>>Khashoggi: Trump nie couvrir les alliés saoudiens de Washington
>>Affaire Khashoggi: Ryad déterminé à établir les responsabilités, assure Pompeo
>>Affaire Khashoggi: le G7 veut une enquête "crédible et transparente"
Le journaliste saoudien Jamal Khashoggi, le 15 décembre 2014 à Manama, à Bahreïn. |
La confirmation de la mort de Khashoggi a été relayée peu avant l'aube par l'Agence de presse officielle saoudienne SPA qui a fait état du limogeage de deux hauts responsables saoudiens et de l'arrestation de 18 suspects, tous Saoudiens.
Le président américain Donald Trump a qualifié ces développements de "pas très important".
"Les discussions entre Jamal Khashoggi et ceux qu'il a rencontrés au consulat du royaume à Istanbul (...) ont débouché sur une rixe, ce qui a conduit à sa mort", a déclaré SPA en citant le parquet.
Le procureur général d'Arabie saoudite a publié un communiqué sur le déroulement des faits: "Les discussions qui ont eu lieu entre lui et les personnes qui l'ont reçu au consulat saoudien à Istanbul ont débouché sur une bagarre et sur une rixe à coups de poing avec le citoyen Jamal Khashoggi, ce qui a conduit à sa mort, que son âme repose en paix".
Le directeur d'un centre de réflexion considéré comme proche du pouvoir à Ryad, a donné une autre version. "Khashoggi est mort d'un étranglement au cours d'une altercation physique, pas d'une rixe à coups de poings", a déclaré Ali Shihabi, disant s'appuyer sur une source saoudienne haut placée.
Plus tard, le département international du ministère saoudien de l'Information a publié une déclaration en anglais attribuée à "une source officielle", affirmant que les discussions au consulat ont pris "une tournure négative" entraînant une bagarre qui a conduit à la mort de Khashoggi et à une "tentative" par les personnes qui l'avaient interrogé de "dissimuler ce qui est arrivé".
Une forêt proche d'Istanbul, où les enquêteurs turcs ont poursuivi des recherches, le 19 octobre 2018. |
Limogeages et arrestations
Jusqu'ici, Ryad avait affirmé que Khashoggi, qui était entré le 2 octobre au consulat d'Istanbul pour des démarches administratives, en était ressorti et il avait qualifié de "sans fondement" des accusations de responsables turcs selon lesquelles le journaliste avait été tué au consulat.
En confirmant la mort de Khashoggi, l'Arabie saoudite, dont l'image a terriblement souffert, a annoncé la destitution d'un haut responsable du renseignement, le général Ahmed al-Assiri, et celle d'un important conseiller à la cour royale, Saoud al-Qahtani.
Ces deux hommes sont de proches collaborateurs du jeune et puissant prince héritier Mohammed ben Salmane, surnommé MBS, sur lequel la pression était montée ces derniers jours à propos de l'affaire Khashoggi.
Leur grande proximité avec MBS a été soulignée par un analyste du Baker Institute de l'Université de Rice, aux États-Unis. "Renvoyer Saoud al-Qahtani et Ahmed al-Assiri, c'est aller aussi près de MBS qu'il est possible d'aller", a relevé cet analyste, Kristian Ulrichsen.
"Intéressant de voir si ces mesures s'avèrent suffisantes. Si le goutte à goutte de détails supplémentaires (sur la mort de Khashoggi) continue, il n'y a plus de tampon pour protéger MBS", a-t-il estimé.
Le roi Salmane d'Arabie saoudite a également ordonné la création d'une commission ministérielle présidée par le prince héritier pour restructurer les services de renseignement, selon les médias officiels.
Critique envers MBS, Khashoggi vivait en exil depuis 2017 aux États-Unis où il collaborait notamment avec le Washington Post.
La confirmation de sa mort est intervenue peu après une nouvelle conversation téléphonique entre le président turc Recep Tayyip Erdogan et le roi Salmane. Ils "ont souligné l'importance de continuer à travailler ensemble en complète coopération", selon une source à la présidence turque.
Les enquêteurs turcs ont poursuivi leurs investigations vendredi 19 octobre, fouillant notamment une vaste forêt proche d'Istanbul.
Le journaliste saoudien Jamal Khashoggi est mort. |
Photo: AFP/VNA/CVN |
Trump: "crédible"
L'administration Trump avait adressé vendredi 19 octobre une nouvelle mise en garde à Ryad, évoquant de possibles sanctions, tout en s'inquiétant des répercussions de l'affaire sur la relation stratégique et commerciale entre les États-Unis et l'Arabie saoudite.
Après l'annonce saoudienne, répondant à un journaliste qui lui demandait s'il jugeait la version de Ryad "crédible", M. Trump a répondu: "Oui, oui". "Encore une fois, il est tôt, nous n'avons pas fini notre évaluation, ou enquête, mais je pense qu'il s'agit d'un pas très important".
Donald Trump avait admis pour la première fois jeudi 18 octobre que le journaliste était très probablement mort, menaçant l'Arabie saoudite de "très graves" conséquences.
"Nous sommes attristés d'apprendre que la mort de M. Khashoggi a été confirmée", a déclaré la porte-parole de la Maison Blanche, Sarah Sanders.
Les États-Unis notent "que l'enquête sur le sort de Jamal Khashoggi progresse et que (le royaume saoudien) a entrepris des actions à l'encontre des suspects qui ont été pour l'instant identifiés", a ajouté la porte-parole.
Les États-Unis vont "appeler à ce que justice soit rendue dans les meilleurs délais et de manière transparente, et en accord avec l'état de droit", a dit Mme Sanders.
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, s'est déclaré "profondément troublé" et "souligne la nécessité d'une enquête rapide, approfondie et transparente sur les circonstances du décès".
Des élus américains se sont montrés nettement plus durs que la Maison Blanche après l'annonce saoudienne.
Le sénateur républicain Lindsey Graham, proche allié de Donald Trump, a mis en doute la crédibilité de Ryad: "Dire que je suis sceptique sur la nouvelle version saoudienne sur M. Khashoggi est un euphémisme".
"L'histoire que les Saoudiens ont racontée à propos de la disparition de Jamal Khashoggi continue à changer chaque jour, donc nous ne devrions pas prendre leur dernière version pour argent comptant", a tweeté Bob Corker, autre républicain, président de la commission des Affaires étrangères au Sénat.
AFP/VNA/CVN