>>Le chef de l'ONU déterminé à parvenir à un monde exempt d'armes nucléaires
La ministre suédoise des Affaires étrangères Margot Wallström (centre) lors d'une session du Conseil de sécurité de l'ONU, le 23 mars à New York. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Le lancement des négociations pour bannir l'arme nucléaire sur un texte légalement contraignant a été décidé en octobre, avec le soutien de 123 pays membres des Nations unies.
La plupart des puissances nucléaires, déclarées ou non, avaient néanmoins soit voté contre ces négociations (États-Unis, France, Israël, Royaume-Uni, Russie), soit s'étaient abstenues (Chine, Inde, Pakistan).
Même le Japon, seul pays à avoir subi, en 1945, des attaques atomiques, a voté non, inquiet de voir l'absence de consensus sur ces négociations "saper les avancées sur un désarmement nucléaire effectif".
Mais l'opposition de ces pays n'a pas dissuadé les nations en pointe sur ce dossier - comme l'Autriche, l'Irlande, le Mexique, le Brésil, l'Afrique du Sud ou la Suède - ni les centaines d'ONG engagées à leurs côtés.
Face à la multiplication des foyers de tensions, aux menaces de la Corée du Nord, et à une nouvelle administration américaine jugée imprévisible, ils ont décidé de prendre les devants, inspirés par les mouvements qui ont mené aux conventions internationales interdisant les armes à sous-munitions (signée en 2008) ou les mines anti-personnel (1997).
L'ambassadrice américaine à l'ONU, Nikki Haley, lors d'une session du Conseil de sécurité de l'ONU, le 21 février à New York. |
"Cela va prendre du temps, ne soyons pas naïfs", déclarait la semaine dernière à l'ONU la ministre suédoise des Affaires étrangères, Margot Wallström. "Mais c'est très important, surtout en ce moment, quand on assiste à toutes sortes de discours ou de démonstrations de force incluant la menace d'utiliser l'arme nucléaire", a-t-elle souligné.
"Beaucoup de pays disent que nous devons sortir de l'impasse sur cette question depuis des années. C'est aussi l'expression d'une frustration".
"J’amais le bon moment"
Car aucune avancée n'a été enregistrée ces dernières années en matière de désarmement nucléaire, malgré les engagements pris par les grandes puissances dans le cadre du Traité sur la non-prolifération (TNP), déplore Beatrice Fihn, directrice de l'Ican (International campaign to abolish nuclear weapons), une coalition internationale d'ONG mobilisées sur ce dossier.
"Il y a eu beaucoup d'efforts à la fin de la Guerre froide, et puis ça s'est arrêté (...) L’administration Obama a déçu, elle avait fait des promesses mais ne les a pas tenues. Maintenant les craintes sont exacerbées avec le nouveau président" Donald Trump, dit-elle.
Forte de l'expérience sur les armes à sous-munitions ou les mines anti-personnel, Mme Fihn estime qu'il y a de "bonnes chances" qu'un traité soit adopté, si ce n'est dès la première phase de négociations qui se terminera le 7 juillet, au moins d'"ici deux ans".
Peu importe que les puissances nucléaires boudent les débats, dit-elle, l'adoption d'un tel traité les obligera tôt ou tard à revoir leur politique, même si elles sont engagées aujourd'hui dans la modernisation de leur armement nucléaire.
Les stocks d'armes nucléaires dans le monde par pays, selon le SIPRI. |
Photo : AFP/VN |
"Même si les principaux fabricants (d'armes nucléaires, ndlr) ne signent pas, ces traités ont un gros impact", dit-elle. "Prenez la Russie : pourquoi dément-elle utiliser des armes à sous-munitions en Syrie ? Elle n'est pourtant pas signataire du traité interdisant ces armes, mais elle sait que ce n'est pas bien."
Aucune grande puissance n'a fait de commentaires à l'approche de ces négociations, même si l'ambassadrice américaine à l'ONU, Nikki Haley, devait faire une déclaration en marge de leur ouverture lundi matin 27 mars à New York.
Les représentants des États-Unis et de la France avaient néanmoins expliqué en octobre leur opposition par la nécessité, en matière de désarmement, de "procéder par étapes", sans chambouler l'équilibre stratégique actuel ou mettre en péril la dissuasion.
"C'est comme les grands fumeurs, ce n'est jamais le bon moment pour arrêter", juge Mme Fihn. "Mais la tendance est là : dans ce monde multipolaire, beaucoup de pays pensent qu'ils n'ont pas besoin d'attendre les grandes puissances pour agir".