>>Un collectionneur dans l’ère du temps
>>Retrouver le goût de la lecture sur papier
Trinh Hùng Cuong et ses anciens livres. Photo : |
Il semble qu’à l’ère des technologies de l’information et de la communication, la plupart des jeunes ne prêtent guère attention aux anciens livres. Ce n’est pas le cas de Trinh Hùng Cuong, un jeune ingénieur établi à Bac Ninh (Nord). Actuellement, sa collection comporte plus de 10.000 livres, journaux et magazines.
À l’ère des nouvelles technologies et de l’hyper communication, les livres ont du mal à se faire une place dans les chambres et dans le cœur des jeunes. Mais par chance, la page n’est pas encore entièrement tournée, notamment dans une petite ville au Nord du pays.
Une passion sans borne
Depuis près de seize ans, Trinh Hùng Cuong se passionne pour la lecture. Sa maison, située rue Ngô Gia Tu dans la ville de Bac Ninh, est devenue une adresse incontournable pour tous les amoureux de ce support. Son trésor, soit près de 10.000 livres, magazines et journaux trouvés au fil des ans avec patience et obstination, occupe tout le second étage de sa maison. Ses péchers mignons : les anciennes œuvres d’écrivains, de poètes et d’historiens connus dans le pays.
Avec une certaine fierté, il parle de ses recueils les plus précieux, conservés avec grand soin. Son impressionnante bibliothèque compte le premier journal écrit en quôc ngu, la langue vietnamienne romanisée, et publiée en 1865 à Saigon (Hô Chi Minh-Ville actuelle). Cuong s’estime aussi chanceux de posséder deux exemplaires de la première version française du Truyên Kiêu (Histoire de Kiêu) datant de 1884. Chef-d’œuvre épique de Nguyên Du, il est considéré comme un poème majeur de la littérature vietnamienne.
Cuong est né en 1981 dans une famille évoluant dans le secteur de l’électricité et de l’eau. Diplômé de l’Université polytechnique de Hanoi et devenu ingénieur en génie électrique, il travaille comme fonctionnaire dans la Société d’environnement et d’ouvrages urbain dans la ville de Bac Ninh. Mais au-delà du goût pour ces métiers, la lecture est aussi une histoire familiale.
Enfant, il avait pris ses quartiers dans la petite bibliothèque de son grand-père maternel. Il y restait souvent des heures à parcourir des ouvrages, pour certains à valeur inestimable.
En 2011, sa famille a été surprise de le voir débarquer de Hanoi, en camion de location, avec toute sa collection. |
Cette soif de lecture ne l’a jamais quitté, et elle est devenue une vraie philosophie de vie. «Depuis mes 12 ans, j’économise de l’argent pour acheter des livres», partage l’ingénieur. Encore étudiant à Hanoi, il se réservait toujours du temps pendant le week-end pour aller chez les bouquinistes, rue Lang.
En l’an 2000, alors en deuxième année à l’université, la passion l’a poussé à vendre son ordinateur pour acheter par la suite une collection de livres d’histoire. «Un ordinateur à ce moment-là était très précieux pour moi. Mais comme j’adorais énormément cette collection, je n’ai pas réfléchi trop longtemps avant de revendre mon ordinateur», avoue-t-il.
Un «aventurier» littéraire
Avec le temps, il s’est lancé dans de véritables «chasses» aux livres. Il a passé deux ans à voyager entre Hanoi et Bac Ninh pour convaincre un propriétaire de lui vendre des ouvrages.
En 2013, Cuong avait appris qu’une personne à Hô Chi Minh-Ville voulait vendre des livres de Nguyên Văn Vinh, célèbre journaliste, écrivain et traducteur. Il a tout de suite entrepris un voyage dans la mégalopole. Et dépenser sans compter : il lui a fallu près de 100 millions de dôngs (soit 4.500 dollars) pour acheter la cinquantaine de livres et manuscrits. «D’ailleurs, ma famille et mes amis étaient stupéfaits de ce voyage», se souvient-il.
Chaque année, il se rend une ou deux fois au Sud afin de dénicher des pépites littéraires. L’ingénieur affirme que dans de nombreuses bibliothèques et universités dans le monde, plusieurs personnes cherchent à acheter des livres anciens vietnamiens qui seront utilisés pour des travaux de recherche ou l’enseignement de la culture orientale. L’idée de les voir disparaître, loin du Vietnam, le chagrine. «Ces livres font partie de la culture vietnamienne et du patrimoine du pays. Il est bon de les ramener. Nous devons ainsi les respecter, et assurer les techniques pour qu’ils soient mieux conservés, et ce pour les générations suivantes», souligne Cuong.
Un savoir à préserver à tout prix
Le jeune homme se montre intransigeant et méticuleux pour conserver sa bibliothèque en bon état. Il utilise de la chaux en poudre, et un séchoir pour ôter toute humidité. Il applique aussi du poivre blanc pour empêcher les termites de détruire les ouvrages. Après cela, il les couvre avec du nylon et les préserve dans des armoires en bois. Des rites d’entretien et une dévotion qui vont au-delà d’un simple plaisir ou caprice de bibliomane. «Je collectionne les livres évidemment pour satisfaire à ma passion. Mais je cherche à préserver la valeur culturelle de mon pays, ainsi que promouvoir la valeur intellectuelle des livres auprès des autres personnes», partage-t-il.
Cuong a participé à plusieurs expositions majeures à Hanoi. De plus, le jeune collectionneur envisage d’inviter quelques amis de France et de Belgique pour préparer une exposition dédiée aux techniques et équipements pour la préservation des livres.
Certaines personnes lui ont demandé si, un jour, il voulait vendre son «trésor» aux autres. Il a répondu que l’idée ne l’avait jamais effleuré. «La passion ne peut pas être convertie en argent. Je suis déterminé à préserver cette collection au cours de ma vie», prévient-il. Et pour rendre sa passion utile à d’autres personnes, il prévoit d’ouvrir prochainement un café-librairie. Un nouveau chapitre s’ouvre…
Thuy Hà/CVN