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Le grand "coup de balai" en Turquie s'est étendu vendredi 29 juillet au monde des affaires, avec de premières gardes à vue de dirigeants d'entreprise, tandis que 17 journalistes dont des figures de premier plan ont été inculpés pour appartenance "à une organisation terroriste" et écroués.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan (centre) rencontre le Conseil suprême militaire et le Premier ministre Binali Yildirim (2e, droite), le 28 juillet à Ankara. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
À ce jour, plus de 18.000 personnes ont été mises en garde à vue à un moment donné, dont près de 10.000 sont poursuivies et placées en détention préventive, a dit le ministre de l'Intérieur vendredi 29 juillet, et 3.500 ont été libérées.
Quelque 50.000 passeports ont été annulés, une "précaution contre le risque de fuite des terroristes", a précisé un responsable turc, alors que la Turquie s'est installée dans l'état d'urgence pour trois mois.
Accusé du putsch par le président Erdogan sans qu'aucune preuve publique n'ait été fournie, le prédicateur septuagénaire Fethullah Gülen a démenti tout rôle dans le coup d'État avorté, depuis son exil américain. Mais ses sympathisants présumés sont les victimes d'une chasse aux sorcières radicale qui touche l'armée, les médias, la justice et l'éducation.
Le ministre allemand des Affaires étrangères a dénoncé jeudi 28 juillet des purges qui "dépassent toute mesure" et l'Union européenne laissait entrevoir un gel des négociations d'adhésion d'Ankara en cas de violation de l'État de droit. Mais M. Erdogan a fait fi de ces mises en garde.
"Certains nous donnent des conseils. Ils se disent inquiets. Mêlez-vous de vos affaires !", a lancé M. Erdogan depuis son palais présidentiel à Ankara. "Ces pays, dont les leaders ne sont pas inquiets pour la démocratie turque, ni pour la vie de nos citoyens et leur avenir alors qu'ils sont tellement préoccupés par le sort des putschistes, ne peuvent pas être nos amis", a-t-il ajouté.
Signe de la tension avec l'UE, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a estimé que l'accord entre l'Union et la Turquie pour freiner l'afflux de réfugiés en Europe occidentale risquait de capoter, dans un entretien au journal autrichien Kurier.
Le président turc a toutefois fait un geste de bonne volonté en affirmant abandonner les poursuites en justice lancées contre des personnes accusées de l'avoir insulté. Un des leaders de l'opposition était notamment poursuivi ainsi que plus de 2.000 autres personnes, selon des chiffres officiels.
Purges dans les affaires
Vendredi 29 juillet, la purge s'est étendue aux secteurs des affaires. Mustafa Boydak, président du conglomérat familial Boydak Holding, a été arrêté à Kayseri (Centre), en même temps que deux dirigeants de son groupe, Sukru Boydak et Halit Boydak, a rapporté l'agence de presse progouvernementale Anadolu.
La Turquie ordonne la fermeture de 45 journaux et 16 chaînes de télévision après le putsch raté du 15 juillet. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Des mandats d'arrêt ont également été délivrés contre l'ex-président de ce groupe qui a des intérêts dans l'énergie, la finance et les meubles, ainsi que contre deux proches.
Vingt-et-un journalistes ont aussi comparu devant un tribunal, dont Nazli Ilicak, ancienne députée, licenciée du quotidien progouvernemental Sabah en 2013 après avoir critiqué des ministres empêtrés dans un scandale de corruption - orchestré, selon Ankara, par Fethullah Gülen. Des confrères s'étaient rassemblés devant le tribunal pour les soutenir.
Sur les 21 journalistes, 17 dont Nazli Ilicak ont été placés en détention préventive et sont poursuivis pour appartenance à "un groupe terroriste", a rapporté l'agence Anadolu.
Les quatre autres ont été remis en liberté, dont Bulent Mumay, ancien éditeur du quotidien Hurriyet et figure connue du monde des médias.
Le Premier ministre Binali Yildirim a par ailleurs affirmé que l'armée était maintenant "nettoyée" de ses éléments pro-Gülen.
Critiques "ricules"
Le chef de la diplomatie Mevlut Cavusoglu a assuré que l'armée turque continuerait la lutte contre le groupe jihadiste État islamique et sortirait renforcée de son remaniement, en réponse aux critiques "ridicules" du général américain Joe Votel, chef des forces américaines au Moyen-Orient.
Le président Erdogan a accusé ce général de "prendre le parti des putschistes", des accusations démenties par le chef militaire américain.
"Toute information selon laquelle j'ai quoi que ce soit à voir avec la récente tentative de coup d'État en Turquie est complètement fausse", a déclaré le général Votel.
La veille, il avait dit "craindre l'impact" des purges dans l'armée turque sur les relations entre Washington et la hiérarchie militaire turque, selon des médias américains. L'armée turque a subi un vaste remaniement après le limogeage de près de la moitié de ses généraux (149).
"Toutes les bases dont sont partis les hélicoptères et les chars seront fermées", a annoncé le Premier ministre. "Nous éliminerons tous les risques de nouveau putsch", a-t-il tonné devant la presse.
Par ailleurs, après le Kirghizistan, Ankara a mis en garde le Kazakhstan concernant des écoles "turco-kazakhes" liées à Fethullah Gülen.