Le choix épineux des écoles et des métiers

Chaque année, les lycéens sont confrontés à un choix cornélien, celui de l’orientation professionnelle, qui va déterminer leur avenir. Mais être diplômé d’un établissement supérieur n’est pas le gage d’un emploi conforme à ses attentes. Les chiffres sont même inquiétants. Enquête.

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Les trois quarts des diplômés du baccalauréat souhaitent poursuivre leurs études dans une université.

L’Institut des sciences sociales et du travail indique qu’en 2015, quelque 22.000 travailleurs diplômés au niveau universitaire pointaient au chômage, avec un taux plus important dans les villes que dans les campagnes.

L’université privilégiée... parfois à tort 

Aujourd’hui, toutes les familles vietnamiennes veulent voir leurs enfants passer les concours d’entrée à l’université. Les statistiques le montrent bien, puisque les trois quarts des diplômés du baccalauréat souhaitent poursuivre leurs études dans une université.

Une habitude ancrée dans les mœurs pas forcément pertinente, selon Nguyên Thi Lan Huong, directrice de l’Institut des sciences sociales et du travail, l’objectif du Vietnam étant d’être en 2020 un pays industriel à revenu moyen, ce qui implique des emplois autres que ceux auxquels les diplômés de ces établissements supérieurs classiques peuvent prétendre.

De plus, le pays dénombre des centaines d’universités publiques et privées, avec un accroissement massif du nombre d’étudiants. À ce jour en effet, les travailleurs ayant le niveau universitaire représentent 40% des effectifs. Problème, le marché du travail n’en a besoin que de 20%. Conséquence : la moitié de ces diplômés sont au chômage ou doivent se contenter d’un emploi sans rapport avec leur formation. Hanoi et Hô Chi Minh-Ville en sont de parfaits exemples. Il suffit de voir tous ces diplômés contraints d’exercer en tant que simples ouvriers.

La réalité montre que baccalauréat en poche, bon nombre d’élèves choisissent leur école ou secteur de formation selon les tendances du moment. Chaque année, 400.000 élèves sont ainsi admis à l’université et environ 370.000 autres choisissent de poursuivre leurs études dans les écoles de formation professionnelle. Et un tiers des recalés aux concours d’entrée à l’université décident d’attendre les éditions suivantes, soit une année pleine. Un fardeau pour leur famille et un vrai gâchis en matière de ressources humaines.

Quant aux autres (les recalés qui veulent poursuivre leurs études coûte que coûte), ils optent pour une école sans vraiment se soucier des possibles débouchés et des besoins futurs du pays, ce qui a pour effet d’entraîner un déséquilibre entre l’offre et la demande sur le marché du travail.

Nombre d’enquêtes montrent que seuls 5% des élèves connaissent le domaine de formation qu’ils ont choisi. À Hô Chi Minh-Ville, si environ 80% des diplômés des universités et des écoles de formation professionnelle trouvent un emploi, seuls 50% exercent un métier conforme à leurs domaines de compétences. Pire, plus de 60% des licenciés, ingénieurs acceptent un travail n’ayant aucun rapport avec leur formation en espérant que la situation sera temporaire.

À noter que pour la période 2016-2020, la mégapole du Sud aura besoin de recruter 270.000 travailleurs dont 85% pour les diplômés de tous niveaux, parmi lesquels 17% au niveau universitaire et 2% au niveau post-universitaire.

Le double tranchant de la mondialisation

La fête de recrutement et d’orientation professionnelle 2016 de l’Universitédes sciences et des technologies de Hanoi, le 4 avril à Hanoi.
Photo : Anh Tuân/VNA/CVN

«Les diplômés du secondaire ou de l’université peuvent aisément se retrouver au chômage», affirment des experts chargés de l’orientation professionnelle. À Hô Chi Minh-Ville, une enquête menée en mars dernier auprès de 1.500 entreprises montre que seul un tiers des postes pourvus l’est par des travailleurs au niveau universitaire.

Autre facteur à prendre en considération, le fait que le Vietnam vient d’adhérer à la communauté économique de l’ASEAN et est partie à l’Accord de partenariat transpacifique (TPP), dans le cadre de sa stratégie d’intégration active à l’économie mondiale.

Grâce à des accords de reconnaissance mutuelle, les pays de l’ASEAN ont permis aux employés de huit professions (auditeurs, architectes, ingénieurs, dentistes, médecins, infirmières, enquêteurs et guides touristiques) de chercher un emploi librement dans le bloc. Trân Anh Tuân, directeur adjoint du Centre de prévisions des besoins en ressources humaines et de l’information pour l’emploi de Hô Chi Minh-Ville, voit là l’opportunité de «créer un marché du travail libre, où les travailleurs vietnamiens peuvent partir à l’étranger dans un cadre professionnel et inversement».

La donne est quelque peu différente pour le TPP. La concurrence sera accrue, non seulement entre les pays signataires de l’accord, mais aussi au sein de chaque pays en termes de qualité des produits, d’institutions et d’environnement des affaires. De ce constat, outre la qualification professionnelle, les jeunes actifs vietnamiens doivent enrichir leurs compétences dans la communication, les langues étrangères, le travail d’équipe, l’informatique ou la flexibilité professionnelle.

M. Tuân pointe aussi du doigt le fait que «si chaque année, de nombreux étudiants sortent licenciés en économie, les entreprises éprouvent toutes les peines du monde à recruter du personnel conforme à leurs attentes dans ce domaine. La clé réside dans la mise en pratique des connaissances théoriques, ce qui implique des stages en entreprise en marge des cours».

Et de conclure que le choix d’une école ou d’un secteur de formation doit se baser sur les connaissances du métier, de l’économie du pays et de celle de chaque localité, mais aussi sur les capacités et points forts de chacun. Les entreprises pourront ainsi plus facilement trouver chaussures à leur pied, sans forcément regarder du côté des travailleurs étrangers.


Huong Linh/CVN

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