passé d'infirmier en Iran, dans une maison décatie d'une banlieue de Bangkok. Lors de la perquisition, 173 passeports français, israéliens, néo-zélandais, iraniens ou syriens ont été découverts mais aussi des puces électroniques, des modèles pour créer les timbres des visas, de l'équipement d'impression...

L'homme de 48 ans a avoué à la police que les passeports faits sur commande étaient ensuite simplement envoyés par courrier aux clients à l'étranger dans le monde entier.

Mais ce dernier a refusé de donner le nom de ses complices et de révéler où allait l'argent. "Il m'a dit +c'est un jeu... les policiers chassent les méchants, les méchants courent. Mais ce jeu est fini+", a confié Voravat Amornvirat, enquêteur de haut vol pour la police de l'immigration.

Jugé en mai, il a été condamné à 23 ans de prison, une peine réduite toutefois de moitié puisqu'il a reconnu les faits.

Ces dernières années, son réseau a fourni nombre de documents à des Syriens mais aussi à des criminels recherchés ou des membres du mouvement des Tigres tamouls fuyant le Sri Lanka, selon les autorités. Mais aucun d'entre eux n'avait jamais rencontré le docteur.

Lien avec les filières terroristes

"C'était comme une entreprise qui avait ses courtiers, ceux qui prenaient les commandes... Le docteur était au sommet - mais il était très discret et très bien caché dans le pays", raconte Nathathorn Prousoontorn, de la police de l'immigration.

De faux passeports espagnols saisis par la police thaïlandaise sont présentés à la presse, le 22 juillet à Bangkok.
Photo : AFP/VNA/CVN

Les liens tissés avec le Pakistan et le Moyen-Orient par les réseaux comme celui du "docteur" inquiètent les États européens.

En juin, un autre faussaire présumé, le Pakistanais Atiq Ur Rehman a été arrêté en Thaïlande. Soupçonné d'avoir fabriqué des milliers de passeports européens et notamment français, il doit être extradé vers la France qui veut notamment enquêter sur ses liens avec les filières terroristes.

Ville de passage, Bangkok a souvent fourni un sanctuaire pour les personnes souhaitant disparaître ou se réinventer une vie.

Le pays, très bien desservi par avion, est accessible sans visa pour de nombreuses nationalités et compte d'immenses frontières poreuses avec la Birmanie, le Laos et le Cambodge.

En mars 2014, deux passagers avec de faux passeports volés en Thaïlande étaient montés à bord du MH370 de la Malaysia Airlines, qui a disparu en vol.

Quatre ans plus tôt, deux Pakistanais et une femme thaïlandaise avaient été arrêtés dans le pays, pour fabrication de faux passeports ayant servi notamment au groupe lié à Al-Qaïda et responsable des attentats de Madrid en 2004.

Malgré tout, le pays reste lui-même très vulnérable : la Thaïlande n'a pas accès à la base de données de passeports volés ou perdus d'Interpol, qui enregistre des dizaines de millions de documents.

Si c'était le cas, "nous saurions immédiatement", quand un document volé est présenté à la frontière thaïlandaise, explique le général Apichart Suriboonya, chef de la section thaïlandaise d'Interpol.

Après l'affaire du MH370, Apichart avait recommandé au pays de débourser les 900.000 bahts (23.300 euros) demandés pour accéder à la base de données. "Cela vaut la peine... mais nous ne le faisons pas", regrette-t-il.

AFP/VNA/CVN

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