Le lin textile, une culture européenne ancestrale, qui séduit l'Asie

Dans le champ pailleté de fleurs bleutées qui s'étale à l'infini sous le ciel du Nord, Bertrand Decock tire une tige souple de la lourde terre collante. D'un coup de doigt, il détache la peau verte collée à la paille : la fibre de lin se déroule.

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Champ de lin à Hondschoote, dans le Nord de la France.
Champ de lin à Hondschoote, dans le Nord de la France.

Oublié, relégué pendant des siècles avec la jute et le chanvre, le lin représente moins de 1% des fibres textiles mondiales, mais 80% de la production vient d'Europe. La France est le premier producteur mondial. Et 80% de la fibre est vendue en Asie.

Le lin consomme dix fois moins d'azote que le blé, et capte le CO2. Il est très rentable pour les quelque 8.500 exploitations agricoles qui le cultivent en France, en Belgique et en Hollande, la première zone linicole textile du monde avec quelque 93.000 hectares.

C'est d'ailleurs la seule fibre textile naturelle produite en quantité en Europe, où le climat tempéré lui convient.

Sur une bande côtière océanique qui s'étale de Caen à Amsterdam, "la France compte 6.500 exploitations de lin textile, surtout en Normandie, Picardie et dans le Nord", explique Marie-Emmanuelle Belzung, qui dirige la confédération européenne du lin et du chanvre (CELC). Les cultures de lin oléagineux sont implantées dans d'autres régions.

"Aucun agriculteur ne produit que du lin. Il est cultivé par rotation tous les sept ans avec d'autres cultures" précise Alain Blosseville, exploitant en Normandie, qui préside aussi la coopérative Terre de Lin, réunissant 650 agriculteurs.

Le lin rapporte plus que le blé

Les surfaces dépassent d'ailleurs rarement 10-12 hectares par cultivateur.

"La production a doublé en France en 20 ans", dit Blosseville : "En moyenne, le lin rapporte plus que le blé".

Mais la récolte est aussi "beaucoup plus risquée", note-t-il. Car, une fois arraché, le lin doit "rouir" correctement au sol pendant plus d'un mois.

La fibre tout en séchant commence à se décoller progressivement de la paille au gré d'une alchimie que seule la nature sait gérer avec un savant dosage de soleil et d'humidité. En dix minutes, un orage peut détruire la production d'une année entière.

Une fois en bottes, le lin est acheté par un "teilleur", industriel ou coopérative, qui extrait la fibre de la paille. Comme Bertrand Decock, teilleur de père en fils depuis 1695 près de Dunkerque.

Des fibres de lin à Raffetot (Nord-Ouest de la France).
Photo : AFP/VNA/CVN

"Nous avons un métier ancestral ancré dans le Nord, et ouvert sur le monde", explique Decock qui reçoit régulièrement des clients Indiens et Chinois pour négocier sa production : 6.000 tonnes de fibre de lin par an, issues de 20.000 tonnes de paille récoltées par les agriculteurs de la région.

Avec le lin, pratiquement aucun déchet : les graines sont gardées pour la semence ou l'industrie agro-alimentaire. La paille sert de litière pour les animaux ou est utilisée pour les panneaux agglomérés. Les résidus de fibre, ou fibres courtes appelées étoupes, sont de plus en plus prisés dans des débouchés industriels en raison de leur légèreté et de leur solidité (isolation, carrosserie automobile, raquettes, planches de surf, skis). La fibre, longue et noble, rassemblée en "filasses" ou "poignées", part chez le filateur.

Jusqu'à 90 km de fil au kilo

À l'arrivée dans l'usine, les balles de lin sont déroulées, peignées, puis broyées et ensuite battues par les lames d'un tambour qui sépare physiquement la paille de bois de la fibre grisâtre.

"Aucun agriculteur ne peut le faire lui-même, ce qui limite les zones de culture" explique Blosseville. Autour de Dunkerque, grande région linière, on trouve sept usines de teillage dans un rayon de 15 kilomètres, et 24 dans toute la France.

Pour la commercialisation, on est loin des marchés à terme de céréales. Les ventes ne se font que de gré à gré "dans le hangar", entre clients et fournisseurs. "Les prix s'établissent tout seuls après la récolte" explique Decock. Comptez entre 0,80 et 2,60 euros le kilo de fibre entre le teilleur et le filateur, selon la qualité.

Une récolte réussie, c'est une fibre légère, résistante, fine et homogène qui peut produire jusqu'à 90 km de fil au kilo. Mais c'est exceptionnel.

Les filateurs européens ne représentent plus que 20% des clients. Ils sont basés en Pologne et en Lituanie. 70% de la récolte part se faire filer en Chine, et 5 à 10% en Inde, où le tissu de lin est très prisé par les hommes notamment, souligne Belzung.

"Les Chinois ont bien tenté de faire pousser du lin, mais pour l'instant ça ne marche pas. Ils font de très faibles rendements et n'atteignent pas la qualité et l'homogénéité que nous avons" dit Decock. "Mais nous avons l'œil, car il y a 30 ans, ils ne savaient pas filer et maintenant presque tout le fil vient de Chine".


AFP/VNA/CVN

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