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L'ambassadeur britannique auprès de l'UE, Tim Barrow (gauche), remet à Donald Tusk, président du Conseil européen, la lettre lançant la procédure sortie du Royaume-Uni, le 27 mars à Bruxelles. |
Neuf mois après un référendum qui continue à diviser le pays, la lettre de divorce a été transmise au président du Conseil européen Donald Tusk par l'ambassadeur britannique à Bruxelles Tim Barrow, déclenchant formellement la procédure de sortie.
"Vous nous manquez déjà", a lancé un Donald Tusk visiblement éprouvé en brandissant la lettre devant la presse. "Il n'y a aucune raison de faire comme si c'était une journée heureuse, ni à Bruxelles ni à Londres", a-t-il ajouté en voyant ainsi ébranlé le projet européen, né sur les cendres de la Seconde Guerre mondiale.
Au même moment à Londres, la Première ministre Theresa May annonçait devant les députés du Parlement de Westminster qu'il n'y aurait "pas de retour en arrière".
Le Royaume-Uni est le premier pays à rompre les amarres avec l'Union, après 44 ans de mariage contrarié.
Elle a appelé le peuple britannique, Écossais en tête, à se "rassembler" pour obtenir "le meilleur accord possible".
À l'extérieur des bâtiments du Parlement, Nigel Farage, ancien leader du parti europhobe Ukip et grand architecte du Brexit, pavoisait : "On est les premiers à sortir. C'est historique. L'Union européenne ne s'en remettra pas."
Martin Spearing, 65 ans, vendeur sur un marché londonien, était d'accord : "C'est la meilleure chose qui puisse nous arriver. Nous reprenons les commandes des mains de ces bureaucrates non élus de Bruxelles".
Le déclenchement du Brexit ouvre une période de deux ans de négociations, un délai ambitieux tellement les discussions s'annoncent complexes et acrimonieuses.
"Douloureux pour les Britanniques"
Ca ne sera "sûrement pas facile", a souligné le ministre allemand des Affaires étrangères, Sigmar Gabriel, tout en lançant un "restons amis" à l'adresse de Londres.
Le président français François Hollande a lui estimé que "ce sera douloureux pour les Britanniques" et que l'Europe sera "sans doute" amenée à avancer à "des vitesses différentes" désormais.
Dans sa lettre de divorce, longue de six pages, Mme May dit vouloir "travailler dur" pour arriver à un accord. Mais son appel à mener en parallèle des négociations sur le "futur partenariat" avec l'UE risque de déplaire à Bruxelles, où l'on cherche d'abord à régler le divorce avant de se pencher sur l'avenir.
L'Union européenne "agira de manière unie et préservera ses intérêts" dans les négociations, a indiqué le Conseil européen qui doit soumettre ses "orientations" pour les discussions aux dirigeants des 27 pays européens lors d'un sommet le 29 avril à Bruxelles.
"Le chantier est si vaste que deux ans seront bien insuffisants", estime Catherine Barnard, professeur de droit européen à l'université de Cambridge, soulignant "qu'à chaque pierre soulevée, d'autres apparaissent".
D'autant qu'avant même leur démarrage "il y a déjà des blocages", constate Patricia Hogwood, professeur de politique européenne à l'université de Westminster, citant le dossier des citoyens européens au Royaume-Uni ou encore l'addition à payer pour la sortie ou l'accès au marché européen.
Devant les députés, Mme May a assuré vouloir faire du sort des trois millions d'Européens vivant au Royaume-Uni une "priorité".
Mais concernant la facture à payer, au titre notamment des programmes pour lesquels le Royaume-Uni s'est déjà engagé, les divergences persistent.
"Désaccord sur la facture"
Le gouvernement britannique "ne reconnaît pas les montants parfois très importants qui ont circulé à Bruxelles", a lancé le ministre des Finances, Philip Hammond.
Selon un haut responsable européen, la Commission européenne a évalué la note entre 55 et 60 milliards d'euros.
Ces différends et la volonté de Bruxelles de signifier que le Royaume-Uni ne peut pas avoir de meilleur accord "en dehors qu'en dedans" de l'UE, pour éviter de donner des idées de sécession à d'autres pays, ouvre la perspective qu'il n'y ait pas d'accord du tout.
Mais pour les milieux économiques, ce serait le scénario du pire alors que le Royaume-Uni réalise la moitié de ses échanges avec l'UE.
Pour le moment, l'économie se porte bien : la croissance du produit intérieur brut est restée solide à 1,8% en 2016 et pourrait atteindre 2% en 2017. Le déclenchement du Brexit mercredi 29 mars, événement prévu, n'a pas ému les marchés. Mais les investissements pourraient se détourner du pays.
Au plan intérieur, Mme May devra gérer le mécontentement des Britanniques qui ont voté contre le Brexit et dont certains promenaient mercredi 29 mars son effigie en carton-pâte devant le Parlement pour dénoncer son manque d'écoute à leur égard.